Peu de salles de spectacles et de territoires proposent des spectacles et expositions accessibles aux personnes déficientes visuelles. Si l’audiodescription poursuit son développement national sous l’impulsion d’Accès Culture, il n’y a qu’à Nantes et sa proximité qu’une véritable offre, intégrant la venue, l’environnement du lieu et un accompagnement humain, est proposée de l’arrivée jusqu’au départ à la fin de l’événement.
Là, on peut aller entendre des concerts rocks, jazz, chanson, hip-hop et autres genres avec audiodescription, accueil et placement adapté, plus un accompagnement personnalisé au besoin. Tout cela grâce à Pick Up Production (PUP), association de diffusion culturelle, et son chargé des publics, Jérémy Tourneur. « Quand je suis arrivé chez Pick Up, j’ai repris le flambeau de mon prédécesseur qui m’a mis en lien avec des personnes en situation de handicap ou déficientes visuelles. On a très vite sympathisé, elles sont devenues des collaborateurs et nous ont expliqué ce dont elles avaient besoin. »
Un accueil personnalisé
C’est ainsi que PUP s’assure de l’accessibilité des abords et des lieux de spectacle, de la communication des informations nécessaires à la venue de ces spectateurs en intégrant la disponibilité de l’offre de transport adapté (Proxybus). Et ça marche, le public répond à la multitude d’offres de sorties culturelles, plusieurs chaque mois. « Quelques-uns de ces spectateurs sont membres de l’association Pick Up, siègent au Conseil d’Administration, poursuit Jérémy Tourneur. J’ai appris grâce à eux. Au départ, l’offre était faible, avec peu de concerts et d’expositions. Maintenant, on communique sur plusieurs événements chaque mois [à retrouver dans notre rubrique Agenda NDLR], des concerts, des expos, des festivals avec des parcours accompagnés pour profiter de ce qui est proposé. On est dans cette quête de diversifier nos propositions. On a fait de l’audiodescription sportive lors du mondial de rugby et des Jeux Olympiques, c’était l’occasion de faire découvrir des matches. Je considère ce dispositif comme une plus-value, en apportant des éléments de connaissance du lieu et du contexte, pour se faire une image mentale, donner des clés de compréhension de la musique, des instruments. » Un rendez-vous est ainsi donné avant la représentation pour apporter cette perception aux spectateurs aveugles ou malvoyants de l’architecture du lieu, de son environnement, et les plonger dans l’ambiance.
Donner envie
« On a un lien personnalisé, de confiance, qui conduit vers d’autres esthétiques pour découvrir, faire tomber les barrières mentales et celles de la logistique; « je ne connais pas, c’est loin, etc. », ajoute Jérémy Tourneur. On accueille une quinzaine de personnes par concert, trois à quatre fois par mois. Les gens savent être en bonnes mains. » Cette approche a conduit des quinquagénaires sur des concerts de rap par exemple, et des spectateurs aveugles à assister à des battles de hip-hop audiodécrites ! Toutefois il manque les jeunes dans ce public, même si PUP travaille avec l’institut spécialisé Ocens, issu de la fusion de la Persagotière (jeunes Sourds et malentendants) et Hauts Thébaudières (jeunes aveugles et malvoyants). « Les jeunes sont moins faciles à toucher, et c’est moins évident pour des questions d’organisation, conclut Jérémy Tourneur. Des personnes déficientes visuelles ne connaissent pas l’audiodescription, tout comme des artistes que je sensibilise, ainsi que les équipes des salles. A mon arrivée à Nantes, personne proposait l’audiodescription, mais des spectacles étaient annoncés naturellement accessibles, ce qui ne veut rien dire faute de repères. Et les musiques actuelles sont de plus en plus visuelles. Si on veut que les publics déficients visuels en profitent comme les autres, il faut les décrire. Je prends du plaisir à le faire, et il y a un vrai partage, même après cinq années. »
Anthony Penaud est l’un des spectateurs impliqués. Vice-président de l’association Orea, qui agit pour le vivre ensemble tous handicaps confondus à travers des activités sportives, culturelles, la sensibilisation du public et la convivialité autour d’événements diversifiés, il diffuse les infos de PUP à titre personnel.
« À l’origine, Pick Up a commencé par faire des concerts audiodécrits, ça a intéressé et on a rencontré les associations. Quand elles ont compris notre démarche, elles ont diffusé l’offre, et au fur et à mesure davantage de spectateurs sont venus en confiance, avec une info complète sur l’accompagnement. Ce qui nous a donné envie, c’est leur venue, et que des lieux culturels s’y intéressent et constatent la présence de personnes déficientes visuelles qui ne vendraient pas autrement. Ce qui m’a surpris, c’est qu’elles viennent à des concerts hip-hop et des spectacles de danse parce qu’il y a de l’audiodescription. Et de plus en plus de lieux constatent la présence de spectateurs déficients visuels et proposent un accompagnement par des bénévoles, même s’il n’y a pas d’audiodescription. » A Nantes et sa proximité, l’offre a suscité l’intérêt du public concerné et a diversifié sa curiosité : quels autres territoires suivront ce chemin ?
Laurent Lejard, novembre 2024.