Ancien étudiant en langues étrangères appliquées (LEA), Pierre Baradat, Toulousain âgé de 37 ans, s’investit à titre individuel dans l’accessibilité de la Ville Rose : il a notamment participé à l’élaboration d’un atlas de Toulouse en braille, d’un atlas visuo-tactile de Midi-Pyrénées et des audiodescriptions des stations de métro et de tram du réseau de transport en commun Tisséo. Ses études en langues l’ont amené à voyager dans plusieurs pays, notamment au Brésil.

« J’ai déjà effectué deux séjours à Sao Paulo, en 2001 et 2004. Je parle le portugais, que j’ai appris à l’université toulousaine Jean-Jaurès. Cette fois, je suis allé à Salvador de Bahia et Rio de Janeiro, un voyage organisé par une agence tout ce qu’il y a de plus classique. A Salvador de Bahia, j’ai résidé dans une pousada [hôtel de charme NDLR] du quartier ancien, à côté du Pelourinho. Les trottoirs sont accidentés, encombrés, étroits, pavés, l’état de la chaussée laisse à désirer. J’ai bien aimé la gastronomie locale, la purée de manioc avec des crevettes par exemple. J’ai effectué quelques excursions avec des groupes de personnes valides, à la journée. J’ai bien ‘cramé’ à la plage, par 40 degrés fin février début mars, et visité à l’improviste une école pour enfants déficients visuels, en demandant mon chemin mille fois ! L’école reçoit des adolescents et des jeunes de l’État de Bahia, elle est la seule pour cet Etat. Il n’y avait pas d’élèves ce jour là, seulement quelques adultes en suivi de soins de rééducation. Pour l’éducation, ils sont très centrés Brésil : la fondation Dorina Nowill fournit des supports pédagogiques, dont un atlas du Brésil en braille, et distribue également la revue Veja sur CD audio. »

Si la pratique de la langue a aidé Pierre Baradat à se faire comprendre, il a également pu compter sur le soutien des passants et des agents : « Ce qui m’a frappé c’est l’abondance de fonctionnaires qui aident les gens. À Rio de Janeiro, les déplacements étaient plus simples, avec un hôtel en face du métro et la plage de Copacabana à 500 m. J’ai fait une excursion dans la forêt de la Tijuca, je suis allé au Corcovado, au pain de sucre, au marché aux puces pour les pièces de monnaie. Beaucoup de gens vont torse nu, je l’ai remarqué quand on m’a guidé. Pour se déplacer dans Rio, je ne sais pas comment les personnes en fauteuil roulant vont faire, il y a peu d’abaissés de trottoirs, ils sont aléatoires. Les trottoirs sont encombrés de vendeurs à la sauvette de journaux ou de plats cuisinés. Les trottoirs sont soit très petits soit larges, faits de petits pavés, le respect des passages piétons les conducteurs Brésiliens ne connaissent pas ! Et quand on circule dans le centre, au milieu des travaux, les trottoirs sont défoncés. »

Ce n’est pas mieux pour les piétons déficients visuels : « J’ai remarqué un seul feu sonore, à côté de l’Institut Benjamin Constant qui assure du soutien scolaire et publie une revue trimestrielle en braille. Traverser les rues est assez ardu, il faut se faire aider, trouver les feux. Heureusement, on trouve de l’aide facilement. J’ai même été accompagné par un vigile pour attendre un bus. À l’intérieur, c’est à l’ancienne, avec un chauffeur et un receveur, les bus sont bardés de marches. Mais il y a la climatisation maintenant, par rapport à Sao Paulo. Dans le métro, il y a des bandes de guidage et des agents qui aident, et je n’ai jamais payé, j’ai déjà vu ça à Sao Paulo… Les annonces sonores sont en portugais ou en anglais, quand cela fonctionne. Un buzzer est placé près des portes. Il existe des plans en braille vers lesquels conduisent des guidages podotactiles. Ils sont très résumés, schématiques, et finalement peu informatifs, en relief et braille portugais. »

Pendant ce séjour, il n’est arrivé aucun incident fâcheux à Pierre Baradat dans une ville qualifiée de dangereuse pour les étrangers, surtout la nuit : « Une fois j’ai failli me faire tirer mon sac à la plage, dans lequel il n’y avait d’ailleurs pas grand-chose. Les autres fois, je l’ai confié avec ma canne blanche à un kiosque à boissons. Il est préférable de ne pas avoir sa carte bancaire, des bijoux ou trop d’argent. Passé dix ou onze heures du soir, il vaut mieux ne pas sortir seul. C’est paradoxal : la petite délinquance est partout mais on aide les aveugles ! Ce n’est que mon avis personnel, tout n’est pas parfait en France mais on n’a pas se plaindre. Et finalement, je me demande si les aménagements ne pèsent pas sur la relation spontanée avec les gens. »

Propos recueillis par Laurent Lejard, juin 2016.

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