Pierre-Marie Sanson fait beaucoup de choses, et quand il ne milite pas pour les droits des personnes handicapées, il écrit; dans ses romans, il raconte la non voyance au quotidien, pour mettre le braille en valeur. Il écrit sous Word, ses livres sont publiés par la Société des Ecrivains. « J’imprime en braille à la demande des lecteurs, au moyen d’une imprimante personnelle. Je fournis également une version sonore à ceux qui le souhaitent ». Il a la conviction que les éditeurs sont opposés au format numérique. « Mon parcours personnel est simple. J’ai 36 ans, j’ai été orphelin dès mon jeune âge, placé dans un pensionnat catholique. J’ai perdu la vue le 26 août 1988, à la suite d’une opération chirurgicale fatale pour mes yeux, consécutive à un glaucome. Il a fallu que je m’adapte à la cécité, avant j’étais simplement myope. Mais je faisais du foot huit heures par jour, j’envisageais des études de droit pour me diriger vers l’avocariat. J’ai abandonné ce projet de vie active ».

Pierre Marie Sanson est un enfant des cités des quartiers nord de Marseille. Ses parents habitaient dans les grands ensembles H.L.M du Clos, dans le quartier populaire de La Rose. « Avant la cécité, j’étais très timide et introverti. Maintenant, je travaille 15 heures par jour, j’assume mon handicap ». Marié à une aveugle, il vit avec leurs deux A.A.H et A.C.T.P, ce qu’il estime bien suffisant en regard du loyer modique qu’il paie. Il a appris à ses dépens la complexité du montage d’une association de services à la personne; Handicap Services, lancé officiellement en juillet 2006, n’aura duré que deux mois : « J’avais débuté cette activité à la fin 2005, pour effectuer des transports. Au début de l’été 2006, j’ai recruté sept personnes en contrat d’accès à l’emploi pour effectuer des travaux à domicile chez des personnes handicapées, petit dépannage, maintenance et conseils en informatique personnelle, aide ménagère. Les demandes de subventions nécessitaient un très long délai, et de multiples formalités et agréments administratifs, j’ai dû licencier le personnel avant d’être obligé d’en assurer le financement sur mes revenus personnels. Pourtant, je fais la quête depuis plus de 16 ans pour diverses associations, par exemple lors de la journée nationale des aveugles. L’argent recueilli lors de cette action n’allait, jusqu’à l’an dernier, qu’à l’Association Valentin Haüy. Or, cette année, c’est l’UNIOPSS qui a centralisé l’organisation de la journée et a distribué les cartes de collecte de dons; elle a refusé d’en livrer à Handicap Services, ce qui m’a empêché de collecter de l’argent pour l’association. Le Conseil Général des Bouches du Rhône a renvoyé ma demande de subvention sur l’année 2007, et exigeait l’obtention d’agréments longs à obtenir ».

« Ma vie, c’est le handicap. Je baigne dans le climat d’une ville inaccessible, mal conçue. À Marseille, les taxis ne sont pas remboursés par la Sécurité Sociale lorsque l’on se rend chez un médecin, par exemple. La Commission des Droits et de l’Autonomie, qui remplace la Cotorep, a comme politique de ne renouveler l’Allocation Compensatrice Tierce Personne que pour un an, au lieu de cinq, tout en tentant d’imposer son remplacement par la Prestation de Compensation du Handicap. Et elle n’octroie pas de P.C.H pour les personnes handicapées à moins de 80 %. Il n’existe plus de Cap Emploi pour Marseille ». Cet organisme aidait les travailleurs handicapés en recherche d’emploi.

Pierre Marie Samson réside depuis de nombreuses années dans un « village » de Marseille, le quartier des Chartreux. Il apprécie la rénovation du centre-ville : « Récemment, je suis allé dans une galerie d’art de la rue Thubaneau refaite et piétonne, qui accueillera prochainement le musée de la Révolution. Avant, c’était une rue sale, peuplée de prostituées ». Comme de nombreux autres marseillais handicapés, il espère un gain d’autonomie d’une ville aux nombreux chantiers : construction d’un tramway, rénovation de voirie, création de nouveaux espaces piétonniers, etc. Tout en luttant au quotidien sous la bannière C.D.H en faveur des droits et du respect des personnes handicapées dans une ville qui les ignorent encore. Avec modestie : « Je suis quelqu’un de commun, disponible aux autres ».

Laurent Lejard, décembre 2006.

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