Que l’on soit ou non amoureux de la nature et des animaux, la savane africaine tient une place à part dans l’imaginaire occidental, ne serait-ce que par les images magiques que véhiculent les reportages qui lui sont consacrés depuis des décennies. Chacun/e d’entre nous s’est un jour imaginé/e « de l’autre côté de l’écran », arpentant les vastes paysages de cette partie du monde. Certains ont réalisé ce rêve mais beaucoup se sont laissés rebuter par la distance, le prix et une inaccessibilité supposée aux voyageurs handicapés. Si la distance reste invariable (huit heures d’avion mais le décalage horaire est quasi-inexistant) la gamme de prix s’est élargie, s’étendant du standard au très haut; et surtout l’accessibilité touristique fait désormais partie de l’offre, à condition bien sûr de s’adresser aux bons interlocuteurs… Il est, en théorie, tout à fait possible d’organiser soi-même son voyage, le Kenya est depuis longtemps une destination touristique privilégiée, mais en pratique la « sur-couche » handicap rend l’exercice délicat dans un pays où les normes en la matière n’existent pas, chaque établissement pouvant se déclarer accessible sans réelle vérification, et où il est impératif d’être hébergé et véhiculé dans les meilleures conditions. On peut certes aimer l’aventure, la galère n’est jamais la bienvenue, à plus forte raison quand on se déplace en fauteuil roulant !

Nairobi et ses immeubles

Avant le départ, outre les conseils généraux destinés aux voyageurs valides que dispensent les voyagistes (précautions de bon sens, visa et vaccination notamment), on recommande l’usage d’un fauteuil roulant manuel pliant, plus commode en brousse fût-ce au prix d’un peu d’inconfort, qu’un fauteuil électrique. N’oubliez pas non plus, et c’est valable pour tout le monde, d’emporter quelques masques anti-poussière, bien pratiques lors des trajets sur piste. Pas de souci côté nourriture et boisson : les prestataires kenyans, qui n’ont aucun intérêt à rendre malades leurs clients, se sont mis depuis longtemps aux normes occidentales (avec une petite préférence pour la cuisine fusion) et vous trouverez partout de l’eau en bouteille pour vous désaltérer. Cerise sur le gâteau, la plupart des établissements hôteliers disposent de connexions internet assez performantes pour vous permettre de garder le contact et partager vos émotions avec le monde entier ! Côté adaptations, cela va du plus rustique au plus confortable, d’où l’intérêt d’avoir recours à un tour-opérateur susceptible de tester les lieux au préalable… Les Kenyans sont généralement bienveillants envers les personnes handicapées, y compris quand il s’agit de traverser une artère fréquentée dépourvue d’abaissés de trottoir et de passages protégés. En ce qui concerne la sécurité globale, sauf à se jeter dans la gueule du loup, les mesures de protection, qui ressemblent à ce qui se fait en Europe, permettent de se concentrer sur ses vacances. Il faut savoir, par ailleurs, qu’un tel voyage engendre de la fatigue, y compris chez les personnes valides, et ne pas vouloir en faire trop : le Kenya est aussi vaste que la France, il est totalement illusoire d’espérer tout voir en une dizaine de jours ! Dernier point : de nombreux voyagistes inscrivent à leur programme une « extension » sur la côté de l’océan Indien (Mombassa) dont les images font rêver mais qui cachent une inaccessibilité quasi-totale aux voyageurs handicapés moteur : un bon safari suffit amplement à revenir avec des étoiles plein les yeux !

biberonnage des éléphanteaux à la fondation Sheldrick

Située près de l’équateur à environ 1.500m d’altitude, la capitale Nairobi est, avec ses 3 à 4 millions d’habitants, une métropole à l’américaine : buildings ultra-modernes en centre-ville, très peu de patrimoine historique, larges avenues, circulation automobile intense, immenses banlieues plus ou moins riches… On ne fait généralement qu’y passer mais il n’est pas interdit d’y séjourner, ne serait-ce que pour se remettre du voyage; les hôtels de classe internationale disposent en outre de chambres adaptées parfaitement aux normes occidentales. Nous avons ainsi pu tester l’Eka et, plus près du centre-ville, le Jacaranda, où l’accessibilité date un peu mais où l’atmosphère est plus familiale. Dans tous les cas, les abords sont sécurisés et le personnel particulièrement attentif au confort des visiteurs, avec un grand naturel vis-à-vis des clients handicapés. Dans l’une des banlieues chic de la ville, la Macushla House est une petite unité hôtelière pleine de charme au milieu d’un jardin animé de singes, où la propriétaire, en fauteuil roulant, s’avère d’excellent conseil pour découvrir le pays de l’intérieur. Anglais obligatoire (ou swahili) mais le français est assez généralement parlé dans les grands établissements. Non loin de là, la fondation Sheldrick, dont l’objet est la préservation de la faune sauvage, ouvre au public son refuge pour bébés éléphants, occasion unique de découvrir au plus près (avec un peu d’aide côté accessibilité) ces adorables bestioles dont les braconniers ont tué les parents. Si le coeur vous en dit, vous pourrez même « adopter » l’un de ces orphelins.

4x4 accessible dans le Masai Mara

Tous les déplacements se font évidemment en voiture ou en van (avec transfert), les transports en commun se résumant aux taxis collectifs, bondés et inaccessibles. Certaines distances pouvant s’avérer longues, mieux vaut temporairement abandonner son fauteuil roulant quand on le peut. Le 4×4 étant indispensable pour parcourir les pistes, on peut opter pour un véhicule accessible par rampe : le tour-opérateur local Go Africa, par exemple, en propose avec des chauffeurs-guides formés à l’accueil du public handicapé. Le chauffeur-guide est, dans tous les cas, la cheville ouvrière d’un safari réussi : d’abord parce qu’il possède évidemment mieux le pays et ses usages que vous (ce qui n’est pas rien quand on découvre le trafic routier sur les grands axes économiques du continent), qu’il parle les langues locales, connaît les haltes-pipi accessibles et propres (parfois inattendues) et, surtout, a si souvent parcouru les réserves qu’il n’en ignore aucun recoin, échangeant au besoin, de visu ou par radio, avec d’autres chauffeurs-guides pour dénicher les endroits où se cache la faune sauvage. Il faut en effet se souvenir que les réserves africaines sont gigantesques, de la taille d’un département ou d’une région française, et que les milliers d’animaux qui y vivent n’attendent pas le touriste au bord de la piste !

En voiturette au parc de Naivasha

Ceux qui en revanche accueillent aux petits soins leurs visiteurs, ce sont les lodges implantés au coeur de ces réserves. Auto-suffisants en énergie et pour partie en nourriture, ils offrent le luxe discret mais inoubliable d’un séjour en pleine nature, littéralement au milieu des animaux. La gamme de prestations et de prix s’est élargie mais ceux-ci demeurent au moins à la hauteur d’un quatre étoiles européen, ce qui se justifie eu égard au nombre volontairement réduit de ces établissements, à la qualité du personnel qui y exerce et aux difficultés d’approvisionnement. L’accessibilité n’est pas oubliée, surtout dans les unités récentes, mais de l’aide s’avère parfois nécessaire, pour remonter une pente ou franchir un seuil par exemple. Ces lodges servant de point de rayonnement pour l’exploration d’une zone, on n’y demeure généralement que deux à trois nuitées. Une journée de safari « typique » commence à l’aube (6h toute l’année) pour profiter de la fraîcheur jusqu’en fin de matinée, après quoi on peut déjeuner puis se reposer au lodge (mais il est également possible de pique-niquer en savane) avant de repartir en milieu d’après-midi, jusqu’au crépuscule (6h toute l’année !), la nuit survenant très vite. On dîne et on se couche tôt sous les moustiquaires (bien que ces insectes s’avèrent rares ici) mais les amateurs de farniente peuvent tout aussi bien s’alanguir toute la journée près de la piscine…

Un lion dans le Masai Mara

Le parc national d’Amboseli est un incontournable, un must : c’est le parc à visiter entre tous, à la fois parce qu’il est l’un des plus petits (presque 400 km² tout de même) et parce qu’il est dominé par la silhouette emblématique du mont Kilimandjaro et ses 5.891m, une vue si célèbre qu’on en oublie que le pied de la montagne se situe en Tanzanie ! Antilopes, girafes, zèbres et gnous y abondent mais ce sont surtout les éléphants qui tiennent la vedette, découpant leur majesté sur l’immensité du paysage. Indifférents à la présence humaine (pour autant qu’on ne se risque pas à sortir du véhicule, ce qui est formellement déconseillé), ces animaux et leurs petits vivent leur vie dans une sorte de sérénité communicative, surtout quand le chauffeur coupe le moteur… L’autre surprise du parc, ce sont ses vastes zones humides alimentées par les eaux glaciaires de la montagne, refuge pour les buffles, les hippopotames et des myriades d’oiseaux migrateurs dont « nos » flamants roses : pour qui est sensible à ces contemplations, la journée passe vite ! L’Ol Tukai Lodge, que nous avons pu tester, est un refuge privilégié au milieu de cet enchantement, avec de petits bungalows ouvrant sur la carte postale. Tout y est de plain-pied : outre les parties communes desservies par rampes, deux bungalows ont été adaptés pour recevoir les clients handicapés moteurs, avec notamment des salles de bains donnant sur un minuscule jardin privatif où s’ébattent les singes ! Comme ailleurs, l’accueil est impeccable et la nourriture excellente. Les Maasaï, majoritaires dans la région, font partie du personnel et arborent pour certains la tenue éclatante qui les a rendus célèbres; d’autres délaissent parfois leurs troupeaux pour vendre des objets artisanaux aux touristes ou se faire prendre en photo moyennant finance…

piscine panoramique du Ol Tukai Lodge

Au nord de Nairobi, via la route transafricaine, on atteint la vallée du Rift, fameuse formation géologique qui cisaille la corne de l’Afrique, dépression ponctuée de lacs et de volcans où l’Humanité a vu le jour il y a trois millions d’années. La route, qui monte jusqu’à plus de 2.300m d’altitude avant de redescendre, offre un panorama à couper le souffle. Le lac Naivasha, entouré de marais, constitue un très riche écosystème où vivent des centaines d’espèces d’oiseaux, mais également une réserve d’eau pour la floriculture d’exportation, ce qui n’est pas sans controverse quand à son exploitation. Le site, quoi qu’il en soit, est absolument splendide, dont on peut jouir en bonne accessibilité au Sopa Lodge, vaste complexe hôtelier familial situé en bord de lac, sous les grands arbres et les cactus géants. Deux des vastes cottages circulaires où se situent les chambres disposent de sanitaires adaptés. La liaison avec le bâtiment d’accueil se fait, sur demande, en kart de golf, lequel peut également servir à explorer le parc, observer les animaux qui s’y égayent, et balader sur la rive.

Masai Mara, zèbres sous un arbre

Plus à l’ouest, la réserve nationale du Masai Mara fait également partie des must africains avec le parc du Serengeti qui le prolonge côté tanzanien. C’est le paradis des animaux et par conséquent celui des photographes comme des cinéastes : outre de nombreux documentaires animaliers, le célèbre film Out of Africa a été tourné en partie ici. On atteint ces immensités via une longue piste cahoteuse ou plus simplement par avion au départ de Nairobi (compagnie Safarilink, qui dessert également le parc Amboseli) mais dans ce dernier cas, une aide est indispensable pour gravir la petite échelle conduisant à la cabine. Fauteuil roulant pliant obligatoire mais vous pouvez prévoir de faire voyager votre fauteuil électrique et vos bagages par la route : un bon tour-opérateur sait tout organiser ! Le supplément de près de 200$ (on paye ici les petites sommes en shillings kenyans et les grosses en monnaie américaine) peut faire réfléchir mais le confort est à ce prix et les dépenses courantes, en dehors des frais de voyage, sont vraiment minimes.

Hippopotames dans la rivière Mara au Masai-Mara

Le Masai Mara est le lieu par excellence où observer les grandes migrations, quand les animaux se comptent par milliers : un spectacle fascinant, inoubliable, qui justifie à soi seul les sacrifices consentis pour un tel voyage ! Découvrir « en vrai » ce qui émerveille à la télévision ou au cinéma, ces files ininterrompues de gnous ou de zèbres, ces autruches qui se suivent en file très digne, ces familles d’hippopotames regroupées dans la rivière Mara, ces éléphants, rhinocéros et autres lions avec leurs petits (même ceux des hyènes sont mignons !) est une expérience ineffable. Parmi les nombreux lodges qui offrent leurs services aux visiteurs, nous avons retenu le Sarova Mara Game Camp, établissement de bonne tenue à l’accessibilité correcte où les hôtes sont hébergés sous de luxueuses tentes ouvrant sur la brousse. Les bâtiments étant implantés à flanc de coteau, de l’aide est indispensable pour se déplacer en fauteuil roulant manuel mais elle ne fait jamais défaut de la part du personnel. À l’instar des autres parcs, il est interdit de quitter le véhicule lors des safaris, sauf en quelques endroits que connaissent les chauffeurs, pour respirer au grand air, admirer le point de vue, faire une pause-pipi (avec un siège de toilette adapté) ou pique-niquer. Les étoiles que l’on ramène dans la tête y resteront longtemps !

Jacques Vernes, décembre 2016.

Sur le web, le site officiel Magical Kenya permet d’en apprendre davantage sur la destination et ses multiples attraits, mais sans mention d’accessibilité. La compagnie nationale Kenya Airways relie en ligne régulière Paris à Nairobi (en confortable Boeing Dreamliner) mais pour préparer votre odyssée nous vous recommandons tout particulièrement le tour-opérateur local Maniago Executive Travel dont l’une des sociétaires est française (on peut la joindre directement par mél) et qui est en mesure de mettre sur pied de A à Z vol compris (accueil 5 étoiles Swissport !), un séjour adapté qui restera à jamais gravé dans vos mémoires, que vous voyagez seul/e ou en groupe.

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