Villefranche-sur-Mer, Beaulieu-sur-Mer, Saint-Jean-Cap-Ferrat, Èze, La Turbie, le Cap d’Ail : à quelques kilomètres à l’est de Nice s’étend une Côte-d’Azur rêvée dès le XIXe siècle par les touristes anglais (même si le toponyme est redevable à un écrivain dijonnais) dont l’opulence affichée mais également l’urbanisation galopante ont généré au fil du temps un certain nombre de clichés tenaces : trop élitiste ou trop populaire, hors de prix, bétonnée à l’extrême, polluée… Remettons les pendules à l’heure : si des barres d’immeubles se dressent encore ici ou là, c’est surtout à Nice et Monaco, peu entre les deux. Côté préservation de l’environnement, le Pavillon Bleu flotte presque partout avec quelques handiplages bien utiles aux estivants handicapés. Du monde ? Il y en a bien sûr en pleine saison, et oui les tarifs hôteliers varient à l’instar de toutes les zones touristiques du pays. Mais cela ne signifie ni que l’on ne trouvera pas d’hébergement adapté à son budget, ni qu’on sera mal reçu(e) : il faut se souvenir que de « vrais gens » vivent ici toute l’année, qu’ils ne roulent pas nécessairement sur l’or et qu’ils auraient depuis longtemps déserté si le coup de la vie était insupportable. Les riches et ultra-riches, en apesanteur sociale, restent entre eux, invisibles contrairement à la fortune qu’ils affichent, dans leurs palais dominant la mer ou sur leurs yachts : ce contraste, qui est aussi celui de l’opposition entre littoral et arrière-pays, participe toutefois du charme incomparable des lieux…

Villefranche-sur-Mer, « capitale » de ce coeur de Riviera est d’abord une rade connue depuis l’Antiquité, bordée par le cap de Nice et le cap Ferrat, où de nombreux navires font toujours relâche, particulièrement les jours de forte houle. L’endroit a, de tous temps, été âprement disputé, d’où la construction d’une citadelle au XVIe siècle, pour se protéger des… Français, la région appartenant alors au duché de Savoie. Abandonnée par l’armée (française) au sortir de la Seconde guerre mondiale, elle a connu un long purgatoire avant d’être entièrement réhabilitée par la municipalité qui y a installé ses services ainsi que plusieurs équipements culturels (musées, espace d’expositions) partiellement accessibles en fauteuil roulant, mais on peut toujours compter sur l’aide du personnel, notamment à l’occasion des événements organisés au théâtre de verdure.

Sur le port parfaitement préservé, avec ses vieilles rues pittoresques et ses bâtiments aux façades colorées, nul yacht (ils mouillent au large) mais d’humbles pointus qu’utilisent les pêcheurs dont on peut acheter les poissons ultra-frais sur le quai. Si le célèbre hôtel Welcome où séjourna Cocteau offre une bonne accessibilité et une vue magnifique, la non moins fameuse chapelle Saint-Pierre sublimée par le poète juste en face ne peut se découvrir, en fauteuil roulant, que depuis le seuil : renseignez-vous auprès de l’Office de tourisme, qui propose par ailleurs de passionnantes visites guidées en ville, où l’on évoque les grands moments d’Histoire et les personnalités parfois fantasques qui ont émaillé les lieux. Depuis le port, on peut également embarquer en fauteuil roulant, avec aide, sur l’un des navires de la compagnie AMV pour une découverte de la côte et de ses secrets, notamment les villas de rêve qui ne s’exposent qu’au grand large, ou les cétacés croisant en mer.

péristyle de la villa Kérylos

Beaulieu-sur-Mer, indépendante de Villefranche depuis la fin du XIXe siècle, a été, grâce au chemin de fer, un lieu de villégiature très prisé de la haute-société et des têtes couronnées d’Europe, qui y ont laissé leur empreinte : palais, villas Belle-époque, grands hôtels… Si la plupart sont devenus des résidences privées, on peut en admirer les élégantes façades et visiter la plus célèbre : la villa Kérylos. Construite sur un promontoire de bord de mer au début du XXe siècle par un archéologue helléniste (grâce surtout à sa riche épouse), elle se veut la reconstitution d’une demeure patricienne antique. Léguée à l’Institut de France, elle est aujourd’hui administrée par le Centre des Monuments Nationaux qui en assure la conservation et l’accessibilité. L’endroit, remarquablement entretenu, avec ses fresques, ses mosaïques et ses meubles précieux, offre une sorte de parenthèse uchronique dans une Grèce fantasmée où le visiteur est invité à se perdre. Cette rêverie, accessible aux utilisateurs de fauteuil roulant pour le rez-de-chaussée seulement (mais c’est l’essentiel de la visite) est décuplée par l’atmosphère recueillie et la merveilleuse ouverture sur l’azur changeant des flots…

Entre Villefranche et Beaulieu, Saint-Jean-Cap-Ferrat occupe l’un des lieux les plus « exclusifs » de la région, où les villas de milliardaires (visibles uniquement depuis la mer, ainsi que nous l’expliquions plus haut) côtoient la nature sauvage. Un sentier littoral en fait le tour mais il n’est guère accessible aux personnes handicapées motrices que sur une petite partie, promenade Maurice Rouvier (stationnement réservé à proximité). Tous les visiteurs sont néanmoins les bienvenus à l’époustouflante villa Ephrussi de Rothschild dont la silhouette Renaissance surplombe le paysage. Légué en 1934 à l’Institut de France par sa fantasque et richissime propriétaire, le domaine comprend un palais, dont seul le rez-de-chaussée se visite en fauteuil roulant (mais on peut largement s’en contenter en attendant le retour d’un ascenseur jadis détruit) ainsi que de merveilleux jardins avec jeux d’eaux musicaux, accessibles uniquement dans leur partie haute. Décors intérieurs et extérieurs se répondent à la perfection, opposant au projet « masculin » de la villa Kérylos toute proche, une vision féminine de la demeure de plaisance, avec ses collections de porcelaines, tableaux et meubles précieux : un palais de rêve ! Petite restauration possible sur place, toilettes adaptées, dépose voire stationnement autorisé dans la cour d’honneur sur demande préalable (accès pentu).

Jouxtant Monaco, la commune de Cap d’Ail regorge également de villas luxueuses construites durant la Belle Époque. À l’instar de leurs semblables, il faut se contenter d’en admirer les riches façades, sauf pour l’une d’entre elles, la villa Les Camélias, bijou immaculé dominant la mer, où de très récents réaménagements ont permis la mise en place d’un espace muséographique correctement accessible (prévenir pour l’installation de la rampe d’accès) qui n’attend plus que l’agrandissement de son ascenseur pour l’être pleinement : en attendant, l’accès est possible en se transférant sur un déambulateur. Peu de mobilier ici, en dehors de quelques pièces emblématiques et de somptueux lustres de Murano, mais des expositions temporaires de très haute tenue et une collection permanente centrée sur l’oeuvre, douce et lumineuse, du peintre régionaliste basque Ramiro Arrue. Le jardin qui entoure la villa est un havre de fraîcheur en dépit des graviers… Toilettes adaptées, stationnement réservé à proximité. Le Cap d’Ail offre par ailleurs un long tronçon de sentier côtier praticable en fauteuil roulant, vers la pointe des Douaniers, certaines parties nécessitant toutefois d’être aidé(e), pour une vue panoramique et une découverte ludique du littoral. Stationnement conseillé côté plage Marquet.

panorama sur Eze depuis le parc de la Grande Corniche

En remontant dans l’arrière-pays, Èze, dont la commune comporte également une portion littorale, offre l’un des points de vues les plus spectaculaires de la Côte-d’Azur. Le vieux village, accroché à son piton rocheux, a ceci en commun avec le Mont Saint-Michel que le site vaut largement le détour même si le taux de pente de ses pittoresques calades en pas-d’âne le rend globalement inaccessible en fauteuil roulant. Un panorama encore plus époustouflant se découvre quelques kilomètres plus haut, sur le chemin de la Forna (parc de la Grande Corniche) : depuis la Rovère, braver le panneau sens interdit et les barrières pour stationner sur des emplacements réservés au plus près du départ de la balade. Possibilité de pique-niquer sur place. En chemin, ne manquez pas de faire escale à l’usine-laboratoire du parfumeur Fragonard : aisément accessible en fauteuil roulant (stationnement réservé à proximité, toilettes), ce lieu embaumant les plus subtiles fragrances se découvre en visite guidée, où l’on comprend la véritable signification des termes « entreprise familiale » et « développement durable. » La chaîne de fabrication et de conditionnement de produits cosmétiques (les parfums sont à Grasse), ultramoderne et entièrement vitrée, permet de constater combien on est éloigné de la grosse industrie ! Évidemment, une boutique complète cette découverte (toilettes adaptées) mais les prix pratiqués restent dans la moyenne du secteur, ce qui les rend finalement très intéressants eu égard à la qualité !

Achevons, à quelques encablures d’Èze, ce battement de coeur de Riviera par une ultime pépite : le village de La Turbie, autant réchappé du tourisme de masse que de la gentrification, et toujours « dans son jus » des siècles passés, avec ses vieilles ruelles ornées de fleurs et judicieusement pavées de manière à permettre la circulation des personnes à mobilité réduite. Le monument qui en occupe le sommet fut l’un des plus importants de l’Empire Romain puisqu’il marquait, sur la via Julia Augusta, la frontière entre l’Italie et la Gaule : c’est le Trophée d’Auguste (aussi appelé Trophée des Alpes), gigantesque construction commémorative en partie ruinée et restaurée qui s’aperçoit depuis la mer, qu’elle surplombe. Un petit espace muséal, accessible de plain-pied, a été ouvert, bien utile pour comprendre la topographie, son histoire (vidéo sous-titrée avec LSF, maquette tactile, plaques en relief et braille mais pas de toilettes adaptées) et découvrir une impressionnante reconstitution du monument à l’époque de sa splendeur : il atteignait alors cinquante mètres de hauteur ! Appeler au préalable pour se faire ouvrir l’accès côté cimetière. Stationnement réservé devant la mairie. Un voyage dans le temps qui s’achève, au bout de l’esplanade panoramique du Trophée, par une vue plongeante sur Monaco et le littoral, inondés de lumière…


Jacques Vernes, juin 2016.

Sur le web, le site du SIVOM de Villefranche-sur-Mer propose une palette très complète d’informations et suggestions d’activités sur la destination, y compris dans le domaine handicap, mais il faut recourir au moteur de recherche pour trouver la bonne information. N’hésitez pas à contacter directement les offices de tourisme, dont le personnel, d’excellent conseil, est formé à l’accueil du public handicapé. Enfin, pour une information touristique plus générale sur la Côte-d’Azur, suivez ce lien.

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