Attestée à partir du Xe siècle, la Pologne a, presque dès le début de son histoire, été le théâtre d’âpres disputes entre ses puissants voisins germanique et russe. Son territoire a maintes fois varié, grignoté par ses ennemis, au point de disparaître de la carte à plusieurs reprises. Le territoire actuel est l’héritage du second conflit mondial, celui dont la mémoire est la plus vive : partie ouest récupérée de l’Allemagne nazie, partie est annexée par la Russie soviétique.

Eu égard à ce qu’il a traversé à cette époque, on peut sans exagération qualifier le peuple polonais de martyr: déportation de la population juive, assujettissement des autres citoyens, assassinat de l’élite, pillages et destructions généralisés, la plus emblématique étant celle de Varsovie, totalement rasée en 1944. Suivront 45 ans de « glacis communiste », qui seront également ceux de la reconstruction et d’un renouveau de la foi catholique, pilier de la résistance contre le régime.

Après l’effondrement du bloc de l’est, les Polonais se sont logiquement tournés vers l’ouest: adhésion à l’OCDE en 1996, à l’OTAN trois ans plus tard, à l’Union Européenne en 2004. Malgré la conversion des différents gouvernements au dogme néo-libéral, l’entrée en zone euro n’est toutefois pas à l’ordre du jour.

Fondée au VIe siècle au bord de la Vistule (fleuve qui traverse la Pologne du sud au nord pour se jeter dans la mer Baltique), Cracovie, capitale de la Pologne jusqu’à la fin du XVIe siècle, est une perle architecturale qui a miraculeusement survécu aux conflits, même si ses habitants ont payé un lourd tribu, notamment au cours de la Seconde guerre mondiale. Accessible au bout d’une rampe assez pentue (mais dépose en voiture possible au sommet) le château du Wawel porte le nom de la colline sur laquelle il a été édifié et remanié au cours des siècles. La légende veut que le roi Krakus, souverain mythique, ait vaincu le dragon qui terrorisait la population dans la grotte en contrebas, donnant ainsi son nom à la ville.

À l’instar de Prague, la colline du Wawel célèbre l’union sacrée entre pouvoir religieux et pouvoir royal. Ainsi y trouve-t-on la cathédrale, époustouflant édifice gothico-baroque dans les chapelles duquel reposent les figures marquantes du pays, des premiers monarques au précédent président de la République. Dans la cour, ne ratez pas la maquette en bronze du site, l’une des douze qui parsèment le centre ancien dont elles représentent quelques aspects remarquables. En fauteuil roulant, on accède à la cathédrale par le côté en demandant au personnel d’accueil de déployer une rampe. La crypte est en revanche inaccessible. Rappelons que le plus célèbre archevêque de Cracovie avait pour nom Karol Wojtyla (prononcer voytiwa) et que son pontificat fait toujours la fierté des Polonais.

Quant au château, il vaut surtout pour sa très belle cour Renaissance, accessible de plain-pied, où se déploie une architecture raffinée et spectaculaire. La visite intérieure de l’édifice requiert en revanche le franchissement d’un haut perron bardé de marches, rédhibitoire pour les visiteurs en fauteuil roulant. Les gardiens peuvent néanmoins aider, sur demande préalable. Les différents niveaux sont ensuite accessibles par ascenseur.

Les collections qu’ils abritent tiennent davantage du musée des Beaux-Arts que de la reconstitution historique mais on s’y familiarise avec la grande histoire de la Pologne. Parmi les raretés, on pourra admirer une salle revêtue de cuir de Cordoue ainsi qu’une chapelle privée richement décorée, mais ce qui conduit ici la plupart des touristes, c’est la célèbre Dame à l’hermine de Léonard de Vinci, trésor national jalousement gardé dans une pièce spéciale en attendant l’achèvement des travaux au musée (privé) Czartoryski, en 2014, dans la vieille ville. À la belle saison, des groupes de musique ancienne et baroque se produisent en costume d’époque dans le château : la visite prend alors une tournure des plus agréables, qui fait oublier les multiples seuils séparant chaque salle…

S’il vous reste un peu de temps en sortant, empruntez la rampe qui conduit aux vestiges archéologiques : leur très belle muséographie se découvre au prix de trois marches mais l’enjeu en vaut largement la chandelle ! Toilettes accessibles au bâtiment d’accueil installé dans un ancien hôpital militaire du XIXe siècle. Des visites adaptées au public déficient visuel sont possibles sur demande.

La déambulation en centre-ville ou au bord de la Vistule est des plus agréables, ne serait-ce que parce que tout est plat en dehors de la colline du Wawel. Les trottoirs sont généralement dallés, avec abaissés, mais on compte quelques passages à gros pavés disjoints. L’hyper-centre est semi-piétonnier, ce qui facilite grandement la promenade le nez en l’air ! Et les motifs d’émerveillement ne manquent pas : façades baroques, enseignes ouvragées, jolies vitrines, cours mystérieuses… Celle du Collegium Maius, qui appartient à la prestigieuse Université jagellonne (dont l’un des membres les plus éminents fut le savant Copernic), est particulièrement remarquable. Les bâtiments du musée qui la dominent, consacré à l’histoire de l’université et des sciences, sont accessibles par ascenseur.

Dans les rues, calèches et landaus élégants tirés par des chevaux assurent l’animation au rythme caractéristique des sabots mais on peut également emprunter des voiturettes électriques (Melex, transfert nécessaire en fauteuil roulant) à des tarifs tout à fait raisonnables. Sachez en outre que si certains tramways ont un wagon central accessible par rampe manuelle, les arrêts ne sont pas aménagés. Idem pour les bus. Commerces et hôtels « handi-friendly » se signalent parfois par pictogramme. D’une façon générale, l’accueil des personnes handicapées est attentionné, souvent en français. Les emplacements de stationnement réservé semblent en revanche assez rares et peu respectés.

Le bijou urbain de Cracovie, c’est sa place du marché, qui est la plus vaste place médiévale d’Europe. Elle est bordée d’immeubles de divers styles, de la Renaissance au néo-classicisme, mais d’une belle unité, au bas desquels se succèdent boutiques et terrasses de restaurants. C’est le coeur battant de Cracovie, où se mêlent touristes et habitants tout au long de la journée et jusqu’aux heures avancées de la nuit. Au centre, l’immense halle aux draps (maquette en bronze côté nord), de style Renaissance, a été fortement remaniée au XIXe siècle mais elle abrite toujours une galerie commerçante, non plus d’étoffes mais d’artisanat bon-marché. L’énorme tour qui flanque le bâtiment, unique vestige de l’ancien hôtel de ville (maquette en bronze à côté) et partie de l’actuel Musée historique, ne se visite qu’au prix d’une volée de marches.

Sous la halle, accessibles par ascenseur, les caves ont été aménagées de manière a recevoir une muséographie ultra-moderne consacrée à l’histoire du lieu et, plus généralement de la ville : réellement passionnant. L’endroit a d’ailleurs été primé pour son accessibilité.

Autre lieu emblématique de la place, la basilique Sainte-Marie (maquette en bronze) est accessible en fauteuil roulant depuis le côté droit; ne pas tenir compte de l’éventuel panneau d’interdiction. L’intérieur de cet édifice gothique en briques vaut surtout pour le très beau retable du XVe siècle qui orne le maître-autel du choeur. Toutes les heures, une étrange sonnerie de trompette (« Hejnal« ) retentit depuis la moins haute des tours: si elle est retransmise à la radio nationale tous les midis, c’est parce qu’elle commémore le haut-fait d’un joueur de cor, transpercé par une flèche ennemie alors qu’il sonnait l’alarme d’une attaque mongole au XIIIe siècle. Un symbole de résistance héroïque : les Polonais ont le souvenir tenace…

Autre souvenir, détruit par les nazis mais reconstruit après-guerre, le sévère monument commémorant la bataille de Grunwald qui vit en 1410 la victoire des Polonais sur les chevaliers teutoniques (maquette en bronze à proximité). Il se dresse sur la place Matejko, à l’orée de la section de remparts médiévaux restaurée au nord de la vieille-ville, presque en face de l’imposante barbacane fermant la rue Saint-Florian (maquettes en bronze à proximité). Plus à l’est, les amateurs d’architecture totalitaire ne manqueront pas de faire un détour par Nowa Huta, vaste quartier « ouvrier » qui est également le plus peuplé de la ville : larges avenues, immeubles bordés de grands arbres, décorations monumentales… Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la vie culturelle y est intense et la qualité d’existence à bien des égards meilleure qu’ailleurs !

Cracovie, Musée de l'occupation.

Mais le souvenir qui s’impose à Cracovie et pour la célébration duquel de nombreux visiteurs (surtout israéliens) y viennent en pèlerinage, c’est évidemment l’extermination de la population du ghetto par laquelle les nazis ont mis un terme à des siècles de présence juive : le camp de concentration d’Auschwitz n’est situé qu’à une soixantaine de kilomètres à l’ouest. Les victimes locales de cette barbarie habitaient les quartier de Podgórze et de Kazimierz où elles furent parquées avant d’être assassinées. Un drame qui marque encore l’âme polonaise : les absents ne sont jamais revenus. 68.000 absents que symbolisent les 68 chaises vides du monument élevé en leur mémoire en face de l’ancien bureau de la Gestapo, qui lui est toujours là, contrairement à l’enceinte du ghetto dont il ne reste rien.

L’émouvant musée aménagé dans les locaux-mêmes de l’usine Schindler (celle de la fameuse Liste) tente de rendre compte de cette période traumatisante grâce à une muséographie « en immersion » parfois dérangeante. Accès de plain-pied (ascenseurs) mais stationnement malcommode. Le quartier de Kazimierz, même vidé de ses habitants originels (il subsiste néanmoins une petite communauté juive à Cracovie), n’en conserve pas moins vivante leur mémoire en perpétuant l’animation joyeuse qui y régnait avant-guerre et à laquelle les Israéliens de passage viennent joindre leur voix, comme une revanche sur l’Histoire. On peut y déguster des spécialités culinaires sur les rythmes endiablés de la musique klezmer: une expérience inoubliable.

Changement de décor et d’ambiance, à une dizaine de kilomètres au sud-est de Cracovie, avec la célèbre mine de sel de Wieliczka (prononcer viélizka), patrimoine mondial Unesco depuis 1978, soit presque vingt ans avant la fin de l’exploitation minière, qui avait débuté au XIIIe siècle. Déjà célèbre du temps de Copernic, qui s’y est rendu (entre autres célébrités), elle comporte 300 km de galeries sur une dizaine de niveaux dont le plus profond dépasse les 300 m. Obligatoirement guidée (en plusieurs langues dont le français), la visite est possible en fauteuil roulant, moyennant un transfert dans un ascenseur « vintage » très étroit et un parcours réduit, mais qui vaut réellement le déplacement, ne serait-ce que pour la célébrissime chapelle entièrement sculptée dans le sel par des mineurs talentueux. Couloirs mystérieux, lacs souterrains, oeuvres d’art plus ou moins imposantes, plus ou moins éphémères, l’atmosphère en bas est magique. On peut y prendre un repas (cafétéria), y assister à des concerts et même y dormir ou y suivre des soins ! À éviter toutefois les jours d’affluence : l’endroit compte parmi les plus courus du pays.

Varsovie, Palais sur l'eau.

Située à 300 km environ au nord de Cracovie (les deux villes sont reliées par un train accessible à certaines heures), Varsovie est devenue capitale à la fin du XVIe siècle, sous l’impulsion du roi Sigismond III. Rappelons que les souverains de Pologne étaient élus (par la Diète) et que « notre » Henry III exerça cette charge pendant deux ans avant de régner sur la France. Les descendants d’un autre roi de Pologne, Stanislaw August Poniatowski, ont exercé et exercent toujours des responsabilités politiques dans l’Hexagone…

Le palais que ces augustes personnages occupaient à Varsovie a été détruit en même temps que le reste de la ville, lors des terribles bombardements de fin 1944. Un épisode à la fois dramatique et fondateur, symbole du prix payé par les Polonais à leur idéal de liberté, resté à l’état de rêve durant toute la période communiste et qui s’exprime aujourd’hui par un attachement viscéral, parfois excessif, aux « valeurs » occidentales.

Un musée consacré à l’insurrection de 1944 et à ses conséquences a été inauguré en 2004 dans une ancienne centrale électrique. Accessible de plain-pied et par ascenseurs, il présente de manière didactique les enjeux, les événements et la réalité des combats puis des massacres. Une projection en 3D restitue l’ampleur des destructions : glaçant. Cartels en polonais et en anglais mais audioguides disponibles en français. Toilettes adaptées. Depuis le dernier étage du bâtiment, vue panoramique sur la partie moderne de la ville.

Du tristement célèbre ghetto, il ne reste pas davantage que de celui de Cracovie mais un monument a été élevé pour commémorer son soulèvement (1943). En décembre 1970, le chancelier allemand Willy Brandt, après avoir déposé une gerbe, y tomba à genoux, geste hautement symbolique désormais lui aussi gravé dans le marbre. Un musée de l’Histoire des Juifs polonais ouvrira ses portes sur cette même place du quartier de Muranów courant 2013.

Mais Varsovie a su renaître de ses cendres, littéralement : dès la fin de la guerre, les autorités n’ont eu de cesse de tout reconstruire, et le centre ancien à l’identique, ce qui ne laisse pas d’étonner tant ce que l’on voit, patine aidant, semble authentique. Ainsi en va-t-il des « vieilles » rues à façade baroque et de leurs monuments : églises, palais… Le château royal, quant à lui, achevé de reconstruire en 1980, est parfaitement accessible en fauteuil roulant. Les déficients visuels disposent même, sur demande, de matériel tactile (plans, échantillons de tissus, etc.) en préalable à la visite. Laquelle vaut davantage pour l’extraordinaire galerie de peintures du rez-de-chaussée (où se trouve également la salle de l’ancien parlement) ou pour la présentation multimédia « immersive » du sous-sol que pour les salons de l’étage noble, dont les dorures rococo font encore très « neuf ». Mais avec un peu d’imagination…

Depuis la vaste place qui s’étend devant le château, sur laquelle veille Sigismond III du haut de sa colonne, s’ouvre la Voie Royale bordée de palais (dont celui du Président de la République, où fut signé en 1955 le fameux pacte de Varsovie) et d’églises, dont la plus célèbre, celle de la Sainte-Croix (accessible en empruntant l’élévateur fauteuil situé à l’arrière du bâtiment, rue Traugutta), abrite le coeur d’une autre gloire nationale : Frédéric Chopin (son corps est enterré à Paris). Bien que né d’un père français et n’ayant passé en Pologne que les vingt premières années de sa vie, cet immense compositeur romantique s’est toujours considéré comme Polonais. Ses compatriotes d’aujourd’hui comme d’hier lui rendent bien cet amour. Un musée parfaitement accessible a récemment été inauguré sous la houlette du prestigieux Institut Chopin dans l’ancien palais Ostrogski, en descendant vers le fleuve. Les collections alternent pièces historiques et présentations multimédias dans une ambiance propice à la rêverie musicale, parfum de violette compris… Des concerts de piano sont donnés tous les jeudis dans une belle salle en sous-sol. Attention : stationnement impossible devant l’entrée (rue en pente) et forte rampe pour accéder à la billetterie.

Dans le centre-ville, des « bancs de Chopin » ont été installés en 2010, au fil des lieux liés au compositeur, sur lesquels, outre de l’information, on peut écouter des extraits musicaux. L’un de ces bancs est situé face au monument dédié à Chopin dans le parc Lazienki (prononcer wazienki), havre de paix particulièrement romantique abrité sous de grands arbres et où sommeillent trois palais royaux miraculeusement épargnés par la folie des hommes. L’un de ces édifices, le palais sur l’eau, est rien moins que merveilleux avec sa colonnade se reflétant sur le lac: il en avait, de la chance, le roi Stanislaw August Poniatowski! Non loin, dans un autre parc, celui d’Ujazdów, toujours au bord de la Vistule, l’ancien château (entièrement reconstruit) est devenu un centre d’art contemporain particulièrement actif. Le quartier alentour, très chic, est aussi celui des ambassades.

Au-delà de ces îlots paisibles et du centre historique s’étend la Varsovie moderne, celle des habitants : une ville à l’américaine, avec ses vastes avenues se coupant à angles droits, ses grattes-ciels et ses centres commerciaux. À la russe, plutôt, notamment dans la partie entourant le fameux Palais de la Culture (PKiN selon l’acronyme polonais), énorme building digne de l’URSS, qui en a d’ailleurs entièrement financé la construction. Il domine tout le pays du haut de ses 42 étages culminant à 230 mètres. Le panorama qu’il offre depuis le sommet est évidemment imprenable (moins, du fait de la configuration des lieux, pour les personnes assises ou de petite taille). Inauguré en 1955, l’intérieur évoque davantage l’art déco. On y trouve divers espaces d’expositions temporaires, des salles de cinéma, de concerts, de théâtre, de congrès… En fauteuil roulant, on y accède grâce à un élévateur situé sur le côté gauche de l’immense escalier principal, puis par des ascenseurs. L’accès à l’étage panoramique est payant et de longues queues peuvent se former en période d’affluence. Tout en bas et au-delà, la Pologne du XXIe siècle vaque à ses occupations…

Jacques Vernes, mars 2013.


Sur le web, le site officiel Pologne Travel est un véritable portail thématique sur la destination, dont tous les aspects sont abordés dans les moindres détails (en français)… sauf l’accessibilité aux personnes handicapées. Il en va de même pour Cracovie, qui propose en outre un fort utile agenda de manifestations ainsi que des brochures en téléchargement. Idem pour Varsovie, dont la version anglophone comporte néanmoins une page spécifiquement consacrée au tourisme accessible. Pour préparer un séjour, vous pouvez également consulter (en anglais) cette agence de voyage spécialisée.

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