Lovée sur la rive droite de la Charente (et non à son embouchure comme on le croit parfois) Rochefort est une ancienne « ville nouvelle » du XVIIe siècle dont le passé doit tout à la marine, royale puis nationale. Merci Colbert ! Avec ses rues se coupant à angles droits et ses larges avenues aux trottoirs relativement accueillants pour les fauteuils roulants, le patrimoine urbain de Rochefort est remarquable : il suffit de se promener en ville (et lever les yeux) pour s’en rendre compte… ou (re)voir le célébrissime film de Jacques Demy, dans lequel les fameuses demoiselles tiennent autant la vedette que la cité elle-même. L’Office de tourisme propose d’ailleurs une visite de ville autour du film ainsi qu’une application mobile avec extraits sonores.

L’un des lieux emblématiques du tournage est l’imposant pont transbordeur qui traverse la Charente. Inauguré en 1900, il a été doublé par un pont levant en 1967, année de la sortie du film, et progressivement abandonné jusqu’à être menacé de destruction. Son classement monument historique a permis de le réhabiliter dans les années 1990 et si les véhicules motorisés ne l’empruntent plus, les piétons, cyclistes et autres utilisateurs de fauteuils roulants sont les bienvenus pour ce mini-voyage poétique de quelques minutes, entre deux passages de navires. Un petit musée a été aménagé non loin de là, où l’on peut découvrir l’histoire de ce monument hors du commun, grâce notamment à des maquettes et éléments tactiles. Pont et musée sont labellisés Tourisme et handicap et ont reçu le prix « Patrimoine pour tous, Patrimoine pour chacun » 2012 délivré par le ministère de la Culture : c’est dire combien l’accueil est attentionné… Attention : si le transbordeur dessert effectivement Rochefort, son autre rive et le musée se situent sur la commune d’Échillais, qui fait partie de l’unité urbaine. S’il vous reste un peu de temps, faites un détour par l’église romane du village : c’est l’une des plus belles de Saintonge.

Retour à Rochefort, mais toujours en bord de Charente : on peut s’étonner que la spectaculaire corderie royale (longue d’une encablure, soit environ 180m d’un seul tenant) n’apparaisse pas dans le film de Jacques Demy mais il faut se souvenir que cet extraordinaire édifice industriel du XVIIe siècle, dégradé par les usages successifs et un incendie durant la Seconde guerre mondiale, n’a été restauré qu’à partir du milieu des années 1970 et réaffecté à diverses activités dans les années 1980 : siège national du Conservatoire du littoral, chambre de commerce, médiathèque et Centre international de la mer.

C’est principalement ce dernier espace, le plus vaste, qui reçoit les visiteurs dans une muséographie ludique consacrée à l’histoire du lieu, à la fabrication des cordages et à la vie des marins, complétées par des expositions temporaires autour du monde maritime. Jusqu’en décembre 2013, par exemple, ce sera La promesse d’une île : tout un programme ! Passionnant et accessible, quel que soit l’âge ou le handicap. Restauration possible sur place, moyennant quelques pavés.

Juste à côté, le très médiatique chantier de l’Hermione, reconstruction à l’identique (ou presque, motorisation oblige !) du vaisseau qui permit au marquis de La Fayette de venir en aide aux Américains en 1780, est entré dans son ultime phase : mâture, gréement et voiles. Finie la cale sèche : l’Hermione, pimpante et colorée, flotte dans sa forme de radoub en attendant de prendre la mer après vingt ans de préparations et d’efforts de la part de bénévoles qui partagent volontiers leur passion avec les visiteurs. Le chantier, de plain-pied, est en effet ouvert au public mais l’accessibilité au navire lui-même, très partielle pour les valides, n’est pas assurée pour les personnes en fauteuil roulant, qui devront se contenter des extérieurs (mais ils valent le coup d’oeil). Les ateliers, forge et menuiserie, en revanche, sont pleinement accessibles à tous les publics, même si les déficients sensoriels doivent composer avec les moyens du bord… Situation inverse au musée national de la Marine, non loin de là, où les personnes handicapées visuelles ou auditives se voient offrir de meilleures conditions de visite que celles en fauteuil roulant, cantonnées au rez-de-chaussée : dommage, car les collections sont réellement intéressantes !

L’accueil est plus « handi-friendly » au musée Hèbre de Saint Clément, en centre-ville, dont la muséographie a été entièrement repensée en 2006 avec un réel souci de mise en accessibilité, notamment aux personnes déficientes motrices et auditives. Plus qu’un musée d’art et d’histoire, c’est un voyage à soi seul, des rivages de Charente aux horizons les plus lointains, où l’on préfère privilégier la rareté et la beauté des pièces exposées sur le nombre. Le plan-relief de la ville, réalisé au début du XIXe siècle, et les passerelles lancées, par-delà les océans, avec la culture kanake contemporaine, valent à eux seuls le déplacement.

On pense bien évidemment à l’écrivain Pierre Loti, enfant d’ici, et à ses nombreuses pérégrinations. Son extraordinaire maison, actuellement en grande restauration, ne sera pas rouverte avant plusieurs années mais elle y gagnera en accessibilité.

En remontant le cours de la Charente, à une trentaine de kilomètres de Rochefort, la petite ville de Saint-Savinien offre une halte charmante aux touristes fluviaux et à tous ceux qui prennent le temps de s’y arrêter. Pittoresque et secret, l’endroit a une longue histoire, notamment économique, dont on peut se faire une idée en déambulant au gré des rues, par exemple lors des Arabesques, manifestation picturale organisée chaque année et qui permet de découvrir des oeuvres d’art contemporain placées dans des lieux stratégiques du bourg. La très belle église romane qui se dresse sur l’éperon rocheux mérite également que l’on s’y intéresse, ne serait-ce que pour le point de vue qu’elle offre depuis son parvis (véhicule obligatoire pour gravir la pente). En entrée de village, les nombreux postes de carrelets encore en activité au bord du fleuve, qu’atteignent les marées, rappellent la vocation piscicole de l’endroit.

Autre détour secret du côté de Port-d’Envaux, à quelques kilomètres de là, où les mystérieuses Lapidiales, parrainées par le célèbre sculpteur sénégalais Ousmane Sow, ont investi d’anciennes carrières (site des Chabossières) assez difficilement accessibles en fauteuil roulant mais que l’on peut apercevoir depuis la route. Un « chantier perpétuel » particulièrement créatif qui mérite, lui aussi, que l’on prenne le temps de s’y arrêter.

musée archéologique de Saintes

Remonter la Charente, ici, c’est prendre le chemin du sud. Saintes, qui a donné son nom à la province historique, est une vénérable cité romaine qui conserve de superbes témoignages de sa splendeur antique, notamment l’Arc de Germanicus, déplacé en bord de fleuve où on peut aisément l’admirer, et un amphithéâtre atypique puisque aménagé à flanc de colline, dont la visite est moins commode en fauteuil roulant mais qui vaut réellement le coup d’oeil. Accès possible sur demande par la grande entrée basse pour pénétrer dans l’arène « comme les gladiateurs », mais au prix d’une assez forte pente. Un passionnant musée archéologique a été aménagé près de l’Arc de Germanicus, dans un élégant bâtiment à claires-voies, où sont conservées les plus belles pièces découvertes ici depuis le XIXe siècle. Des cartels braille et artefacts tactiles sont disponibles dans le bâtiment d’accueil. Accès de plain-pied, stationnement possible à proximité.

La ville ancienne, qui s’étend de l’autre côté du fleuve, a été partiellement piétonnisée, ce qui rend la déambulation d’autant plus agréable que les occasions de lever les yeux pour admirer les bâtiments remarquables ne manquent pas. Les édifices religieux sont nombreux mais leur accessibilité aux personnes handicapées motrices n’est pas toujours au rendez-vous : la beauté du contenant dépassant souvent celle du contenu, on pourra se contenter des extérieurs… Ainsi en va-t-il de l’imposante basilique Saint-Eutrope, classée au patrimoine mondial par l’Unesco en 1998, dont la construction s’est étirée du roman au gothique: la nef, très dépouillée, est certes accessible par rampe, mais ce n’est pas le cas de la crypte, principal attrait de l’endroit. Idem à l’abbaye aux Dames, dont ne subsiste que l’église (dotée d’un magnifique tympan roman) et un bâtiment conventuel du XVIIe siècle.

L’histoire humaine, dans la région, est bien antérieure à l’époque romaine. En témoigne le Paléosite de Saint-Césaire (entre Saintes et Cognac), inauguré en 2005 sur les lieux mêmes de la découverte de restes néandertaliens. Conçus avec la plus grande rigueur scientifique (ce qui n’empêche nullement la fantaisie), les lieux proposent une découverte à la fois didactique et ludique des premiers âges de l’humanité, à travers objets, hologrammes et présentations multimédias, dont certaines très spectaculaires. Tous les publics sont les bienvenus, de l’amateur éclairé à la famille avec enfants en passant par les visiteurs handicapés, notamment moteurs : espaces de plain pied, muséographie à portée de mains, stationnement réservé au plus près de l’entrée. La partie centre d’interprétation, où sont reconstitués dans les moindres détails plusieurs types d’habitats préhistoriques est absolument bluffante, surtout lors des démonstrations d’archéologie expérimentale régulièrement organisées sur place. Ne repartez pas sans passer par la salle Morpho pour votre portrait en néandertalien !

La mythique Cognac, véritable île au-milieu des vignobles, ne se trouve qu’à quelques encablures de là : plus qu’un nom, une véritable marque ! La destination, mondialement célèbre, est évidemment très prisée des visiteurs, notamment anglo-saxons (qui sont par ailleurs les principaux consommateurs du fameux breuvage) mais les Cognaçais ont su éviter que leur cité, qui vit naître le roi François Ier et le grand européen Jean Monnet, ne se transforme en usine à touristes. Le centre-ville n’est certes pas immense mais il fait bon y flâner, entre deux visites de caves par exemple. Sur les quais de Charente, dans un morceau de remparts rescapés, l’Espace découverte du pays de Cognac, ouvert en 2004, peut constituer un excellent point de départ pour découvrir le terroir et son histoire, en toute accessibilité et pour tous les publics. Où l’on découvre qu’il y avait une vie avant l’eau-de-vie… Aux étages, accessibles par ascenseur, on trouvera une galerie thématique tactile et un espace boutique mettant en valeur l’artisanat local de qualité. L’accueil est particulièrement attentionné et d’excellent conseil, y compris sur la thématique handicap : une adresse à retenir !

Attenant à l’Espace découverte et inauguré la même année, le musée des Arts du Cognac, tout aussi moderne et accessible, aborde plus précisément la vinification du célèbre nectar, son embouteillage et sa diffusion en alternant pièces historiques parfois très précieuses et contenus interactifs dans une muséographie particulièrement soignée. Vous en ressortirez incollable sur le sujet (les VS, VSOP et autres XO n’auront plus de secret !) et pourrez éventuellement, après la visite, mettre la théorie en pratique… Côté négoces, seule la maison Hennessy, labellisée Tourisme et handicap, est en mesure d’accueillir des visiteurs en fauteuil roulant.

Autre maison ‘handi-friendly »: Courvoisier, mais que l’on découvre à Jarnac, non loin de Cognac sur la route d’Angoulême. Muséographie ultramoderne, éclairage et senteurs savamment étudiés, c’est, au-delà du voyage dans l’Histoire, à une véritable « expérience » que sont conviés les visiteurs, sous l’ombre protectrice de Napoléon Ier, emblème de la marque. Ici aussi, certaines pièces présentées sont de véritables trésors mais c’est surtout l’évolution du marketing depuis le XIXe siècle qui impressionne… Les personnes handicapées motrices ne rencontreront aucune difficulté mais les visiteurs déficients sensoriels devront se contenter de leur palais et de leur nez, ce qui peut largement suffire pendant la dégustation ! Toilettes adaptées, vaste parking à proximité, et sonnette pour se faire ouvrir l’accès fauteuil roulant, sur le côté du château (car c’en est un, qui devrait bientôt être mis en accessibilité).

Quant aux nostalgiques de François Mitterrand, né et enterré ici, ils pourront aller se recueillir sur sa tombe (moyennant quelques graviers) et visiter son musée (qui présente une partie des oeuvres d’art offertes au défunt président), mais pas sa maison natale s’ils sont en fauteuil roulant…

À Angoulême, la Charente fait un large méandre et remonte vers le nord. Établi sur le plateau qui domine le fleuve, cet « oppidum qui a réussi » (grâce son importance stratégique) demeure aujourd’hui encore une cité prospère dont l’extension urbaine témoigne du dynamisme. Les rues tortueuses du centre ancien sont un agréable but de promenade (même si le stationnement n’y est pas des plus faciles) où abondent les belles façades, notamment Renaissance, et où règne une atmosphère presque méridionale, du fait peut-être des nombreuses placettes agrémentées d’arbres que les terrasses prennent d’assaut à la belle saison. La présence de halles encore en activité (accessibles par rampe sur le côté et nanties d’emplacements de stationnement réservé) explique également l’engouement des habitants pour cette partie de la ville. Les nombreuses fresques murales dues aux plus grands noms de la bande-dessinée rappellent en outre la vocation artistique d’Angoulême, qui ne se résume toutefois pas au seul festival : un passionnant musée consacré au « neuvième art » a été inauguré en 2009 en bord de fleuve, où l’on peut, en toute accessibilité, découvrir la (longue) histoire de la BD et de ses artistes, à travers de nombreuses planches originales (certaines rarissimes) et de courtes présentations vidéos. Stationnement aisé sur le vaste parking attenant. Attention : n’empruntez pas en fauteuil roulant la passerelle sur la Charente, vous déboucheriez sur des marches !

Angoulême, cathédrale Saint-Pierre

De retour dans la ville haute (où un splendide panorama sur la vallée est accessible depuis le jardin des Jumelages, en contrebas de la place du Palet, sur les anciens remparts), la cathédrale Saint-Pierre, dont l’étonnant portail pourrait constituer une sorte de « préhistoire de la BD », est une merveille romane accessible par le côté. Attenant à l’édifice, le Musée d’Angoulême, labellisé Tourisme et handicap, a reçu le prix Musée pour tous en 2009 : la qualité de sa muséographie ultramoderne en fait un modèle du genre, qu’il faut absolument visiter, ne serait-ce que pour la diversité des collections, qui s’étendent de la préhistoire à l’Art Moderne avec un détour inattendu par les Arts premiers (l’une des plus importantes collections françaises en dehors du musée du Quai Branly). Comme dans les autres musées de la région, les pièces présentées sont de tout premier plan : ne manquez surtout pas le tronc d’araucaria pétrifié (Jurassique) et le casque d’Agris (époque gauloise), s’ils ne sont pas en voyage pour quelque exposition temporaire internationale : en Charente, on voyage beaucoup!

Jacques Vernes, novembre 2012.

Sur le web, les sites internet des Comités Départementaux de Tourisme de Charente et Charente Maritime proposent de véritables portails d’information permettant de préparer un séjour sur place dans les moindres détails, accessibilité comprise, avec en outre une page dédiée au label Tourisme et Handicap pour la Charente, et même un mini-site complet pour la Charente Maritime ! Consultez également cette page dédiée sur le site de l’Office de Tourisme de Rochefort.

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