Fondée au XIIIe siècle, « l’île (holm) des pieux (stock, en référence à ceux qui ont servi à l’implantation originelle) », s’est très tôt imposée comme une étape incontournable dans le commerce sur la Baltique. Membre de la fameuse ligue hanséatique, elle est devenue capitale de la Suède en 1419. Son premier âge d’or, dans l’imaginaire collectif, commence avec le règne de Gustave Ier Vasa (1496-1560), fondateur d’une dynastie qui a libéré le pays de l’influence d’un Danemark alors tout-puissant. Le vestige le plus impressionnant de cette période est un navire mondialement célèbre, le Vasa, naufragé dans le port de Stockholm lors de son voyage inaugural en 1628, sorti des eaux 333 ans plus tard (1961) et présenté au public après une très longue campagne de restauration. Le musée qui abrite cette épave hors du commun a été spécialement construit autour d’elle. Avec ses 70m de long, sa dizaine de mètres de large et sa quille de 20m de haut, le Vasa fait figure de monstre archéologique totalement époustouflant ! La nef où il s’offre à l’admiration des foules (nombreuses selon les périodes de l’année : préférer une visite le matin dès l’ouverture) ainsi que les espaces muséographiques adjacents (passionnants et parfois émouvants, tant on touche à la réalité de la vie au XVIIe siècle) sont parfaitement accessibles en fauteuil roulant. Une maquette tactile est disponible sur demande au 5e étage du bâtiment; au rez-de-chaussée, un atelier pédagogique dispose d’un plan tactile de la ville ainsi que d’objets à toucher.

Égalité à la mode suédoise oblige (lire ce Focus), les visiteurs handicapés paient le tarif standard, la gratuité n’étant accordée qu’aux accompagnateurs salariés; ceci est valable dans tous les musées suédois. Autre effet de cette « égalité », les espaces adaptés ne sont pas réservés : chacun, handicapé ou valide, peut donc utiliser les toilettes handi, dont la propreté, en conséquence, s’avère aléatoire…

Il en va de même pour les transports, globalement accessibles mais où les emplacements « réservés » aux fauteuils roulants sont fréquemment occupés, même en dehors des heures de pointe, par des voyageurs valides. Ainsi, par exemple, l’unité fauteuil roulant du très commode train express Arlanda, qui relie l’aéroport au centre-ville, sert-elle fréquemment de dépose-bagage. Le métro n’échappe pas à la règle; son utilisation s’avère en outre malaisée pour un touriste : il faut d’abord se procurer les billets (préférez les carnets achetés en kiosque, ils sont moins chers qu’au guichet) puis, le cas échéant, repérer l’ascenseur (rarement propre, hélas), valider son passage auprès d’un préposé qui actionnera le portillon d’accès, et enfin ne pas se tromper d’étage, certaines lignes étant superposées !

On finit par s’habituer mais l’usage du tramway, surtout en centre-ville, est bien plus agréable, du moins sur l’unique ligne accessible en fauteuil roulant (mais elle dessert la plupart des centres d’intérêt). Tramway et bus disposent d’une rampe manuelle, rarement déployée par le conducteur.

Les titulaires de carte européenne de stationnement pourront utiliser gratuitement les emplacements réservés, et demander l’exemption du péage urbain en vigueur depuis 5 ans en téléchargeant et en renvoyant cet imprimé fiscal édité uniquement en suédois; notez que la fonction copier/coller en est inhibée, ce qui empêche toute traduction en ligne…

Côté accessibilité aux usagers aveugles, bandes podotactiles et/ou messages sonores existent parfois, mais pas systématiquement. D’une manière générale, n’espérez aucune aide spontanée de la part des Suédois, lesquels répondent néanmoins de bonne grâce lorsqu’on les sollicite (dans leur langue ou en anglais). En ce qui concerne la voirie, les carrefours sont quasiment tous équipés de feux sonores permanents, avec rappel du gong du tramway en approche. Les abaissés de trottoir sont étroits, décalés par rapport au passage piéton et non signalés; ces passages « modèle Stockholm » sont parfois bordés de dalles lisses blanches pour déficients visuels qui induisent en erreur quand on circule en fauteuil roulant. Enfin, beaucoup d’établissements recevant du public sont équipés de portes à ouverture mécanisée commandée par un gros bouton poussoir rectangulaire qu’il faut savoir identifier, faute de pictogramme ad hoc. Idem dans les ascenseurs.

Stockholm, Académie suédoise et musée Nobel sur la place Stortorget.

Le coeur historique de Stockholm, cette « île des pieux » qui lui a donné son nom, c’est Gamla Stan (« vieille ville » en suédois). Un petit quartier charmant, si l’on fait exception des pentes et des pavés disjoints au risque de bloquer des roues de fauteuil roulant, où se concentrent les lieux historiques du pouvoir : cathédrale, palais royal, bourse; les édifices civils (mairie, parlement, ministères, etc.) sont situés sur l’autre rive. C’est, assez logiquement, après le musée Vasa, l’endroit le plus fréquenté par les touristes; la circulation automobile y est, heureusement, très réglementée. Terrasses et boutiques abondent mais le kitch se limite à quelques devantures.

Ne manquez pas de vous faire expliquer la différence entre un troll et un tomte avant d’acquérir un modèle de l’une ou l’autre de ces créatures, et veillez surtout à vous perdre au hasard des vieilles rues, autour de la place Stortorget : qui sait si vous n’en croiserez pas, une fois la nuit tombée…

Ancien centre de la Stockholm médiévale, la place Stortorget est très photographiée : pour ses antiques maisons, bien sûr, mais surtout pour l’Académie suédoise qui occupe l’un des côtés, au rez-de-chaussée de laquelle est installé le Musée Nobel.

Inauguré en 2001, pour le centenaire du célébrissime prix, cet espace muséographique ultramoderne retrace la vie et l’oeuvre d’Alfred Nobel (1833-1896) ainsi que des récipiendaires de la récompense. L’accès en fauteuil roulant se fait par l’arrière du bâtiment, depuis un jardin qui permet également de pénétrer de plain-pied dans la cathédrale baroque richement décorée où des concerts sont régulièrement organisés.

Attenant à la cathédrale, l’imposant palais royal est la résidence officielle de Charles XVI Gustave. À qui l’aurait oublié, rappelons que la Suède est une monarchie constitutionnelle où l’on paie en… couronnes et où la dynastie régnante (Bernadotte) est d’origine française. De la forteresse d’origine (XIIIe siècle) subsistent d’épais soubassements où sont présentés les joyaux de la couronne : l’endroit, aussi étincelant qu’on imagine, est accessible par ascenseur sur demande. Il en va de même pour le palais lui-même (XVIIIe siècle), qui enchaîne à l’infini les salons d’apparat (le palais compte plus de 1.400 pièces !), mais ni le musée des antiquités de Gustave III ni la grande salle du trône ne sont accessibles en fauteuil roulant. Une petite cafétéria est installée aux beaux jours dans la cour d’honneur, occasion de déguster une princesstårta (tarte princesse) : crème chantilly, génoise et confiture de fraises, enveloppées de pâte d’amande ! Les cafétérias sont très répandues en Suède : on comprend pourquoi en consultant la carte des restaurants et leurs prix… D’une manière générale, le coût de la vie est plus élevé qu’en France.

En redescendant du palais royal, sur l’îlot voisin de Riddarholmen (« îlot des chevaliers ») les nostalgiques de la monarchie pourront se recueillir sur les tombeaux des Vasa et des Bernadotte, dans une église accessible par le côté (interphone) mais l’endroit vaut surtout pour le superbe panorama qu’offre son rivage sur la baie et, presque en face, sur l’hôtel de ville. Lequel, accessible par rampe et ascenseur, est l’un des plus grands édifices de briques au monde. Inauguré en 1923, ses espaces intérieurs sont à la mesure du bâtiment : gigantesques ! Le gotha mondial s’y presse une fois par an, en décembre, pour le banquet Nobel.

Faute d’y être invité(e), on peut se consoler en admirant les mosaïques à fond d’or de la salle de bal et/ou en s’offrant une pièce du service de table au célèbre grand magasin Art déco Nordiska Kompaniet (NK) dont l’enseigne lumineuse tournante domine l’hyper-centre…

À l’instar de toute capitale, Stockholm compte de nombreux musées, dont l’accessibilité n’est pas systématique aux personnes en fauteuil roulant, et quasi-inexistante en ce qui concerne les déficients sensoriels, surtout étrangers. Ainsi en va-t-il du Musée National, idéalement situé en bord de mer, dont les richissimes collections, qui couvrent (presque) tous les arts et toutes les époques, peuvent occuper une journée entière. Repas possible sur place, accès par ascenseur à côté de l’escalier, toilettes adaptées (préservées de la foule) en sous-sol.

Pour une découverte plus complète de la Suède et de ses habitants, rendez-vous au Musée Historique, situé plus à l’est (mais à portée de roues) dans l’élégant quartier d’Östermalm. De la préhistoire à nos jours, vous saurez tout des Suédois et de leurs ancêtres vikings grâce à une muséographie qui met remarquablement en scène les pièces exposées. La salle du trésor vaut à elle seule le déplacement : une véritable caverne d’Ali Baba ! Accès fauteuil roulant à droite de l’entrée principale (ascenseur), prêt de fauteuils roulants et de chaises pliantes, WC (mal) adapté au sommet d’une rampe raide, repas possible sur place.

Au sud, le quartier jeune et branché de Södermalm est en pleine mutation et la « bohème » a tendance à s’y embourgeoiser mais il est d’autant plus agréable d’y déambuler que les lieux de divertissement sont nombreux, de même que les boutiques design et les restaurants bon-marché. La partie que les Stockholmois un peu snobs appellent « SoFo » (pour South of Folkungagatan) vit surtout la nuit.

Le rivage nord-est de Södermalm, isolé du quartier par une véritable autoroute urbaine, est occupé par un très long quai pouvant accueillir les navires de croisière. C’est également un lieu de promenade prisé dont l’étape emblématique, Fotografiska, abrite, comme son nom l’indique, des expositions photographiques temporaires. Le panorama sur la vieille ville est splendide, et plus encore depuis la cafétéria installée au sommet du bâtiment. Si l’envie vous prenait d’embarquer sur la Baltique, sachez qu’à l’exception de certains ferries, aucun navire desservant les îles n’est pleinement accessible en fauteuil roulant. Ceci est d’autant plus dommage que la navigation réserve souvent de jolis points de vue. Restent, pour le touriste handicapé moteur réticent à se laisser manipuler, les transports en commun ou la voiture.

Drottningholm

Ainsi peut-on atteindre l’île de Drottningholm, sur le lac Mälar (l’un des plus grands de Suède, au bord duquel, toute proche, s’étire Stockholm). Le très beau château qui s’y trouve, patrimoine mondial de l’Unesco, est la résidence privée (XVIIIe siècle) de la famille royale mais une large partie est ouverte à la visite. Oubliez les intérieurs si vous vous déplacez en fauteuil roulant (volées de marches totalement rédhibitoires) mais vous pourrez jouir à votre aise des jardins, du merveilleux pavillon chinois (accessible par élévateur à l’arrière) et, cerise sur le gâteau, d’un non moins merveilleux théâtre miraculeusement préservé, où des représentations en costume et décors d’époque sont régulièrement données. Accès par rampes amovibles, repas possible au centre d’accueil, toilettes adaptées. L’endroit, environné d’eau, sur lequel plane la mémoire de Gustave III (1746-1792) et du second âge d’or de la Suède, est paisible et romantique en toutes saisons : un bon prétexte pour revenir à Stockholm…

Jacques Vernes, octobre 2011.

Sur le web, le site officiel Visit Stockholm propose, en français, toutes les informations nécessaires à la préparation d’un séjour sur place, mais sans mention d’accessibilité. Le site Visit Sweden, tout aussi invitant, n’est hélas guère plus disert…

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