On le sait peu, mais le premier toit du jeune Napoleone Buonaparte dans une Capitale encore gouvernée par les Bourbons fut une simple auberge aujourd’hui disparue, « Au cadran bleu », rue de la Huchette, dans l’actuel 5e arrondissement. Puis il y eut Arcole, le 18 Brumaire et ses changements radicaux de régime… et de résidence. La Cour brille alors au palais des Tuileries, incendié durant la Commune de 1871, puis finalement rasé. (Un très sérieux Comité National pour la reconstruction du Palais des Tuileries a été créé début 2004 à l’initiative de l’Académie du Second Empire). En dehors de Paris, c’est au château de Saint- Cloud (Hauts de Seine), également incendié en 1870 – mais par les Autrichiens cette fois – que Bonaparte installe à partir de 1802 le centre officiel du pouvoir consulaire puis la résidence impériale après 1804. Héritier d’une tradition séculaire de monarchies itinérantes, l’Empereur changera souvent de palais, ne restant pas plus de quelques jours ou quelques semaines dans chacun d’entre eux.

Malmaison. De 1800 à 1802 ce petit château des Hauts de Seine, propriété personnelle de l’Impératrice Joséphine, devient avec les Tuileries l’un des sièges officiels du gouvernement. Les lieux, particulièrement bien conservés et partiellement accessibles aux fauteuils roulants (parking réservé à proximité), présentent l’intérêt de montrer la face privée de la vie des Bonaparte. Sitôt le seuil franchi, on est frappé par la simplicité quasi- bourgeoise de l’endroit : ici point de débauche d’ors et de symboles écrasants, mais une enfilade, sur deux niveaux, de pièces aux dimensions réduites, humaines, que dessert un escalier tout ce qu’il y a d’ordinaire.

Le rez de chaussée s’organise autour d’un vestibule au sol en damier donnant sur les jardins et ouvrant de part et d’autre sur les salons de réception et d’apparat. Salon de musique, salon doré, billard, salle du conseil, salle à manger, la pièce la plus remarquable est sans conteste la bibliothèque avec ses belles colonnes et ses rayonnages d’acajou. Napoléon trouvait, dit- on, qu’elle ressemblait à une sacristie ! A l’étage (hélas inaccessible) les appartements privés du couple impérial présentent de nombreux témoignages, parfois émouvants, de la vie au château: vaisselle, objets de toilette, vêtements et souvenirs personnels… A l’automne 1802, le Consul et sa famille s’installent à Saint- Cloud. Joséphine reviendra souvent au « Palais impérial de Malmaison » pour aménager et agrandir le domaine jusqu’au divorce de 1809. Elle y mourra le 29 mai 1814.

Château de Fontainebleau.

Fontainebleau (Seine et Marne). Régnant sur son immense forêt, le château de Fontainebleau a été l’un des séjours privilégiés des monarques (de François 1er à Napoléon III en passant par les Henri et les Louis), grands coureurs de gibier(s), et qui eurent à coeur d’y imprimer leur marque architecturale et décorative. Napoléon 1er trouva après la Révolution un château complètement vidé de ses meubles; il y remédia à partir de 1804, d’abord pour y « accueillir » le Pape Pie VII à l’occasion du sacre, ensuite pour faire de Fontainebleau l’une de ses résidences officielles. C’est ici qu’il signera son abdication en 1814, faisant devant l’escalier du même nom des « adieux à la garde » qui sont restés dans les annales.

Comme dans la plupart des édifices de cette importance, les pièces d’apparat (grands appartements) se doublent de petits appartements plus aisément habitables et destinés à l’usage privé. Ouvert au public depuis 1986, un musée consacré à l’Empereur occupe plusieurs salles du rez de chaussée: un escalier de pierre sans rampe rend la visite difficile, de même que pour les petits appartements et la Chapelle. Le reste est accessible sans encombre (demandez à l’accueil le « livret d’accueil pour visiteurs à mobilité réduite »), des plans inclinés équipent les quelques seuils et un ascenseur dessert l’étage; méfiez- vous toutefois des pavés de la cour, irréguliers comme souvent. Les salles présentent de nombreux souvenirs historiques et constituent un complément utile à la visite des appartements. La Galerie François 1er et la salle de bal, outre leurs dimensions et leurs volumes, sont époustouflantes par la qualité de leurs boiseries. Après les longues heures passées à la visite, on pourra prendre un repos bien mérité sous les ombrages accueillants du jardin de Diane, ou du jardin anglais, à moins que l’on préfère affronter la lumière du grand parterre.

Compiègne, dans l’Oise, est originellement un très vieux château. Édifiée par le roi Charles V à la fin du XIVe siècle, la forteresse fut reconstruite au XVIIIe par Louis XV dans un style néo- classique. Après la Révolution, Napoléon 1er chargea l’architecte Berthault de remettre le château en état. Il y accueillit sa seconde épouse, l’archiduchesse Marie- Louise d’Autriche, en 1810. Après la chute du régime impérial en 1870, le château de Compiègne devint un musée national. Une politique de « restitution des états historiques » y est menée depuis 1945. Une rampe permet aux fauteuils d’accéder directement depuis la façade côté jardin aux pièces d’apparat situées… au premier étage (il aura fallu au préalable traverser une esplanade aux pavés redoutables). Le bâtiment est en effet adossé à un ancien rempart de la forteresse, la façade sur jardin se trouvant ainsi surélevée par rapport à l’entrée côté cour. Il faut néanmoins envoyer un accompagnateur valide demander l’ouverture des grilles à l’accueil.

Faute de moyens et de personnel, les lieux ne se visitent qu’avec guide. Les amateurs de chasse seront comblés par l’exceptionnelle collection de tapisseries des Gobelins consacrées au sujet. Le décor, très chargé à l’exception de grisailles de toute beauté, a souffert du passage de Napoléon III (auquel un musée tout entier est dédié) mais on peut encore admirer, dans les petits appartements la très belle salle de bains en rotonde de l’Impératrice et celle, couleur panthère, de l’Empereur. Tout proche mais inaccessible, le Théâtre impérial (1866), resté inachevé dans une étonnante blancheur, propose depuis quelques années une programmation lyrique mettant en avant des oeuvres françaises sorties du répertoire. Pour la petite histoire, il a été construit sur l’emplacement du couvent des Carmélites immortalisé par la pièce de Georges Bernanos et l’opéra de Francis Poulenc.

Château de Rambouillet.

Rambouillet. Ultime résidence impériale, dont la modestie n’est pas sans évoquer la Malmaison, le château de Rambouillet est devenu à la fin du XIXe siècle l’une des résidences officielles de la Présidence de la République. Du manoir médiéval, fortement remanié au cours des siècles, ne subsiste qu’un donjon (qui ne se visite pas) où sont reçus les hôtes de marque de la France. Le premier sommet du G7 y a été organisé en 1975, sous la houlette du Président Giscard d’Estaing. Les lieux, totalement inaccessibles à l’exception de la surprenante Salle des marbres du rez de chaussée (qui rappelle le passage de François 1er, mort ici), valent surtout pour la beauté de leurs lambris de chêne et le plaisir de partager, fût- ce durant quelques minutes, un peu de l’intimité dorée des grands de ce monde. Inutile de préciser que le château est fermé durant leur présence et qu’une fouille minutieuse attend chaque impétrant qui devra en outre subir un guide récitant sa leçon. Les jardins, en revanche, offrent librement leurs parterres, leurs ombrages et leurs canaux. Cette résidence que la reine Marie- Antoinette appelait « la gothique crapaudière » n’a reçu l’Empereur que durant une quarantaine de jours au total, le dernier étant la veille de son exil à Sainte- Hélène.

Le plus « grand » des Bonaparte ne reviendra pas à Paris de son vivant. « Je désire, avait- il précisé dans son testament, que mes cendres reposent sur les bords de la Seine au milieu de ce peuple français que j’ai tant aimé ». Cela a permis au gouvernement de Louis- Philippe de placer en 1840 les restes de l’Empereur aux Invalides (fondés par Louis XIV) alors même que Napoléon avait songé, de son vivant, à la basilique Saint- Denis, tombeau des Rois de France : sic transit gloria mundi…

Jacques Vernes, avril 2004


Pour poursuivre sur le Net, un site incontournable, celui de la Fondation Napoléon. Pour visiter virtuellement la Malmaison, suivez ce lien. Le château de Fontainebleau vous ouvre ses portes par ici. Celui de Compiègne par là.

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