Chaque mois d’avril, Bourges célèbre la Chanson, ce qui en fait le lieu de rassemblement obligé des chanteurs et « musicos » professionnels ou amateurs. L’édition 2002 se déroulera du 9 au 14 avril, avec notamment Les Cranberries, Jean- Louis Murat, la Fonky Family, Jean- Michel Jarre, Jéronimo, Chewy, Yann Tiersen, Brigitte Fontaine… Ce grand festival, qui attire quelques dizaines de milliers de personnes, a le mérite de sortir la ville de sa routine même si de nombreux habitants demeurent, au mieux, indifférents à ce déferlement. Il faut dire qu’à Bourges, l’ambiance est aussi tempérée que le climat !

Fondée à l’époque gauloise par les Bituriges sous le nom d’Avaricum, la cité berrichonne est le chef- lieu du département du Cher. Elle reste assez industrielle : armement, constructions aéronautiques, électroménager, agroalimentaire et caoutchouc y côtoient d’importants établissements et écoles militaires. La cité berruyère est située à mi- chemin du Centre de la France et celui de l’Union Européenne: le premier est revendiqué par Bruère- Allichamps (50 km au sud), le second attribué à Blancafort (50 km au nord), après avoir traversé le pays du Grand Meaulnes (La Chapelle d’Angilon abrite la maison natale de l’écrivain Alain Fournier). Bourges a été une cité convoitée lors de la Guerre de Cent- Ans : Charles VII (le roi à la Pucelle) y établit la capitale de la France et Louis XI y naquit.

Le centre ancien est bâti sur les flancs d’un coteau dominé par la Cathédrale Saint- Étienne, dont la construction s’est étalée durant les XIIe et XIIIe siècles. On y entre aisément par le portail sud, après avoir contourné une tour de soutènement, la technique des arc- boutants étant encore imparfaite ici. La Cathédrale, inscrite au Patrimoine mondial par l’Unesco depuis 1992, est remarquable de majesté et d’aboutissement de l’architecture gothique. L’absence de transept et les cinq nefs parallèles en font un vaisseau immense bordé de piliers qui forment autant de tuyaux d’orgues qui se continuent dans les voûtes. En été, elle reste ouverte tard et c’est l’occasion de déambuler dans la quiétude, les grandes portes ouvertes et laissant entrer les lueurs du couchant dont le soleil vient chamarrer les piliers en traversant les vitraux : un moment de pur bonheur ! Les vitraux du choeur sont admirables (accès au déambulatoire par rampes). Dans l’église basse, accessible par un escalier à larges marches, une exposition présente des fragments du Jubé détruit lors des guerres de religion. Ceux qui pourront affronter ses 396 marches feront l’ascension de la tour nord pour un panorama sur la ville et ses environs.

En redescendant, dirigez- vous vers le Palais Jacques Coeur. C’est un témoignage bien conservé de l’architecture civile gothique du XVe siècle. Il a été bâti pour l’homme d’affaires qui soutint Charles VII lors de la guerre contre les Anglais, et qui en fût bien mal récompensé, accusé de malversations et contraint à la fuite après que sa fortune eut été confisquée. La façade du Palais est ornée d’une rangée de têtes qui regardent les passants, bouilles marrantes et ironiques. Derrière, une cour pavée et trois corps de bâtiment dont une grande partie se visitent, mais par escaliers uniquement. De ses relations d’affaires avec les orientaux, Jacques Coeur avait retiré un goût certain du confort, faisant aménager des latrines fermées et un hammam. La charpente est remarquable, avec un plafond en accolade réalisé par des charpentiers de marine.

Plusieurs jardins publics attendent vos pas (ou vos roues) mais vous pouvez préférer une promenade dans le marais : à quelques minutes du coeur de la ville, ils forment une succession de parcelles maraîchères séparées de canaux que l’on peut parcourir en barque. On peut aussi y accéder en voiture, mais c’est moins romantique. On circule facilement à Bourges et vous pourrez profiter des nombreux emplacements de stationnement réservé; ici les gens ont encore le respect des autres et laissent leurs places aux véhicules des personnes handicapées (conditions d’utilisation des emplacements à lire en suivant ce lien). Certaines rues aux trottoirs pavés sont toutefois peu agréables, telle la pentue rue Bourbonnoux pourtant jalonnées de maisons anciennes à pans de bois (la ville en compte environ 400). Elle vous conduit place Gordaine, jonchée l’été de tables de restaurants et haut- lieu de rassemblement des junkies de passage…

Les environs de Bourges. A une quinzaine de kilomètres à l’ouest, Mehun- sur- Yèvre fut aussi la ville de Charles VII et Jeanne d’Arc y séjourna. Son château, bâti pour le Duc Jean de Berry en 1366, n’a plus guère qu’une tour intacte et qui se visite (escalier à hautes marches). Il était magnifique jadis, en témoigne une enluminure des Petites Heures du Duc de Berry. Mehun abrite plusieurs fabriques de porcelaine de ménage, blanche ou décorée, industrie dont l’initiateur fut la famille suisse Pillivuyt. Plusieurs de ces entreprises disposent de magasins d’usine proposant des produits de grande qualité à prix réduits.

Près de Mehun, le village d’Allouis abrite deux curiosités : les immenses antennes qui diffusent sur tout le territoire national les émissions de France Inter en grandes ondes (avec brouillage des autres fréquences !) et les fresques de l’église. Elles datent du début du XIIe siècle et rappellent celles de Brinay, présentées dans notre visite de la France Romane, tout en étant manifestement d’un autre peintre. Le dessin est plus fin mais l’ensemble est moins bien conservé. Pour admirer les fragments restants, il vous faudra vous adresser au bistro situé à côté de la mairie : son tenancier vous dirigera vers la personne qui garde la clé de l’église, dont l’accès est de plain- pied.

Au sud, près de Saint- Amand Montrond, l’abbaye de Noirlac est un ensemble cistercien bien conservé. L’église est vaste, lumineuse. Attenant, un cloître distribue salle capitulaire, réfectoire et dortoir dans un gothique très épuré. Le bâtiment des convers ferme l’un des cotés; sa charpente compliquée est également ici l’oeuvre de charpentiers de marine. L’ensemble se visite, l’accès nécessitant d’être aidé. A Saint- Amand, la Cité de l’Or est un musée accessible.

Côté gastronomie, on produit du vin à Reuilly et Quincy (une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Bourges). Le blanc, sec tout étant légèrement fruité, se garde deux à trois ans et accompagne volontiers poissons et foie gras (excellente alternative aux blancs sucrés habituellement conseillés). Certains viticulteurs de Reuilly arrivent à produire un rouge exceptionnel par sa qualité et son bouquet; attention, sa quantité est limitée. Ce rouge de terroir vaut d’être goûté et conservé un ou deux ans.

Le centre de l’Europe se limite pour l’instant à une borne dans un champ, mais le château de Blancafort, accessible, vaut la visite. Tout près de Blancafort, à Concressault, les fans de sorciers et sorcières pourront découvrir quelques pratiques régionales (« r’bouteux », « j’teux d’sorts ») au Musée de la Sorcellerie, accessible lui aussi. Par ailleurs, l’association Argos propose un guide complet de l’accessibilité de Bourges et une rubrique consacrée à l’accueil des personnes handicapées lors du Printemps de la chanson; détails du programme sur le site officiel du festival. Le Comité de Tourisme du Cher propose quant à lui des informations générales, mais sans mention d’accessibilité. Le Centre de la France (et de l’Europe !) n’attend donc plus que vous !

Laurent Lejard, avec l’aimable collaboration de Chantal Jacquet (Association Argos), mars 2002.

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