Le Monopousseur a été inventé en 1992, par un mécanicien en cycles, Éric Faisandier, à la demande d’un foyer recevant des personnes handicapées. Il avait alors conçu un prototype de vélo sans fourche avant, le cadre étant relié à un fauteuil roulant par un système d’attelage. Le cycliste propulse ainsi le passager handicapé qui est assis devant lui. Si le Monopousseur n’est pas le seul engin du genre, il demeure le seul à être utilisable avec la plupart des fauteuils roulants manuels. L’astuce réside dans le système breveté d’attelage de fixation. La personne handicapée reste sur son fauteuil et conserve de ce fait les coussins, tablette et autres aménagements qui ont été conçus pour elle. Depuis son lancement, le Monopousseur a été fabriqué et vendu plus de 600 exemplaires assemblés à Agen (Lot-et-Garonne) par l’entreprise des frères Faisandier, Le Comptoir du deux roues. Ils en ont, depuis quelques années, délégué la diffusion à un spécialiste qui le vend sur Internet sous la marque Handicycle.

À première vue, on se dit qu’il s’agit d’un simple vélo de ville auquel on a retiré la fourche avant. Mais en fait, le cadre est spécifique, inversé par rapport à celui d’un vélo standard, et s’inspire de celui des anciens triporteurs fabriqués par feue Manufrance. En effet, la barre horizontale est en bas et l’oblique relie la tige de selle à la fixation avant. Une fabrication qui faillit s’arrêter il y a deux ans, lorsque le dernier industriel français de cadres de vélos à cessé la fabrication. Les frères Faisandier font désormais fabriquer en Chine (« pas de gaîté de coeur » confesse Pierre) des cadres qu’ils reçoivent nus et qui sont ensuite peints puis équipés. Autre spécificité, le système de fixation : il nécessite d’installer provisoirement ou à demeure une barre d’attelage à l’arrière du fauteuil roulant sur laquelle vient s’accrocher le cycle.

La conduite peut surprendre, le changement de vitesse étant assuré par le moyeu de la roue arrière, et le freinage effectué par rétro pédalage. Cela oblige fréquemment le pilote a cessé de pédaler lorsqu’il passe une vitesse pour que celle-ci s’enclenche, la tension de la chaîne devant être relâchée pour que l’opération s’effectue correctement. Il est d’ailleurs recommandé de ne pas enlever les pieds des pédales tant que l’engin roule. Grâce à ses trois roues, le Monopousseur est remarquablement stable, ce qui peut également surprendre le néophyte parce que le vélo ne penche pas dans les virages. Avec lui, pas de performances de vitesse à espérer, mais d’agréables balades à effectuer sur tous chemins carrossables. Très maniable, le Monopousseur est capable de franchir les chicanes anti-intrusion installées à l’entrée de certaines allées cyclables. Pratique, il préserve l’autonomie du passager handicapé du fait d’un dételage rapide, ce qui rend l’engin utilisable en ville pour aller faire des courses par exemple. Autre avantage, le risque de vol s’avère minime, le Monopousseur étant inutilisable seul.

Monopousseur en situation d'usage.

Une fois attelé, le fauteuil roulant est légèrement incliné vers l’arrière et ses deux roues avant ne touchent plus le sol. Le dos du passager repose en permanence contre le dossier, et le cycliste se sert des poignées du fauteuil comme guidon. Le pilotage nécessite de bien gérer l’effort, pour réduire le balancement latéral que subit le passager. En effet, lors de passages un peu pentus, un cycliste a tendance à tirer sur les bras, ce qui entraine une tendance à appuyer sur le guidon d’un côté puis de l’autre. Si l’engin s’avère confortable pour le passager, les cahots n’étant plus répercutés par quatre roues mais seulement deux, qu’en pense le pilote ? Ardu dans les montées, assez peu manoeuvrant, frein par rétropédalage « casse-gueule », passage de vitesses obligeant à rétropédaler, il faut de la pratique et de l’endurance pour propulser, outre son poids, celui du passager et de son fauteuil. Des contraintes qui réservent le Monopousseur au terrain plat et aux sols de bonne qualité, pour que la balade demeure un plaisir partagé.

Laurent Lejard, juin 2009.


Essai réalisé avec l’aimable collaboration d’Olivier Bouchereau du CDT de Maine-et-Loire.

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