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Le
karaté est un sport de combat originaire du Japon. Pratiqué
en France depuis quelques décennies, son adaptation aux
personnes handicapées motrices ou visuelles est récente.
Elle résulte de l'initiative d'une femme, Marika Marescaux-
Chabert; alors qu'elle dirigeait un club, elle avait accepté
plusieurs personnes handicapées. Un accident l'a davantage
encore confronté au handicap, lors d'un séjour dans un
centre de rééducation fonctionnelle: "Ça m'a donné
envie d'adapter le karaté. J'ai monté un projet que j'ai
présenté à la Fédération Française de Karaté et Arts Martiaux
Affinitaires (F.F.Kama),
pour créer en son sein une commission
Handicap. Il a fallu informer, sensibiliser les responsables
fédéraux. La Commission existe depuis deux ans et rassemble
des pratiquants handicapés qui organisent la discipline".
Comme dans le karaté standard, le handi- karaté comporte
des katas et des combats.
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"On transpose
les mouvements en fonction des aptitudes fonctionnelles de chaque
pratiquant, explique Marika Marescaux- Chabert; on travaille
étroitement avec les professeurs. Ceux-ci reçoivent désormais
une formation spécifique pour accueillir et enseigner aux personnes
handicapées. On trouve également des personnes autistes parmi
les sportifs, je suis impressionnée par leur potentiel".
Actuellement,
plus de 250 handi- karatékas sont répertoriés en France.
La discipline se développe parmi les sportifs handicapés
avec le seul soutien de la F.F.kama. Ce que regrette Marika
Marescaux- Chabert : "Nous avons sollicité la signature
d'une convention avec la Fédération Française Handisport,
elle a refusé. Celle du Sport Adapté s'est offusquée qu'on
n'ait pas pensé à elle. Les sourds disent ne pas être
handicapés. Le Ministère des sports ne répond pas à nos
demandes, de même que la Ville de Paris"... Face à ce
mur d'indifférence, le handi- karaté s'efforce de prospérer
par des actions spécifiques de communication et via Internet.
La discipline. Le Kata est la simulation d'un combat
contre un adversaire imaginaire; il est pratiqué par tous.
Le combat en tant que discipline se fait généralement
contre des valides, du fait du nombre limité de pratiquants
handisportifs. Les personnes sur fauteuil roulant ne peuvent
faire que de la self- défense, en action essentiellement
défensive précise Fatah Sebbak, jeune praticien languedocien:
"J'ai commencé le karaté à 12 ans. Après mon accident,
il y a six ans, j'ai voulu reprendre ce sport et c'est
le cas depuis trois ans. Un an plus tard, je participais
à ma première compétition. Les techniques de jambes sont
compensées par la gestuelle des bras et des mains. On
effectue également des déplacements, de moindre ampleur
que les debouts, en se tenant à 45° de l'adversaire
puis face à lui. Dans les Katas, on effectue les déplacements,
on bloque, on contre- attaque". Gilles Kolfenter a quant
à lui pratiqué le judo et le jiu- jitsu avant de
venir au karaté après être devenu aveugle: "J'y suis arrivé
par hasard, en cherchant un cours à proximité de chez
moi. Le président du club a d'abord été surpris; on m'a
présenté le professeur, j'ai débuté en étant très bien
accueilli".
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"Le
professeur a adapté son enseignement en travaillant à la voix
et au toucher: je calque ma position sur la sienne, et au besoin
je perçois sa position par le toucher". Gilles Kolfenter a évolué
dans son sport, au point de préparer actuellement le deuxième
Dan qu'il passera en mai prochain et d'avoir obtenu un diplôme
d'instructeur fédéral. Il enseigne dans le club de Mazet, près
d'Angers (Maine et Loire).
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"Les
enfants ne se posent pas de questions, et j'enseigne à
tous, quels que soient les âges. Je pratique en Kata et
en combat, contre des valides. La cécité m'oblige à rechercher
l'efficacité, je suis toujours à l'attaque pour toucher
le premier, ce qui surprend beaucoup d'adversaires qui
ont plutôt l'habitude de jauger l'autre". Il faut croire
que cette technique réussit à Gilles Kolfenter, deux fois
vainqueur de la coupe d'Anjou en Kata, contre des valides
! "Il n'est pas encore possible de combattre en compétition
officielle contre des valides, précise Gilles Kolfenter.
Pour des raisons d'organisation et d'assurance. Mais on
le fait dans le cadre du club". Quant on évoque le personnage
du samouraï aveugle Zatoichi,
Gilles Kolfenter rappelle qu'il est conscient de son handicap
et des capacités: "Je ne suis pas une bête de foire. Je
ne pourrai pas faire un tournoi et enchaîner les combats,
l'effort de concentration en combat est trop intense pour
être maintenu longtemps".
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Mais le
champion auquel la Fédération Française Handisport a refusé
de préparer un Brevet d'Etat du fait de sa cécité a déjà pris
une belle revanche sur les tenants du sport officiel des personnes
handicapées...
Laurent Lejard, novembre
2004.
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