Max Barboni est entré en relation avec des artistes handicapés à la faveur d’un travail de commande. En 1990, le Groupe Signes lui avait demandé de réaliser l’illustration de l’affiche de l’un de ses spectacles. Le photographe s’est immergé dans la troupe des comédiens et a été fasciné par ce qu’il a découvert, comment des artistes handicapés arrivent à compenser leurs déficiences pour atteindre la création artistique: « Ils trouvent toujours le moyen de faire ce qu’ils veulent ». Captivé, il a poursuivi ce travail photographique au fil des groupes artistiques de sa région, rencontrant les Percussions de Treffort, l’atelier Vihaduc ou celui de Diana Tidswell.

Chez tous les artistes qu’il a croisé, qu’ils soient professionnels ou amateurs, Max Barboni met en évidence le geste créateur et l’expressivité physique. Il avait au préalable travaillé sur son corps, en réalisant des autoportraits, et c’est cette démarche qui lui a donné envie de travailler sur celui d’autres personnes.

Toutes les rencontres de Max Barboni ne figurent pas dans son livre: des parents d’enfants sourds étaient réticents à l’idée de voir les images de leur progéniture, dont le handicap est réputé invisible, côtoyer des handicapés mentaux ou moteurs ainsi que des infirmes moteurs cérébraux. « Les choix des photographies composant le livre ont été difficiles » explique Max Barboni. Le premier a été effectué par les artistes eux- mêmes, lors d’expositions des clichés en prélude à leurs spectacles. « Je voulais aussi raconter en images la manière dont j’avais abordé les personnes handicapées »…

La première montre un comédien qui émerge comme une naissance, les dernières sont une tendre immersion avec des jeunes polyhandicapés. Le travail photographique, dans un noir et blanc riche en nuances, dans un format carré peu usité mais respectueux du cadrage initial avec un appareil 6×6, met en valeur le théâtre et ses rideaux noirs.

« Max a été subjugué, affirme Claude Chalaguier, directeur du Groupe Signes; on est entré dans une collaboration- découverte. Nous voulions donner une mémoire à notre travail théâtral, on ne pensait pas qu’on allait s’engager dans quelque chose d’aussi fort ». Le Groupe Signes promeut une écriture contemporaine et innovante du théâtre pratiqué par les personnes handicapées, privilégiant le geste oublié à la manière de ce qu’enseignent Peter Brook ou Jacques Lecoq. « Le geste juste part de là. Par la création, on se donne quelque part ». Claude Chalaguier situe son travail dans le champ de la création, refusant la confusion avec l’art- thérapie: « Pour moi, l’art est liberté ».

Les comédiens du Groupe Signes se sont sentis valorisés par l’image de leur travail, « c’est une reconnaissance, une dignité ». Messaoud Bellabas, peintre du pied, est l’un des artistes photographiés: « Un regard extérieur nous fait apprendre; j’ai compris que je pouvais faire certains gestes et pas d’autres. Je ne peux pas être debout, mais avec mon fauteuil je fais passer autre chose »…

Laurent Lejard, mars 2004.

Le geste et l’instant, Art et handicap en Rhône- Alpes. 80 pages, 25 euros. Editions Lieux Dits. Diffusion en librairie ou aux Presses du Réel, 16 rue Quentin 21000 Dijon. Tel : 03 80 30 75 23. Messaoud Belabbas a illustré le livre- disque du conte musical de Magali Viallefond, Un rêve de peintre aux Editions musicales Lugdivine.

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