Le 13 décembre 2018, le conseil de la Métropole Aix-Marseille-Provence a voté 13,5 millions d’euros de financement d’études techniques préalables aux travaux estimés à 130 millions. Objectif de cette Autorité Organisatrice de Mobilité, un métro accessible vers 2025 à toutes les personnes handicapées motrices ou sensorielles. On n’osait plus y croire tant la ville de Marseille avait toujours rejeté ces usagers : faut-il encore rappeler que Gaston Deferre, maire de 1953 à 1986, avait refusé que la première ligne ouverte en 1977 soit accessible, et qu’une manifestation de l’Association des Paralysés de France avait été réprimée par la police ? Et que le même avait considéré que la deuxième ligne de métro ne serait pas accessible puisque la première ne l’était pas et qu’il n’était pas concevable d’envoyer les usagers dans des impasses sur des trajets en correspondance ? En 2019, la seconde ville de France semble vouloir cesser cette pratique discriminatoire, poussée qu’elle est dans ses derniers retranchements.

Parce que c’est avec une baïonnette judiciaire dans le dos que les élus de la Métropole ont capitulé. Une association marseillaise de circonstance portée de facto par l’avocat Benoit Candon avait obtenu du Tribunal Administratif une expertise de faisabilité de l’accessibilité des stations. Après bien des péripéties, les experts ont remis leur rapport en juin 2018, sans toutefois que l’information soit connue du public. Quand on interroge l’avocat qui a fait tomber la pratique marseillaise du « fini-parti » on comprend rapidement pourquoi : le trio de Marseillais constituant l’association plaignante s’est égaillé dans la nature, il est seul à porter ce dossier dans l’indifférence totale du milieu associatif local ! Mais il dispose d’expertises qui concluent à la faisabilité technique et financière de la mise en accessibilité de toutes les stations du métro sauf deux, Malpassé et Longchamp. La première bien qu’aérienne et de ce fait non dérogatoire est engoncée entre deux remblais, la seconde avec une entrée déportée, éloignée des quais; devait disposer d’un couloir souterrain desservant le très passant carrefour des Cinq-Avenues, accès oublié lors de la construction pour faire des économies…

Reste à connaître l’échéancier des mises en accessibilité. Quatre stations ouvertes en 2010 sur un prolongement de ligne 1 sont déjà accessibles (Blancarde, Louis Armand, Saint-Barnabé, La Fourragère). Les deux terminus de la ligne 2 le seront prochainement (Dromel en fin de travaux et Gèze livrée courant 2019). Six stations (La Rose terminus en aérien, Jules Guesde, Vieux-Port, Castellane, La Timone, Rond-Point du Prado) font l’objet de procédure de maitrise d’oeuvre préalable aux travaux qui devraient être effectués à partir de 2021, pour 78 millions d’euros. Celle de la gare Saint-Charles doit être restructurée et rendue accessible, un gros chantier piloté par la Régie des Transports Marseillais pour 28 millions d’euros. Ce sont les 16 stations restantes qui vont bénéficier des 13,5 millions d’études techniques : Frais-Vallon, Malpassé, Saint-Just, Chartreux, Cinq-Avenues-Longchamp, Réformés Canebière, Colbert, Estrangin et Baille de la ligne 1, Bougainville, National, Désiré Clary, Joliette, Noailles, Notre-Dame-du-Mont, et Périer pour la 2.

Avec un sérieux bémol : la délibération de la Métropole ne dégage que 200.000 euros de crédits de paiement en 2019 et 500.000 en 2020, 1 million en 2021 et 1,5 en 2022, les 10,3 millions restants étant réservés aux exercices suivants. Rien ne permet aujourd’hui d’annoncer une année prévisible d’achèvement des études préalables alors que les rames des deux lignes doivent être changées en 2025, remplacées par un matériel automatisé et, espérons-le, accessible sans seuil depuis les quais. Parce qu’à Marseille, rien n’est simple et surtout pas l’acceptation au milieu de tous de ces personnes différentes que sont celles qui vivent quotidiennement le handicap. On aurait aimé poser ces questions à l’élu métropolitain en charge des transports, Roland Blum impliqué depuis 36 ans dans la politique marseillaise, son agenda ne permettait paraît-il pas qu’il consacre quelques minutes à ce sujet… Mais si tout se passe bien, Paris restera la seule en France à maintenir inaccessible son réseau de métro, et ça vaut bien, une fois n’est pas coutume, un Top à Marseille !

Laurent Lejard, février 2019.


PS : le montant global de mise en accessibilité sera supérieur au coût de construction de chacune des deux lignes de métro. De quoi méditer sur la courte vue d’un maire et des élus municipaux qui l’ont soutenu…

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