Blottie aux confins du Maine-et-Loire mais le coeur tourné vers la Vendée, Cholet fut célèbre pour ses mouchoirs, avant de se reconvertir dans l’industrie. Une cité tranquille d’environ 50.000 habitants, que l’actualité n’évoque guère qu’au fil des résultats du championnat national de basketball. En matière d’intégration des personnes handicapées, l’action de la municipalité choletaise s’inscrit clairement dans une continuité politique de droite, dans une cité essentiellement ouvrière. Maire durant 30 ans jusqu’en 1995, Maurice Ligot avait un enfant handicapé.

« On a eu un regard attendri sur le handicap », commente Marie-Christine Pelletier, adjointe au maire chargée du personnel, et « mémoire » du conseil municipal dans lequel elle siège depuis 33 ans. Le successeur de Maurice Ligot, Gilles Bourdouleix, a demandé que les différences soient écoutées, acceptées, alors même qu’il est membre d’un parti politique de « vraie droite », le Centre National des Indépendants et Paysans (CNI). « C’est une sensibilité, une idée profonde qu’on a depuis toujours, complète Colette Lallemand, adjointe à l’égalité des chances et à la citoyenneté. La fibre sociale n’est pas automatiquement de gauche ! »

Faute de recensement spécifique, la commune ne connaît pas précisément sa population de personnes handicapées. On estime toutefois la part des déficients auditifs à 15% et celle des déficients visuels à 7%. La création d’une antenne locale de la Maison Départementale des Personnes Handicapées est suspendue à cause d’un différent avec le Conseil Général qui voudrait que la ville affecte un agent municipal à ce service.

Sur le territoire choletais sont installés plusieurs Etablissements et Services d’Aide par le Travail et Entreprises Adaptées. Comme il est de règle presque partout en France, la mise en accessibilité s’appuie sur l’expertise des associations locales, essentiellement l’APF de Cholet et l’association Voir Ensemble, avec des contacts qualifiés « d’un peu difficiles » avec Sourds 49. Ces organisations participent aux deux commissions d’accessibilité, la communale axée sur l’animation et les personnes, l’intercommunale sur les bâtiments, la voirie et les transports. « A l’époque de Maurice Ligot, on a demandé des abaissés de trottoirs, rappelle Madeleine Niort, représentante de l’Association des Paralysés de France. La voirie s’est améliorée, il reste quand même des endroits difficiles pour les personnes en fauteuil roulant ». Comme souvent, les multiples rénovations ont engendré une voirie disparate et parfois inadaptée. Et si des traversées piétonnes sont équipées de feux sonores, leur emplacement n’est pas cartographié.

Réussir l’emploi public. Les services municipaux ont largement dépassé le quota de 6% d’obligation de travailleurs handicapés : ils composaient 7,4% de l’effectif municipal au 1er janvier 2010, ce qui a valu à la ville de recevoir en novembre de la même année un trophée décerné par le Fonds d’Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique (FIPHFP). « La ville conduit une politique ambitieuse de recrutement et de maintien dans l’emploi, explique Marie-Christine Pelletier. Malgré des situations parfois difficiles, qui portent sur l’acceptation de la personne, mais on a pas mal de nouvelles Reconnaissances de la Qualité de Travailleur Handicapé. Avec cette nécessité d’intégrer en sensibilisant, en informant. C’est un travail qui se prépare depuis longtemps, avec par exemple des apprentis au sein du service d’entretien des espaces verts, ou la titularisation des personnels embauchés sur les anciens Contrats Emploi Solidarité ou Contrats Emploi Consolidé ». De leur côté, les syndicats reprochent à la ville le faible recrutement d’agents handicapés en catégorie A, mais il est visiblement plus facile de trouver sur Cholet et sa proximité du personnel d’exécution que des diplômés de l’enseignement supérieur…

Le maintien dans l’emploi des agents devenus inaptes à leur poste s’appuie sur les deux collectivités locales, ville et Communauté d’Agglomération du Choletais (CAC), ce qui élargit les possibilités de reclassement professionnel. D’autant que les restructurations de compétences ont parfois des effets indésirables : « On va organiser une formation auprès d’agents de la CAC en faveur d’agents sourds, parce qu’ils sont perdus depuis leur mutation », poursuit Marie-Christine Pelletier. Une responsable du reclassement gère ces actions.

Toutefois, Cholet a encore une importante marge de recrutement au sein de son Centre Communal de l’Action Sociale (CCAS) qui ne comptait aucun agent handicapé en 2006: « Les emplois étaient précédemment au contact de personnes âgées et des enfants ce qui rendait difficile l’intégration de travailleurs handicapés, précise Colette Lallemand. Aujourd’hui, l’action du CCAS concerne essentiellement la petite enfance et l’insertion, avec des travailleurs sociaux. On travaille avec Cap Emploi pour recruter des personnes handicapées. Et on a longtemps lutté contre l’idée que ces emplois ne pouvaient être occupés par des travailleurs handicapés. »

Autre raison de ce mauvais bilan social, le CCAS était géré de manière très verticale, sans emprise de la municipalité. Cholet prévoit que son CCAS comptera 6 salariés handicapés sur sa déclaration d’emploi 2011, dont deux recrutements, soit 4,20% de l’effectif. La municipalité a engagé plusieurs chantiers : formation plus importante des personnels, actions en collaboration avec le centre hospitalier et le nouveau chargé de mission handicap de la communauté d’agglomération : « On veut essayer de garder cette flamme au sein de nos deux collectivités », confie Marie-Christine Pelletier, qui voudrait établir des passerelles de sortie pour les travailleurs des ESAT de la ville.

L’accès à l’école n’est plus un problème selon les associations : « Certaines années, les parents ont galéré, se rappelle Madeleine Niort (APF). Maintenant, ça va bien, même s’il y a moins de classes d’intégration scolaire ». La ville dispose d’Instituts Médico-Educatif et d’un SESSAD mixte associant école et institution spécialisé. Côté logement, il ne semble pas exister de déséquilibre, les demandes d’appartements adaptés trouvant rapidement une réponse de la part de l’office HLM qui gère les logements sociaux : sur les 335 appartements accessibles recensés, 68 sont adaptés ou adaptables. « Pour les personnes handicapées mentales, on conduit des actions de logement diffus, soit par étage complet avec un référent, ou en ville par appartement avec ou sans référent », précise Marcel Herpson, directeur adjoint de l’ADAPEI 49.

Côté transports, le Schéma Directeur d’Accessibilité a été adopté en février 2008 par la Communauté d’agglomération desservie par une quinzaine de lignes : aucune n’est déclarée accessible bien que 70% des autobus le soient, avec annonces sonores et visuelles des arrêts et expérimentation d’un relais sur téléphone mobile par SMS via Bluetooth embarqué. Le chantier de mise en accessibilité des lignes Choletbus est traité globalement pour la date-butoir de 2015 : « On voulait que des lignes de bus soient mises en accessibilité », déplore Madeleine Niort. Mais l’agglomération a fait un autre choix, travailler en diffus sur l’ensemble des points d’arrêts. Dans l’intervalle, seul le service de transport spécialisé TPMR répond aux besoins des personnes empêchées d’utiliser les autobus, avec une tarification et une amplitude de fonctionnement plus élevées, de 7h à minuit en semaine.

Sports et loisirs à foison. Elue « Ville la plus sportive de France » en 2007, l’offre choletaise est à ce point pléthorique que les clubs commencent à rencontrer des difficultés pour intéresser des pratiquants, tentés de « papillonner » : en handisport, le handibasket et le tennis de table en sont les principales victimes. « Dans nos foyers, commente Marcel Herpson (ADAPEI), la moitié des pensionnaires fait du sport ». Equipement phare de la ville, le complexe GlisséO comporte deux patinoires, l’une sportive et l’autre ludique, ouvertes en 2002, complétées en 2007 d’une piscine de natation, de deux bassins ludiques dont l’un intérieur, et d’un spa, l’ensemble accessible aux personnes handicapées.

Grâce à l’association Gliss’in créée en 2003 pour faire découvrir la glisse sur glace, le hockey-luge poursuit son développement, avec le soutien du club local de hockey, les Dogs. La patinoire dispose de 13 hockey-luges, de quoi former des équipes et lancer une compétition, d’autant qu’une licence spécifique existe depuis septembre 2009. Actuellement, Besançon, Grenoble, Colombes et Castres disposent d’une équipe, des projets de création sont en cours à Dijon, Amiens, Clermont-Ferrand, Rennes et Saint-Brieuc. « L’idée est de faire savoir pour créer le premier championnat », précise la présidente de Gliss’in, Line Morinière. Et pour la pratique de la glisse en loisir reposant, des fauteuils avec arceaux sont disponibles : une personne handicapée s’assoit, sanglée, et un patineur valide la promène sur la glace.

Dans une autre partie du bâtiment, la piscine comporte deux bassins dont un de 25m, avec mise à l’eau par harnais amovible assez peu pratique, que les habitués préfèrent d’ailleurs ne pas utiliser… Un fauteuil roulant de douche est prêté, des cours adaptés de natation sont assurés par un moniteur breveté. La piscine ludique intérieure est équipée d’une mise à l’eau, de cols de cygne, cascades, lits bouillonnants, contre-courant, et bordée d’une fosse à plongée. A la belle saison, un bassin extérieur offre les mêmes animations, dans un espace plus vaste. Enfin, sauna et hammam sont aisément accessibles.

Cholet abrite par ailleurs, depuis quelques mois, un centre commercial remarquable autant pour sa conception et son design que pour son accessibilité : L’Autre Faubourg. Les bâtiments encerclent un vaste parking aux places de stationnement réservé protégées par des auvents, au sol un guidage podotactile conduit vers des plans-relief braille et des bornes d’information près des traversées piétonnes. Un bureau d’accueil propose le prêt gratuit de fauteuil roulant et de poussette. L’espace se retrouve également dans les commerces, avec des allées larges et des cabines d’essayage adaptées. Le promoteur de L’Autre faubourg, Oréas, a édité un « Guide facilitateur de l’accessibilité des enseignes commerciales », et souhaite décliner ce travail sur d’autres réalisations en projet.

Parmi l’offre culturelle, « la bibliothèque possède un important fonds d’ouvrages sonores, ajoute Véronique Martin, de Voir Ensemble. Il m’est arrivée d’aller seule au théâtre, ce qui pourrait manquer aux déficients visuels c’est l’audiodescription et des visites culturelles commentées. » Pourtant, elle est très satisfaite de ses visites aux musées de la ville : celui du Textile propose sur simple demande aux individuels une visite tactile accompagnée par un guide, cette prestation n’étant possible que pour les groupes au Musée d’Art et d’histoire.

« On travaille bien avec la ludothèque, complète Marcel Herpson. Le personnel est très sympathique, il se met à la portée de nos usagers. Jusqu’à maintenant, on n’était que consommateurs, mais un nouveau champ d’implication s’ouvre à nous ». L’un des résultats, la création d’un jeu par un aveugle, conçu pour être utilisé par tous. Sous la supervision d’un conseiller municipal infirme moteur cérébral, Benoit Martin, le Guide d’accueil des personnes en situation de handicap (également disponible en grands caractères ou braille) vient d’être actualisé : « J’agis pour l’accueil des enfants handicapés dans les structures de loisirs, ça se fait au cas par cas, on veut qu’il soit réalisé le mieux possible. » Benoit Martin travaille par ailleurs sur la problématique des personnes handicapées vieillissantes. L’intégration concerne également les sourds, grâce à une initiative probablement unique en France : l’Institut Municipal des Langues (IML) propose aux entendants un apprentissage de la Langue des Signes Française (lire cet article).

Enfin, pour accéder concrètement à la citoyenneté, la ville organise des simulations d’élections pour les jeunes d’Instituts Médico-Educatif et les collégiens, lors de visites de la Mairie. « La culture choletaise, conclut Marcel Herpson, fait que les gens sont très attachés à leur terroir. » Visiblement, tout est fait pour cela, handicap ou pas !

Laurent Lejard, mars 2011.

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