A 45 ans, Gilles Legentil s’est retrouvé brutalement paraplégique à cause d’une chute d’arbre, en décembre 2006. Ce grave accident du travail a entraîné une longue rééducation, et aucune indemnisation de son préjudice: la loi ne lui donne droit qu’à une rente mensuelle de 1.000€. Mais avec trois enfants pleins de vie, Gilles Legentil ne voulait pas devenir un « père à la maison » et il a cherché les aides techniques qui allaient lui permettre de rester actif au milieu des siens, pour partager leurs activités et loisirs. « J’habite à la campagne, il me fallait un fauteuil électrique tous terrains, qui coûte 20.000€, explique-t-il. La Maison Départementale des Personnes Handicapées et la Mutualité Sociale Agricole ne finançaient chacune que 3.938,01€, le Fonds Départemental de Compensation ne donne plus d’argent ».

Le « reste à charge » atteignait donc plus de 12.000€, une dépense hors de sa portée, mais nécessaire pour vivre en famille, aller à la mer, sortir en forêt. Alors, il a décidé de lancer des actions de solidarité pour obtenir l’argent nécessaire, avec un résultat qui a dépassé ses espérances : plus de 57.000€ collectés lors de lotos, tombolas et autres initiatives qui ont mobilisé des centaines de personnes durant 18 mois. « J’étais persuadé que j’obtiendrai de la MDPH et de la MSA le financement de la totalité de mes aides techniques, en fin de compte j’ai pris leur place. J’ai remué ciel et terre, pendant ces 18 mois », constate Gilles Legentil en dressant le bilan de cette solidarité populaire.

Solidarité qu’il doit au fait d’être connu et apprécié, et que ses concitoyens ainsi que des élus locaux aient décidé de ne pas l’abandonner à ce minimum de survie qu’est rapidement devenue la PCH. Gilles Legentil a tenu à remercier publiquement tous les donateurs, lors d’une réunion publique en octobre dernier. Avec les dons recueillis, il a pu financer le fauteuil roulant qu’il voulait, acheter d’occasion un monospace adapté qui avait peu roulé, et réaliser d’autres aménagements.

Parce que la réalité s’est rapidement éloignée des volontés affichées par le ministre Philippe Bas qui mis en oeuvre, en 2006, la Prestation de Compensation du Handicap. Il expliquait alors que cette PCH était conçue pour couvrir la totalité de la dépense, prenant l’exemple d’un fauteuil roulant à 25.000€ : « Fauteuil électrique, verticalisateur électrique. Le fauteuil est cher et son prix est très variable : entre 6.300 et 25.000€. Remboursement par l’assurance maladie : 5.187€ (soit 20%). La prestation de compensation double ce tarif et le porte à 10.374€. Ce tarif ‘compensation’ s’ajoute au montant de 3.960€ qui est le montant normal auquel a droit toute personne qui recourt à une aide technique. Soit au total 14.335€, ce qui représente près de 60% du prix de vente maximum. En outre, la personne a généralement besoin d’un fauteuil et de ses accessoires. C’est pourquoi on a prévu de doubler le tarif du fauteuil, soit 10.374 x 2 = 20.748 qui eux-mêmes s’ajoutent au montant de 3.960€. Soit au total 24.708€ de compensation pour le fauteuil et ses accessoires ».

Déjà, en janvier 2006, on s’interrogeait sur cette arithmétique ministérielle. Cinq ans plus tard, Gilles Legentil démontre jusqu’à quel point elle était fausse : « On est un peu perdu dans tout ça, on nous fait de belles promesses. Et beaucoup de gens restent chez eux. Moi, j’avais un réseau de connaissances, et j’ai décidé de les mobiliser. C’était pas de tout repos, il a fallu pousser beaucoup de portes ». Mais dans la France de 2011, de telles actions sont relatées chaque semaine par les quotidiens régionaux, réalisées par ces « simples gens » qui sont bien plus soucieux des autres que ces hommes et femmes politiques qui prétendent encore que la Solidarité Nationale couvre les besoins des personnes handicapées. Qu’ils aillent rencontrer Gilles Legentil, il saura leur expliquer la vraie vie…

Laurent Lejard, février 2011.

Partagez !