Le jour même du premier tour des élections municipales et cantonales, le Journal Officiel a publié le décret qui attribue une avance sur revalorisation du Minimum Vieillesse; l’ensemble de la presse audiovisuelle a aussitôt relaté l’information. Cette retraite minimale touchée par 600.000 personnes, et qui remplace l’Allocation Adulte Handicapé dès l’âge de 60 ans, doit faire l’objet, d’ici à la fin de l’année, d’une augmentation de 5% qui s’ajoutera à celle de 1,1% effective en janvier dernier : le Président de la République avait promis, durant sa campagne électorale, d’augmenter ce Minimum Vieillesse de 25% durant son quinquennat, comme il avait promis de revaloriser dans la même proportion l’Allocation Adulte Handicapé perçue par près de 770.000 personnes.

Pris de court par ses promesses, et sans grande marge de manoeuvre budgétaire après avoir vidé les caisses de l’Etat avec la création du bouclier fiscal et la remise de 15 milliards d’euros d’impôts aux contribuables les plus riches, le Gouvernement a voulu contenter une partie de l’électorat pauvre au moment d’une importante échéance électorale. Mais n’ayant pas les moyens de satisfaire tout le monde, il a choisi les personnes âgées, électeurs considérés comme plus conservateurs et « droitiers » que les autres. Pour cela, il dépense (à crédit) 120 millions d’euros, versés par la Caisse Nationale d’Allocations Familiales qui espère être remboursée dans les deux mois par le Fonds de solidarité vieillesse. Cette somme ne représente d’ailleurs que la moitié de la revalorisation promise qui approche les 230 millions d’euros en année pleine, opération que le Gouvernement devra renouveler de 2009 à 2012 pour respecter la promesse présidentielle. Total : plus d’un milliard d’euros.

Cette somme aurait dû être doublée si le Pouvoir était allé au bout de sa logique. Mais il n’est manifestement pas dans ses intentions de revaloriser les allocations « de solidarité nationale » versées aux personnes handicapées. Certes, le Président de la République et les ministres de tutelle ont affirmé que la promesse serait respectée, mais les actes n’ont pas suivi lors des échéances de juillet 2007 puis janvier 2008. Espérant peut-être satisfaire quelques personnes, le Gouvernement a simplement annoncé une modification de l’année des revenus pris en compte pour calculer l’Allocation Adulte Handicapé (N-2 au lieu de N-1), mesure destinée, paraît-il, à inciter au retour au travail…

Il en faudra bien davantage pour calmer la fureur qui monte parmi les personnes handicapées et leurs associations, comme une lame de fond qui devrait s’abattre dans les rues de Paris le 29 mars prochain lors d’une marche vers l’Elysée. Plus de 80 associations rassemblées dans le mouvement Ni Pauvre Ni Soumis mobilisent et espèrent que plus de 30.000 personnes handicapées viendront rappeler leurs discours au Président de la République et à ses ministres. Une mobilisation nécessaire et couteuse : déjà 5 avions affrétés (soit 250.000€), 13 trains spéciaux, des cars par centaines, la manifestation des personnes handicapées va engloutir des centaines de milliers d’euros qui auraient utiles à des actions de soutien. Parce qu’en 2008 et malgré l’instauration du principe de compensation du handicap, les associations ont un rôle toujours plus important, pour pallier aux innombrables lacunes d’une action publique confinée à des barèmes de prise en charge.

Comment des dirigeants politiques qui affirment leur humanisme peuvent-ils maintenir plus d’un million de personnes handicapées en dessous du seuil de pauvreté ? Pourquoi avoir donné l’espoir d’une vie meilleure aux plus vulnérables des Français : pour recueillir leurs voix et celles de leurs parents et amis, puis les piétiner une fois parvenu au pouvoir ? Il est rare que les grandes associations nationales, plutôt enclines à la négociation feutrée des cabinets ministériels, lancent une mobilisation de masse : la dernière s’était déroulée en mai 1999, rassemblant à Paris 25.000 personnes à l’appel de l’Association des Paralysés de France et l’Association Française contre les Myopathies, revendiquant la compensation des incapacités, le libre choix du mode de vie, l’évaluation individualisée des besoins, un guichet unique. Six années s’écouleront pour qu’une loi viennent partiellement satisfaire ces revendications. En faudra-t-il autant pour définir un revenu d’existence décent pour les personnes handicapées, supérieur au seuil de pauvreté, cumulable avec un salaire, calculé sur les seuls revenus de l’allocataire ? La réponse viendra peut-être de la rue…

Laurent Lejard, mars 2008.

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