Le 19 janvier 2004, une salariée sourde se plaignant d’une entreprise de confection qui ne lui avait pas payé le travail qu’elle avait réalisé a été convoquée par le Conseil de Prud’hommes statuant en bureau de conciliation. Malgré sa demande préalable, formulée avec l’assistance de la permanence juridique pour les sourds de la Ville de Paris (lire cet article), aucun interprète en langue des signes française n’était présent à l’audience. La plaignante, Mariana Schuman, était notamment accompagnée de son fils entendant et s’exprimant en L.S.F sans avoir la qualité d’interprète. Les Conseillers prud’hommaux ont refusé qu’il puisse assurer l’interface avec sa mère, se retranchant derrière l’application stricte de la loi qui ne prévoit que l’assistance entre conjoints : problème, le mari de Mariana est sourd lui aussi. La salariée n’a donc pu s’exprimer à l’audience et on peut se demander comment elle pourra défendre ses droits quand le bureau de jugement des Prud’hommes entendra l’affaire.

Le droit précise : « Le juge n’est pas tenu de recourir à un interprète lorsqu’il connaît la langue dans laquelle s’expriment les parties » (article 23 du Nouveau code de procédure civile). Cette règle « par défaut » s’applique en droit du travail lors des instances prud’hommales. Si les Conseillers Prud’hommes connaissent la L.S.F, ils peuvent entendre les plaignants sourds. Lorsque ce n’est pas le cas, ils doivent faire appel à un interprète. C’est ce que font d’autres Conseils, tel celui de Créteil, ville voisine de la Capitale. Le Tribunal d’Instance de Paris requiert également, en cas de besoin, un interprète.

Le Greffier en Chef du Conseil de Prud’hommes de Paris ne s’oppose pas à la présence de l’interprète, il en laisse la demande et la charge de la dépense au demandeur pour des raisons financières : « Nous n’avons pas de budget pour payer un interprète. Si le demandeur gagne son procès, il pourra obtenir dans les dépens et l’article 700 N.C.P.C le remboursement des frais d’interprète. Mais généralement, les Conseillers Prud’hommes acceptent qu’un parent s’exprimant en langue des signes assure la traduction ». Ceux qui ont reçu Mariana Schuman doivent être une exception à cette règle…

Il est plus que probable que le Conseil de Prud’hommes de Paris ne soit pas le seul en France à refuser de fournir aux sourds les moyens de se faire entendre. Mais son comportement fondé sur l’argent dénie à des citoyens leur droit d’accès à la Justice et mérite un Flop d’autant plus assourdissant qu’il favorise incontestablement la partie « entendante » adverse.

Laurent Lejard, janvier 2004.

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