Michel G. se souviendra de ses séjours estivaux à Marseille des 21-22 juin et 17-18 juillet 2018. D’abord parce que ceux-ci n’étaient pas motivés par les raisons les plus agréables, ensuite parce que sa voiture a été victime du contrôle automatique du stationnement par Lecture Automatique des Plaques d’Immatriculation (LAPI, lire ce Flop). Ce matériel vendu plus de 100.000€ par une société lyonnaise doit assurer à Marseille jusqu’à 450.000 contrôles mensuels sur les 15.400 places payantes sur la voirie. Pendant le premier semestre 2018, 318.182 Forfaits de Post Stationnement (FPS) ont été établis par trois voiture avec LAPI , autant dire que les mauvais payeurs ont peu de chances de passer au travers d’un redressement de 17€, usagers handicapés inclus même s’ils sont exemptés du paiement depuis plus de trois ans. Michel G. peut en témoigner : quatre jours à Marseille et quatre contrôles automatiques, 100% de résultats ! Parce que les véhicules équipés d’une LAPI ne peuvent repérer les voitures arborant une carte européenne de stationnement ou mobilité inclusion mention stationnement. Alors à Marseille comme dans quelques autres villes (notamment AubervilliersLe Kremlin-BicêtreMontreuil-sous-BoisPauSaint-Denis et Saint-Ouen) les usagers handicapés doivent s’enregistrer ou déposer un recours.

Sauf que Michel G. ne connaissait pas l’exception marseillaise illégale dans l’application d’une loi de la République Française, celle du 18 mars 2015 visant à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap titulaires de la carte de stationnement. A Marseille, la municipalité n’en a pas tenu compte et a décidé de leur compliquer la vie : obligation, pour ne pas être sanctionné, de s’inscrire dans les horodateurs ou de souscrire un abonnement gratuit de deux ans. Or, la loi ne contient aucune disposition de ce genre, comme l’expliquait la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) dans son avis du 14 novembre 2017 (lire ce Flop). Pour les Marseillais, l’obtention d’un abonnement gratuit nécessite de se déplacer avec une flopée de justificatifs dans les locaux de la société privée qui gère le stationnement. Et les automobilistes de passage doivent enregistrer la plaque d’immatriculation du véhicule dans l’horodateur le plus proche… s’il est accessible, s’il fonctionne, etc. Bref, tout le contraire de « faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap » !

Sanctionné quatre fois, Michel G. a déposé quatre Recours Administratifs Préalables Obligatoires (RAPO) qui ont été rejetés. Il avait joint copie de sa carte de stationnement mais pas, semble-t-il, celle du certificat d’immatriculation de son véhicule. Le concessionnaire du stationnement payant, la SAGS, n’a pas demandé la pièce manquante et lui réclame quatre fois 17€. D’autant que la décision précise : « Il vous est rappelé qu’aux termes de l’arrêté municipal du 2/08/2017, les titulaires d’une carte de stationnement ou de la carte mobilité inclusion doivent déclarer le début de leur stationnement via l’horodateur en saisissant l’immatriculation du véhicule. » C’est donc également parce qu’il n’a pas satisfait à une formalité illégale que Michel G. est sanctionné ! Le résultat est là : un usager handicapé qui n’a pas à payer le stationnement est contraint de le faire parce que son recours à l’encontre d’un contrôle illégal est rejeté. S’il ne paie pas, il ne pourra pas saisir la Commission du contentieux du stationnement payant (CCSP) et s’expose à un recouvrement par huissier.

Cette situation créée depuis le début de l’année par l’application hasardeuse, dans quelques villes, de la décentralisation du stationnement commence à faire des vagues. Le Défenseur des Droits a reçu des réclamations mais n’a pas encore rendu de décision, commente sa porte-parole : « Nous avons signalé la difficulté avant la mise en oeuvre du dispositif auprès du service compétent. En effet, la jurisprudence protectrice de la Cour de cassation qui exonérait sur la base de la présentation de la carte n’est plus mise en oeuvre  » (lire l’actualité du 10 juin 2014).

Le ministère de l’Intérieur vient d’ailleurs de rappeler que les agents chargés du contrôle « ne peuvent en aucun cas établir le montant du forfait de post-stationnement sur la base des seules données collectées [par les dispositifs de lecture automatisée de plaques d’immatriculation]. Pour établir ce montant, ces agents doivent en effet au préalable bien s’assurer que le véhicule en stationnement ne comporte pas contre le pare-brise une carte mobilité-inclusion comprenant la mention ‘stationnement pour personnes handicapées’ ou une des anciennes cartes de stationnement pour personnes handicapées donnant droit à un stationnement gratuit. » (Réponse ministérielle identique aux questions écrites des députés socialistes de l’Aisne, Jean-Louis Bricout, et de La Réunion, Ericka Bareigts). En clair, la verbalisation automatique est contraire à la loi telle que rappelée par la CNIL. Mais l’action du ministre de l’Intérieur s’arrête là. Saisi dès le 15 janvier 2018 par le président de l’Association des Paralysés France, Gérard Collomb a opposé une fin de non recevoir. En l’absence d’action de l’État, des municipalités peuvent donc continuer à faire payer illégalement aux usagers handicapés leur stationnement gratuit…

Laurent Lejard, septembre 2018.

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