Le rapport conjoint d’évaluation par l’Inspection Générale des Affaires Sociales et l’Inspection Générale de l’Education Nationale du 3e plan gouvernemental en faveur de l’autisme couvrant les années 2013 à 2017 n’est pas anodin. Ce bilan pourrait servir au nouveau Gouvernement à élaborer un 4e plan autisme, bien qu’un tel plan ne figurait pas dans le programme du candidat Emmanuel Macron élu Président de la République le 7 mai. Ce rapport bilan restera-t-il lettre morte ?

Quoi qu’il en soit, tout en respectant le ton pondéré qui sied aux hauts-fonctionnaires, ce rapport dresse un bilan calamiteux de la prise en charge des personnes autistes et du soutien des familles. Cela commence par la connaissance du public concerné. Si environ 100.000 enfants et jeunes de moins de 20 ans connaitraient des troubles du spectre de l’autisme, cette évaluation résultant de l’esquisse du dépistage post-natal n’apporte pas d’informations qualitatives. « Ces données ne permettent pas de distinguer la diversité des profils (sévérité et caractéristiques du handicap », constatent les rapporteurs. Et pour les adultes, aucun chiffre fiable et une prise en charge quasi-nulle.

Le rapport ne fait qu’évoquer le conflit qui oppose les praticiens qui veulent traiter l’autisme, « rivalités disciplinaires, concurrence entre les théories et les approches, désaccords concernant les choix et les modalités d’interventions » qualifiés de conflits « plus délétères que féconds puisqu’ils ont été à l’origine d’une prise en compte tardive de l’autisme dans les politiques publiques ». De fait, la publication des recommandations de bonnes pratiques concernant la prise en charge des adultes n’a cessé d’être reportée, le second semestre 2017 est pour l’instant envisagé.

En matière d’établissement d’un diagnostic, essentiel pour organiser une prise en charge médico-éducative, les rapporteurs relèvent que le « troisième plan cadre très précisément le dispositif de repérage et de diagnostic mais la mise en oeuvre peine à se structurer avec un nombre encore très insatisfaisant de diagnostics et des délais d’obtention parfois considérables. » Les créations de places budgétées ne sont effectives qu’à 58%, et seule la moitié des crédits a été distribuée, 70,4 millions d’euros sur 155,5 millions notifiés. Les rapporteurs relèvent également l’orientation par défaut des enfants faute de réponse à leurs besoins réels, le manque de professionnels compétents, le cloisonnement entre les secteurs médical, médico-social et Education Nationale, les parcours « marqués par des ruptures nombreuses en l’absence d’articulation suffisante entre secteurs […] et d’accompagnement adéquat des familles ». Si tout n’est pas négatif et des progrès réalisés, le rapport est sévère. « Au final, le bilan de l’application du 3e plan autisme est contrasté : il a permis une structuration de la politique publique de l’autisme en France et a bénéficié dans sa gouvernance, de la création des ARS, mais les recommandations de bonnes pratiques demeurent contestées dans certains établissements sanitaires et médico-sociaux, et parfois mal appliquées. »

Ce rapport n’a suscité aucune réaction de la part des multiples associations du secteur de l’autisme. Sollicité pour s’exprimer, le président de Vaincre l’autisme pourtant prompt à protester s’est mis aux abonnés absente. Silence également à l’Unapei, dont l’une des administratrices, Sophie Cluzel, siège désormais au Gouvernement en tant que secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées. A cet égard, le Collectif Citoyen Handicap de la Réunion a publié un communiqué dénonçant les liens entre les associations gestionnaires de personnes handicapées et la nouvelle secrétaire d’Etat, redoutant un conflit d’intérêt au bénéfice des établissements médico-sociaux. Eloignée de ce microcosme, la déléguée aux Français de Belgique au sein d’Autisme France, Isabelle Resplendino, est la seule à nous avoir répondu. « Le rapport IGAS est accablant, commente-t-elle. Les adultes ont été oubliés. Les professionnels font ce qu’ils veulent. Les unités spécialisées dans les classes maternelles sont la seule mesure qui surnage. » Une centaine d’unités d’enseignement pour enfants autistes à l’école maternelle a été créée depuis la rentrée 2014, sans encore de continuité à l’école primaire. « On n’a pas eu le courage de faire ce qu’il fallait en mettant du financement dans l’Education Nationale plutôt que dans le médico-social. Personne n’a compris qu’il fallait faire une révolution. »

Laurent Lejard, mai 2017.

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