Question : Dans le rapport que vous avez présenté en Commission des Finances, vous relevez « un désengagement regrettable de l’État du financement de la politique du handicap ». Comment se traduit-il ?

Éric Bocquet : 
Ce désengagement concerne deux volets du financement de la politique du handicap. D’une part les Etablissements et Services d’Aide par le Travail dont le fonctionnement sera financé par la Sécurité Sociale, et d’autre part celui des Maisons Départementales des Personnes Handicapées par la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie. Ce désengagement porte sur deux milliards d’euros, l’État ne financera plus que les Allocations aux Adultes Handicapés, la Garantie de Ressources des Travailleurs Handicapés en ESAT et l’Allocation Supplémentaire d’Invalidité. Cela m’inquiète, il risque d’y avoir des disparités territoriales entre les différentes MDPH, avec des délais de traitement des demandes très variables. Cela va également réduire le contrôle parlementaire parce que les crédits transférés seront noyés dans la masse des dépenses de la loi de financement de la Sécurité Sociale.

Question : Justement, avez-vous trouvé dans les projets de lois de finances et de financement de la Sécurité Sociale pour 2017 le milliard et demi de frais de fonctionnement des ESAT que le budget de l’État doit compenser intégralement à la Sécurité Sociale ?

Éric Bocquet : Non, je n’ai pas trouvé ces éléments. J’ai sollicité un de mes collègues sénateurs. Et au besoin je saisirai la commission des finances du Sénat.

Question : Si l’État se désengage financièrement, il contrôle pourtant les autres financeurs que sont la Sécurité Sociale et la CNSA…

Éric Bocquet : L’État garde la main sur le sujet, mais le Parlement doit avoir un droit de regard. C’est un peu la tendance depuis plusieurs années, au sens large, la réduction des dépenses publiques est engagée sous la pression des traités européens. La France a beaucoup de retard en matière de places pour personnes handicapées, et je regrette que l’État s’en désengage. Il a une vision comptable des choses, alors qu’il s’agit d’humain. Il faudrait basiquement partir des besoins et pas simplement s’accommoder des crédits. Sénateur du Nord, voisin de la Belgique, je suis allé constater que de nombreux Français handicapés étaient placés en Belgique faute de places adaptées en France, près de chez eux. Il faut inverser cette logique, ce qui pose la question des moyens.

Question : Mais comment sortir de cette logique comptable ?

Éric Bocquet : Tant qu’on sera en budget contraint, il y aura un risque de blocage, voire de réduction drastique. Il n’y a pas de remise en question des politiques d’austérité.

Question : Y compris en matière de minima sociaux dont le projet de réforme actuellement à l’étude pourrait survivre au changement de gouvernement de mai prochain, après les élections présidentielles ?

Éric Bocquet : J’ai fait cette lecture. On est dans une logique comptable, on adapte les budgets. Tout cela s’inscrit dans un budget de réduction des dépenses publiques. Et on place les établissements dans des situations impossibles.

Propos recueillis par Laurent Lejard, novembre 2016.

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