Le Premier ministre, Manuel Valls, et ses collègues chargées du logement, Ségolène Royal et Sylvia Pinel, ont signé le 24 décembre 2015 un décret et un arrêté d’application de la réforme de l’accessibilité contenue dans l’ordonnance du 26 septembre 2014 ratifiée le 5 juin 2015. Première constatation dans le décret : le ministère chargé des personnes handicapées se voit retirer la cosignature des textes réglementaires. « Il a été publié après avis du Conseil d’Etat qui n’a pas requis la signature du Secrétariat [d’Etat] en charge des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion », précise ce dernier. Ce ne sont plus que les technocrates du ministère du Logement qui écrivent la réglementation, celui des Personnes handicapées se voyant retirer toute compétence en la matière. Rien d’étonnant, alors, de constater que le refus par le Conseil National Constatif des Personnes Handicapées d’examiner ce texte n’ait eu aucune conséquence : il avait demandé le 8 septembre 2015 à l’Administration de reprendre ce texte pour revoir sa copie, ce que le ministère du Logement a estimé être un avis recevable !

Désormais, un maître d’ouvrage pourra satisfaire aux obligations d’accessibilité « par des solutions d’effet équivalent aux dispositions techniques de l’arrêté dès lors que celles-ci répondent aux objectifs poursuivis ». Le constructeur devra toutefois les justifier auprès du préfet qui aura trois mois pour consulter la commission d’accessibilité et rendre sa décision, faute de quoi l’accord sera réputé acquis. Cela ouvre un très large champ de solutions techniques dont la limite réside dans l’imagination humaine, mais compte-tenu de la piètre connaissance par les promoteurs et constructeurs des conséquences des handicaps et de la perte d’autonomie, on risque de constater des réalisations aussi « exotiques » qu’impraticables.

L’accessibilité de certains logements construits sur plusieurs niveaux pourra être réduite à la cuisine, le séjour et un cabinet d’aisance avec lavabo, chambre et salle d’eau étant inaccessibles sous réserve de pouvoir installer ultérieurement un élévateur. L’occupant handicapé devra alors en supporter la charge financière, en payant pour son handicap. L’acheteur d’un logement en cours de construction pourra en faire modifier les cloisons à la condition d’en maintenir la visitabilité de la salle de séjour, l’accessibilité des WC n’étant pas prévue. Il devient possible de ne limiter l’accessibilité qu’à un seul logement lorsque deux sont construits de façon superposée, ce qui est la cas pour une maison individuelle comportant deux appartements mis en location. De même, lorsqu’un local « distinct à usage autre que d’habitation » est superposé à une telle maison, son accessibilité n’est plus obligatoire : l’occupant handicapé sera privé de garage, de jardinage, de bricolage, etc. Voilà qui va réduire significativement l’offre en logements neufs accessibles et adaptables, alors que les besoins augmentent du fait du vieillissement de la population française.

L’autre aspect destructeur de la nouvelle réglementation porte sur le confort d’usage des logements. Tout d’abord, on remarque une incohérence : la visitabilité des logements est obligatoire sans exception pour ceux qui sont dans des étages sans rampe ou ascenseur, ou dans des immeubles considérés inaccessibles (« largeur de trottoir inférieure ou égale à 2,8 m, une pente longitudinale de trottoir supérieure ou égale à 5 % et une différence de niveaux d’une hauteur supérieure à 17 cm entre l’extérieur et l’intérieur du bâtiment »). Le nouvel arrêté reprend l’essentiel du texte précédent, tout en introduisant d’importantes restrictions qui vont rendre les nouveaux logements inconfortables.

C’est ainsi qu’il sera permis de concevoir salle de bains, cuisine et chambres à dimensions réduites, le diamètre de giration du fauteuil roulant (1,50m) pouvant empiéter jusqu’à 25 cm dans le débattement d’une porte et 15 cm sous un lavabo ou un évier. Cette exigüité devrait entrainer des heurts sur les portes des pièces… ainsi que sur les jambes des occupants en fauteuil. « Le ressaut du bac de douche de la douche accessible doit être limité afin de permettre son accès en toute sécurité », ce qui annonce le retour de bacs infranchissables. Enfin, il redevient possible de construire des loggias, balcons et terrasses comportant un seuil allant jusqu’à 25 cm, à charge pour le constructeur de prévoir l’espace nécessaire à l’installation d’une rampe d’accès.

Si cette nouvelle réglementation « à la lésine » est présentée par le Gouvernement comme une source d’économies pour réduire le prix de revient et stimuler la construction, rien ne garantit qu’elles seront répercutées par le promoteur ou le constructeur sur le prix d’achat et que l’accès au logement sera facilité. Il est par contre certain qu’elles rendront les appartements neufs nettement moins confortables aux usagers handicapés.

Laurent Lejard, janvier 2016.

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