Ils fonctionnent par le biais d’internet et portent des noms prometteurs tels Défi RH ou Objectif Avenir. Ces cabinets, spécialisés dans le recrutement des travailleurs handicapés du secteur privé, sont apparus en France au milieu des années 2000. Cette date ne doit rien au hasard : elle coïncide avec la loi de février 2005 pour l’égalité des droits et des chances qui renforce l’obligation d’embauche pour les entreprises. Celles qui comptent au moins 20 salariés doivent embaucher 6% de travailleurs handicapés. Lorsque le quota n’est pas atteint, l’entreprise verse une contribution à l’Association de Gestion du Fonds pour l’Insertion professionnelle des Personnes Handicapées (Agefiph).

« La loi de 2005 a créé un effet d’aubaine, les entreprises étaient tendues et ne trouvaient pas les réseaux de recrutement financés par l’Agefiph, comme Cap Emploi, assez réactifs », explique Véronique Bustreel. Cette conseillère nationale pour l’emploi et la formation à l’Association des Paralysés de France ajoute : « En réalité le marché n’existe pas vraiment, ces cabinets passent souvent par des réseaux traditionnels et sont financés par des entreprises qui pensent trouver une solution miracle grâce à eux. » Le cabinet parisien Objectif Avenir, par exemple, revendique son partenariat avec Électricité Réseau Distribution France (ERDF). D’autres, comme TH Conseil ou Défi RH, collaborent régulièrement avec l’Agefiph par des appels d’offres.

Les carences de Pôle Emploi. Selon une porte-parole de l’Agefiph, l’essor de ces cabinets s’explique aussi par le fait que Pôle Emploi connaisse des difficultés depuis sa fusion, « cela a surement créé une insatisfaction auprès des demandeurs d’emploi handicapés. » Une version confirmée par Hervé Moreau, directeur d’Objectif Avenir : « Mon cabinet répond à un besoin réel, affirme-t-il. A la différence du public, nous sommes des spécialistes du recrutement qui accompagnons les candidats en évaluant leurs compétences. Ainsi, l’entreprise recrute de vrais salariés appréciés pour leurs qualifications et non pour leur handicap », conclut-il.

« Objectif Avenir a une démarche très pragmatique, les consultants accompagnent les candidatures jusqu’aux managers afin de s’assurer de la bonne compréhension par ces derniers des déficiences du candidat et des compensations à mettre en place », argumente de son côté ERDF. Ces cabinets proposeraient donc une valeur ajoutée par rapport au service public.

Une efficacité remise en cause. 
Cependant, « peu de ces cabinets sont vraiment efficaces sur le terrain, estime la bloggeuse d’Handicitoyens, diplômée à bac+5 dans le domaine médical. En tant que demandeuse d’emploi handicapée, j’ai été très déçue par TH Conseil. Inscrite pendant deux ans sur leur site internet, je n’ai jamais reçu d’offre d’emploi. En fait, ils ne sont pas tous à mettre dans le même panier, le cabinet Job in Live, par exemple, propose un vrai suivi avec des journées organisées pour rencontrer des recruteurs qui mènent à des embauches. Le véritable problème c’est qu’il n’y a pas d’outils de mesure ou d’études qui permettent d’estimer l’action de ces cabinets, on est dans un flou artistique en la matière. » Un avis partagé par Bénédicte Cesso, coordinatrice régionale Ile-de-France de l’Adresse Emploi des Etudiants et Jeunes Diplômés (Afij) : « Ces cabinets font la même chose que nous, sauf qu’ils font payer leurs services », déplore-t-elle.

Des sommes importantes dépensées.
 « Les entreprises consacrent des sommes importantes avec ces cabinets au lieu de les investir dans le suivi de leurs travailleurs handicapés », regrette Véronique Bustreel de l’APF. De plus, elles ont la possibilité d’imputer sur leurs accords d’entreprise ou de déduire de leur contribution à l’Agefiph les frais engagés avec ces cabinets. Interrogée à ce sujet, ERDF n’a pas souhaité répondre précisément. Impossible de savoir si leur partenariat avec le cabinet Objectif Avenir leur permet de réduire leur contribution à l’Agefiph. Dans ce domaine, l’opacité en matière de frais engagés et de résultats concrets d’embauche reste de mise.


Pauline Hammé
,
étudiante en journalisme au Celsa,
novembre 2011.

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