L’article 45 de la loi 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, oblige chaque autorité compétente pour l’organisation du transport public à élaborer d’ici le 11 février 2008 « un schéma directeur d’accessibilité des services dont ils sont responsables ». Un vaste chantier confié à des Autorités Organisatrices de Transport (A.O.T) livrées à elles-mêmes. Interrogé sur la réalisation de ces schémas lors de la soirée de remise des Trophées Ville et Transport, le 10 décembre dernier à Paris, le Secrétaire d’État aux transports, Dominique Bussereau, avouait son ignorance sur leur avancement. Depuis, ses services n’ont apporté aucun élément de réponse. Ce n’est pas lui, mais Xavier Bertrand, ministre en charge du handicap (parmi bien d’autres tâches) qui a fait la visite de terrain, le 25 janvier dernier, en effectuant, en compagnie de Gilbert Montagné, un parcours très médiatisé dans les transports parisiens : tramway des Maréchaux, bus et R.E.R.

Combien de schémas doivent-ils être élaborés en France ? Chaque A.O.T (ville, communauté d’agglomération, département, région) doit produire le sien, mais combien sont concernées ? Là encore, le Secrétariat d’État aux transports ne sait pas combien il y a d’A.O.T en France, et ne dispose d’aucun recensement précis ! La Délégation Ministérielle à l’Accessibilité non plus. Chaque collectivité travaille apparemment « à vue »…

Côté ferroviaire, la S.N.C.F présentera le 10 février à son ministre de tutelle, Dominique Bussereau, sa proposition de schéma directeur d’accessibilité, dont aucun aspect n’est encore connu. Situation différente pour la plus importante région française en terme d’habitants, l’Ile-de-France, qui a élaboré les orientations qui déboucheront courant 2008 sur un schéma directeur d’accessibilité des transports.

Réalisé pour son A.O.T, le Syndicat des Transports d’Ile-de-France (STIF), le rapport contenant ces orientations sera examiné par son Conseil d’administration le 14 février. Le ton est donné par la couverture du rapport : une photographie montrant une personne en fauteuil roulant poussée pour entrer dans un bus. De fait, le STIF pérennise l’accessibilité avec aide dans le ferroviaire R.E.R et Transilien. Il constate « une grande disparité en matière d’accessibilité entre les différents modes de transport et entre les différents territoires franciliens [et] en matière d’accessibilité aux transports selon le type de handicap des usagers ». L’effort d’accessibilité ne portera que sur les gares fréquentées quotidiennement par plus de 2.500 personnes venant prendre un train (entrants, en terme technique).

La partie transports contient trois scénarios : accessibilité généralisée du réseau retenu, accessibilité sur une partie du réseau, accessibilité généralisée mais réduite à certains handicaps. Le premier comporte l’accessibilité de toutes les gares R.E.R et Transilien (266 retenues), de 54 stations de métro, de la totalité des arrêts de bus et des véhicules pour un investissement estimé entre 2 et 2,6 milliards d’euros. Le second ramène l’accessibilité à 240 gares R.E.R et Transilien, 29 stations de métro et 50% du réseau bus (1,4 à 2 milliards d’euros d’investissements). Le troisième est une variante du second et avec un investissement identique.

La partie services comporte l’aide aux voyageurs, leur information et le service de substitution aux lignes et arrêts inaccessibles; deux scénarios sont là encore proposés, mais pas chiffrés. L’accessibilité sans aide n’est pas envisagée, dans le réseau ferroviaire, avant 2025; un service de transport à la demande devrait, dès 2011, conduire les usagers vers la gare adaptée la plus proche de leur domicile. A la même date, un service d’accompagnement humain (également sur réservation préalable) devrait pallier l’absence d’aides techniques aux personnes déficientes visuelles ou intellectuelles. Une complémentarité avec les services de transport spécialisés porte-à-porte est envisagée dans le cadre d’une centrale de mobilité orientant le voyageur vers la solution la mieux adaptée à ses besoins. Le rapport, qui évalue à plus du tiers la population handicapée employant les transports publics, estime qu’il apporte à l’A.O.T, à la Région, aux exploitants, « le bénéfice politique d’une solution gagnant-gagnant ». Le STIF choisira bientôt le scénario qui sera traduit en schéma directeur d’accessibilité.

En régions. La Rochelle (Charente-Maritime) est la première communauté d’agglomération à avoir élaboré son schéma d’accessibilité des transports, avec deux ans d’avance, aboutissement d’une démarche longuement murie. « Dès 2000, explique le conseiller municipal Patrick Larrible, après la création de la délégation aux personnes en situation de handicap l’année précédente, les problèmes d’accessibilité aux transports ont été mis en évidence par les groupes de travail. On a introduit une annexe dans le Plan de Déplacement Urbain, contenant les bonnes pratiques de voirie piétonne élaborées en concertation avec les associations. En 2003, on a saisi l’occasion de l’Année Européenne des Personnes Handicapées pour un temps fort sur les transports et les déplacements, contenant un diagnostic précis. On a commencé à travailler sur un schéma directeur de mise en accessibilité, puis la loi de 2005 nous a conforté dans cette démarche et on a calqué notre schéma sur les obligations de la loi. C’est pour cela que La Rochelle est bien en avance ». L’agglomération rochelaise compte actuellement 60% de points d’arrêts et deux-tiers d’autobus accessibles; Patrick Larrible vise une accessibilité totale à l’horizon 2015, incluant arrêts, véhicules, système d’information, billettique, tout en maintenant un service de transport à la demande pour les personnes non autonomes.

La situation rochelaise est quasiment unique en France, même si d’autres collectivités étudient activement leur schéma directeur. Évreux (Eure) travaille sur un diagnostic d’accessibilité effectué par un bénévole de l’Association des Paralysés de France; l’agglomération, qui vise 100% d’accessibilité, sait qu’elle devra traiter 350 arrêts. Actuellement, la moitié de ses autobus est accessible, le reste du parc sera renouvelé dans les 6 ans, avec système d’annonce visuelle et sonore. Mais l’absence de budget pour la réalisation du diagnostic d’accessibilité (le bénévole parvient difficilement à se faire rembourser ses frais !) hypothèque la volonté de la communauté d’agglomération qui veut agir à coût minimum.

Contexte plus confortable à Montbéliard (Doubs) où la communauté d’agglomération a confié son diagnostic à un bureau d’études. Sur 720 points d’arrêts, l’accessibilité d’une centaine est déjà traitée. Les nouveaux bus sont équipés de palette et agenouillement, ils représentent 30% du parc. La communauté d’agglomération s’oriente vers une solution mixte privilégiant le transport accessible à la demande pour les secteurs ruraux (une quinzaine de villages); elle a organisé durant l’automne 2007 une journée test tous handicaps, pour identifier les problèmes à régler.

À Bordeaux (Gironde), la phase de concertation associative venait tout juste d’être engagée en décembre 2007, l’élaboration du schéma d’accessibilité des transports risque d’être tardive. Il devra définir combien de points d’arrêt, sur les 3.500 de l’agglomération, devront faire l’objet d’aménagements, la volonté de l’exploitant (privé) étant de parvenir à une accessibilité intégrale d’un réseau qui ne comporte pratiquement pas de secteurs ruraux. Un exploitant qui joue actuellement la carte de la complémentarité (ou « intermodalité ») entre les lignes de bus et tramways accessibles et le service de transport spécialisé : les clients sont pris en charge à partir de points d’arrêts de lignes accessibles quand cela est possible. Cette intermodalité pourrait figurer dans le schéma d’accessibilité.

Enfin, à Beauvais (Oise), érigée au rang de ville-pilote de l’accessibilité en 2003, la communauté d’agglomération a réuni pour la première fois en septembre 2007 la commission d’accessibilité instituée par la loi du 11 février 2005, qui a adopté le 2 octobre la délibération nécessaire au lancement du diagnostic indispensable à l’élaboration du schéma directeur d’accessibilité des transports. « Dans un premier temps, explique Jean-Pierre Mancel, directeur des transports au sein de la Communauté d’agglomération du Beauvaisis, nous voulons réaliser l’aménagement des points d’arrêt. Ensuite, la continuité de l’accessibilité des cheminements vers les points d’arrêt sera traitée ». Si, comme le concède Jean-Pierre Mancel, la réalisation de ce schéma directeur avait été un peu oubliée, la communauté d’agglomération entend être au rendez-vous de février 2008 : « On est optimiste, conclut-il, on pense qu’en 2015 l’ensemble du réseau de transports collectifs sera effectivement accessible ».

Laurent Lejard, février 2008.

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