Gilles de Robien, Maire d’Amiens et influent conseiller régional de Picardie, était Ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer quand il demanda à son amie Maire de Beauvais, Caroline Cayeux, que la ville qu’elle dirigeait depuis 2001 devienne un « laboratoire en vraie grandeur » des adaptations utiles aux personnes handicapées. Depuis ce 28 novembre 2002, la ville natale de Jeanne Hachette a développé une politique d’intégration des personnes handicapées dont nous avions présenté les premières actions en décembre 2003. Un chargé de mission Handicap a été récemment nommé pour coordonner les actions en cours. « L’accessibilité et l’intégration, c’est très difficile, complexe, transversal », constate Claire Beuil, adjointe au Maire chargée de la santé et des personnes handicapées. La Commission communale pour l’accessibilité instituée par la loi du 11 février 2005 sera créée en 2007, opérationnelle au plus tard en septembre; elle sera doublée, au sein de la Communauté d’agglomération du Beauvaisis, d’une commission transports. Une autre commission existe déjà dans le domaine du logement, pour traiter avec les bailleurs le cas des locataires qui ont besoin d’adapter leur logement après la survenue d’un handicap; une dizaine de dossiers sont solutionnés chaque année, avec la volonté de maintenir les habitants dans leur quartier lorsqu’ils le demandent.

La ville a travaillé sur ses propres finances, sans apport des Conseils Régional et Général, ni de l’Etat. La Délégation Ministérielle à l’Accessibilité a toutefois contribué à l’étude technique concernant 150 commerces de proximité. Leur mise en accessibilité a été traitée dans le cadre de financements Etat (FISAC) et Union Européenne (FEDER); elle concerne, pour 90% des commerces, l’entrée dans le magasin. En quartier piéton, de nombreux seuils infranchissables sans aide subsistent, même au terme de rénovations récentes, ce qui agace Caroline Cayeux lorsqu’elle le constate en passant devant l’officine d’un pharmacien « qui proteste pour tout et n’importe quoi ». Une opération d’équipement de rampes mobiles ou escamotables d’une demi-douzaine de commerces a également été lancée à l’initiative de l’afficheur Insert. L’une des rampes escamotables fournies à un commerce de tabac-presse, place Jeanne Hachette, est déjà hors d’usage, mal adaptée au passage fréquent. Les nombreuses places de stationnement réservé, dont celles qui ont été créées à proximité du domicile de personnes handicapées, sont actuellement revues sous l’angle de la sécurité et certaines, considérées comme potentiellement dangereuses, seront déplacées. La voirie est modernisée progressivement, une douzaine de traversées piétonnes sécurisées TOV ont été installées, une innovation restée locale.

Côté loisirs, l’offre s’étoffe régulièrement. Par exemple, l’asociation Beauvaisis Rando Loisirs dispose désormais de joëlettes, speedy-bike et handbike qui sont loués à prix modiques; les randonneurs découvrent le patrimoine local, la faune et la flore lors de balades commentées ou contées, par les 250 kms de sentiers balisés dans les 31 communes environnantes, à travers un paysage de bocage légèrement vallonné. Un tandem est disponible pour les aveugles, pour parcourir les 500 kms de pistes V.T.T; pour l’apprentissage, et les personnes qui ont besoin d’être rassurées, un tandem à trois roues est en cours d’évaluation et pourrait prochainement rejoindre le parc matériel. Le plan d’eau du Canada propose par ailleurs des activités nautiques adaptées : baignade surveillée sur une plage de sable à faible dénivelé en juillet-aout avec mise à disposition d’un fauteuil Hippocampe et d’un Tiralo, toilettes et douches adaptées, voilier bi-place Néo 495 pour une pratique accompagnée. « Nous sommes à l’origine de la création de ce bateau, confie Didier Brune, directeur de la base nautique. Nous cherchions un petit voilier utilisable par une personne handicapée accompagnée ou devant être aidée, et cela n’existait pas. Un chantier languedocien le construit ». Didier Brune va prochainement effectuer des essais d’adaptation de coques-sièges afin d’améliorer le confort et la stabilité assise du navigateur, et prévenir le risque d’escarres. L’accessibilité des deux bassins, natation et ludique, du complexe aquatique qui ouvrira en juillet 2007 sera assurée, mais probablement pas celle des toboggans, ce qui aurait certainement constitué une première nationale. La base nautique devrait accueillir une section handisport en cours de création au sein du club d’aviron, à l’image de nombreuses autres activités sportives telle le rugby à 13, la pétanque, l’escrime qui comportent leur secteur adapté.

En face, la Ferme de la Mie du Roy est en cours de transformation en centre d’éducation à l’écologie et au développement durable, là encore l’accessibilité est prévue pour une ouverture au printemps 2007. Le plan d’eau du Canada et la Ferme sont desservis depuis le centre-ville par l’un des 10 autobus et minibus accessibles du réseau urbain. Pour les distinguer, ils sont de couleur différente, bleu foncé, une idée simple et très pratique. Une de ces idées qui ne coutent rien mais qui auraient pu être popularisées au travers de l’opération « ville-laboratoire de l’accessibilité » : « Beauvais intervient dans le cadre de l’agenda 21, précise Claire Beuil, lors de colloques sur l’idée du ‘vivre ensemble’ et du cout marginal de réalisation lorsque l’accessibilité est intégrée au départ. Mais nos actions n’ont pas eu d’effet attractif ni suscité de visites de municipalités. Il a fallu que nous portions la bonne parole. Beauvais est identifiée comme une référence en matière de handicap, mais on ne vient pas voir les réalisations spontanément ».

Beauvais a rejoint un autre programme-pilote, la prévention de l’obésité, qu’elle développe dans les écoles en utilisant sa cuisine centrale, « Unité de Production Culinaire » dirigée par un ancien chef du Crillon et de la Tour d’Argent, Jean-Pierre Guinez; il met son savoir-faire et ses 3.500 recettes au service d’une restauration pédagogique, diététique et diversifiée, privilégiant les produits frais, et s’interdisant de proposer deux fois le même plat durant la même année. Les enfants qui ont des besoins spécifiques sont accueillis dans le cadre d’un Projet d’Accueil Individualisé. Dans chaque quartier de la ville, au moins une école est entièrement accessible; dans les autres, les rez-de-chaussée ont été traités. La ville accueille en crèche, en liaison avec le Centre d’Action Médico-Sociale Précoce, les enfants handicapés jusqu’à l’âge d’entrée au primaire, et elle poursuit son financement des emplois d’Auxiliaires de Vie Scolaire lorsque l’Inspection Académique ne peut le faire du fait de crédits d’Etat insuffisants en regard des besoins.

travaux devant la cathédrale de Beauvais.

Le Conseil Général se lance quant à lui dans la labellisation Tourisme et Handicap, en subventionnant les travaux nécessaires; Beauvais sera concernée pour la Cathédrale et la Maladrerie. Cette dernière, construite au XIIIe siècle en-dehors de la ville, est en chantier pour devenir à l’horizon 2009 un équipement culturel avec salle de spectacle de 400 places. Dès avril 2007, la première tranche des travaux de réfection de la voirie du secteur Cathédrale sera achevée; les rangées d’arbres ont été enlevées pour laisser place à une vaste esplanade en pavé plats, garantis sans obstacle selon le directeur des Espaces Publics à la ville de Beauvais, Marcel Rodriguez. Contrairement aux prévisions de 2003, l’Etat a accepté d’accompagner l’opération en mettant en accessibilité la Galerie Nationale de la Tapisserie : une rampe longera le bâtiment sur la gauche, dans lequel un élévateur fauteuil roulant sera installé. Face à lui, les vestiges de l’église Saint-Barthélemy ont été dégagés et mis en valeur, un cheminement avec rampe pour y pénétrer sont en cours de réalisation. Une seconde tranche de travaux sera ensuite enclenchée autour de la Cathédrale, avec déplacement de l’accès fauteuil roulant. Ce chantier devrait s’achever en 2009, le temps pour le Conseil Général de décider si le Musée Départemental dont il est propriétaire et gestionnaire deviendra le seul monument culturel inaccessible dans le quartier…

Quatre années après, Beauvais « laboratoire de l’accessibilité » a su mettre en place une politique d’accessibilité dès la conception et d’intégration des personnes handicapées. Une politique que la municipalité veut poursuivre au-delà de l’action expérimentale, même si la transférabilité des réalisations et des actions demeure le point faible d’une initiative voulue par un ministre picard qui semble l’avoir oubliée aussitôt qu’il l’eut décidée !

Laurent Lejard, décembre 2006.


27 février 2007 : droit de réponse.
 Alain Inzelrac, constructeur naval et dirigeant du chantier Coques en Stock, nous a adressé le droit de réponse suivant, suite aux affirmations de Didier Brune dans l’article ci-avant : « J’annonce l’entière Paternité du Voilier Neo 495, il a nécessité 3.500 heures de travail, de mise au point, de ténacité, et d’investissement personnel, afin de créer un vrai voilier accessible à tous […] Deux ans d’études et de recherches ont été nécessaires pour concevoir le Néo 495. Le plan de carène, dessiné par l’architecte Gregory Pelard, date de Mars 2003 et nous a permis de construire le prototype dés Avril 2003 […] Le premier Néo 495 a navigué pendant l’été 2004. Le modèle et le nom déposé auprès de l’INPI en Juin 2004 par Alain Inzelrac, avant sa première présentation lors du Salon Autonomic de Paris en juin 2004 […] Monsieur Brune n’est intervenu en aucune manière dans l’idée et la conception du voilier Néo 495 ». Didier Brune, contacté par nos soins, n’a pas, pour sa part, souhaité réagir. Notons également que Coques en Stock assure l’importation française du monocoque australien biplace côte à côte Access Dinghy commercialisé depuis 1997. Alain Inzelrac n’a pas souhaité préciser depuis combien d’années il assurait la distribution de ce voilier dont le concept est identique au Néo 495 dont il revendique la paternité.

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