Depuis nombre d’années, le Sénateur U.D.F des Yvelines, Nicolas About, déploie une grande ardeur sur les questions liées au handicap, et plus précisément celles qui touchent aux ressources des personnes handicapées. Le 13 mai 2003, il avait déposé au Sénat un projet de loi qui comportait, entre autres dispositions, la suppression de l’Allocation Adulte Handicapé (lire cet éditorial). Cette proposition ne fut pas mise à l’ordre du jour de la Haute Assemblée, tout en alimentant le débat parlementaire lors de l’examen du projet gouvernemental de loi d’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, de 2003 à 2005. Gouvernement et Parlementaires choisirent, en fin de compte, de ne pas modifier les conditions d’octroi de l’A.A.H et de ne lui apporter que quelques évolutions mineures : cumul très partiel avec un salaire, réforme du complément de 16%, augmentation du reste à vivre.

Actuellement, environ 770.000 personnes perçoivent une A.A.H et son devenir est à nouveau mis sur la sellette par le Sénat. Un avant-projet de proposition de loi concernant les minima sociaux a été présenté mi-avril à la presse, et doit être soumis aux associations. Considéré comme un simple document de travail, il n’a pas été déposé sur le bureau du Sénat et n’est pas publié. Dans son état actuel, il aligne le régime des pensions d’invalidité (perçues par 550.000 personnes) sur celui de l’A.A.H (montant minimal, compléments, avantages connexes). Diverses dispositions visent à réduire les effets de seuil qui entraînent la perte d’un avantage social ou fiscal dès que l’on dépasse le plafond de ressources, situation fréquente lors d’une prise d’emploi et la perception d’un salaire. Ce texte est l’un des éléments d’une politique que l’on appelle « activation » (terme politiquement correct pour décrire un retour contraint au travail) et qui a fait florès dans d’autres pays d’Europe. Son autre objectif est de réduire l’impact financier des avantages sociaux et fiscaux consentis par l’État et les Collectivités locales.

Pour autant, le texte ne comporte pas de révolution en matière d’attribution et de calcul de l’A.A.H. Les débats récents ont néanmoins démontré l’utilité de la faire évoluer : prise en compte des seuls revenus du bénéficiaire alors qu’actuellement ceux du conjoint (ou assimilé) sont comptabilisés, et cumul plus important avec un salaire (actuellement il n’est que de 150€ maximum cumulable avec le SMIC), entre autres propositions formulées. « L’A.A.H est à part dans le système des minima sociaux, concède le Sénateur Nicolas About. On va voir si le gouvernement accepte de discuter du sujet. Le Sénat s’emploiera à faire avancer la réflexion ». Une réduction des dépenses des Collectivités locales en faveur des bénéficiaires de minima sociaux est escomptée grâce à cette future loi « d’activation » qui ne dit pas son nom. Mais dans l’esprit de Nicolas About, il n’est pas encore question d’étendre le texte à une modification des conditions d’attribution et de calcul de l’A.A.H.

Des associations attentives.
 « On est circonspect lorsqu’il s’agit de traiter l’A.A.H comme les autres minima sociaux, remarque Laurent Cocquebert, Directeur Général de l’Unapei. Il existe un risque de la tirer vers le bas. On est assez méfiant à propos de l’avant-projet sénatorial, cette démarche est assez bizarre quelques mois après la loi de février 2005 ». Laurent Cocquebert apprécie néanmoins la proposition d’aligner le minimum invalidité sur l’A.A.H; il espère que les barrières d’âge et la révision des ressources prise en compte pour calculer l’allocation seront traitées : « L’Unapei veut être prudente, poursuit-il, on est passé près de la suppression de l’A.A.H. On pose une condition de principe pour une réforme : qu’il n’y ait pas de perdants ».

« La Fédération Nationale des Accidentés du Travail et Handicapés n’est pas choquée par l’idée selon laquelle il faut réinterroger le dispositif des minima sociaux selon leur destination, déclare Arnauld de Broca, Animateur de la politique revendicative de la FNATH. On voit bien par exemple les incohérences lorsqu’on compare le minimum invalidité et l’A.A.H, qu’on se place sur le terrain des montants, des conditions d’attribution de la prestation ou de son traitement socio fiscal ». La FNATH n’est pas isolée dans sa demande de réforme : « L’exclusion de l’A.A.H d’une réforme des minima sociaux, estime Marcel Nuss, président de la Coordination handicap et Autonomie, va dans le sens de l’exclamation de Vincent Mahé [Directeur de Cabinet du ministre chargé des personnes handicapées N.D.L.R] : ‘pas question de réformer l’A.A.H, nous l’avons fait l’année dernière !’. Soit. […] Nous voulons une concertation en vue d’une réforme qui fera de l’A.A.H un revenu d’existence cumulable et imposable, comme au Luxembourg depuis 2003, où elle est niveau du SMIC local. Et nous ne transigerons pas. C’est une question de dignité, de citoyenneté et de justice ».

Le Comité National pour la Promotion Sociale des Aveugles et Amblyopes (C.N.P.S.A.A), qui fédère les associations nationales de déficients visuels, est partisan de réserver aux personnes reconnues dans l’incapacité de travailler une A.A.H égale à 80% du SMIC : « Les prestations sociales ne doivent pas décourager de travailler, estime son Secrétaire Général, Philippe Chazal. Mais on ne peut donner 80% du SMIC à tout le monde ». Il reconnaît toutefois légitime le choix de ne pas travailler et de vivre des allocations, du fait d’un faible écart entre le SMIC net et l’A.A.H.

Reste à connaître l’opinion de quelques poids lourds du secteur associatif : l’Association des Paralysés de France, l’Association Française contre les Myopathies et la Fédération APAJH ont trouvé urgent de réserver leur réponse…

Laurent Lejard, mai 2006.

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