Depuis le 1er janvier 2006, les dispositions concernant l’emploi dans la loi d’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, sont entrées en vigueur. Et leur mise en oeuvre est d’une complexité rare : les mécanismes de majoration et de minoration, accompagnés de procédures administratives lourdes, rendent difficilement lisible la nouvelle réglementation.

Théoriquement, chaque travailleur handicapé compte pour un emploi au titre de l’obligation, les coefficients de majoration en fonction de la lourdeur du handicap (classement en catégories A, B ou C effectué par les Cotorep) ou de la situation professionnelle sont supprimés. Toutefois, une notion de lourdeur du handicap est introduite, reposant sur des critères objectifs et selon une procédure rigoureuse : cette lourdeur est appréciée par le médecin du travail après aménagement optimal du poste de travail (ou en fonction desdits aménagements à réaliser dans un délai d’un an). Le Directeur départemental du travail donne son accord si les charges induites par le handicap atteignent ou dépassent 20% du SMIC. En cas de décision favorable, l’employeur pourra choisir entre une aide financière ou la réduction de son éventuelle contribution à l’Agefiph, durant trois ans. Mais la procédure devra être renouvelée au terme de cette période, et sans délai si le salarié change de poste de travail; cette dernière condition pourrait peser sur l’évolution professionnelle des salariés reconnus « lourdement handicapés ».

Cette disposition est complétée par un système complexe de coefficients minorant le quota d’emploi de l’entreprise : incitation à l’embauche de salariés de moins de 26 ans, de plus de 50 ans, d’un chômeur de longue durée, d’un travailleur issu d’une entreprise adaptée ou du milieu protégé, etc. Si l’effectif servant à calculer l’obligation d’emploi n’est plus expurgé des catégories d’emploi exigeant des conditions d’aptitude particulières (pompiers, dockers, chauffeurs poids lourds, etc.), une minoration est appliquée au quota des entreprises qui les emploient. La contribution versée à l’Agefiph est également réduite en cas d’actions internes de maintien dans l’emploi de salariés devenus handicapés.

Mais ces coefficients ne permettent pas de s’exonérer complètement de la contribution Agefiph: l’entreprise est soumise à un versement minimal, 50 fois le taux horaire du SMIC par emploi manquant (40 fois pour celles qui emploient plus 80% de travailleurs relevant de catégories professionnelles exigeant des conditions d’aptitude particulières). Quant à la comptabilisation, dans l’obligation d’emploi, du travail fourni en sous-traitance par des entreprises adaptées, centres d’aide par le travail ou de distribution de travail à domicile, elle est revalorisée d’un tiers mais demeure plafonnée à 50% du quota d’emploi.

La déclaration annuelle que doit établir chaque entreprise est basée sur l’effectif employé le 1er janvier de l’année écoulée, alors que la réglementation précédente se calait sur la situation au 31 décembre. Cela veut dire que les efforts de recrutement, les contrats de sous-traitance, les décisions de minoration du quota ne produiront d’effets que deux ans après leur réalisation. Exemple : la déclaration 2007 portera sur l’effectif 2005 et si l’entreprise embauche en février 2006 un salarié lourdement handicapé, elle ne bénéficiera d’une réduction éventuelle de sa contribution Agefiph qu’en 2008.

Cet édifice complexe connaît une faille d’importance résultant d’une erreur de rédaction de la loi telle qu’elle figure dans l’Article L323-3 Code du Travail : « Bénéficient de l’obligation d’emploi […] Les travailleurs reconnus handicapés par la commission technique d’orientation et de reclassement professionnel mentionnée à l’article L. 146-9 du code de l’action sociale et des familles ». Or, ladite Cotorep est supprimée depuis le 31 décembre 2005, et le législateur n’a pas inclus, dans cet article du Code du Travail, une référence explicite à la commission qui la remplace.

Ce qui veut dire que les travailleurs reconnus handicapés par la nouvelle Commission des Droits et de l’Autonomie pourraient ne être comptabilisés au titre de l’obligation d’emploi ! Une complication de plus dans une règlementation difficilement compréhensible qui fait douter de la réalisation de l’objectif affiché : améliorer l’emploi des travailleurs handicapés.

Laurent Lejard, mars 2006.

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