Trois associations nationales (APF, AFM, GIHP) ont dressé, le 30 janvier 2003, ce que l’on peut appeler un bilan d’étape de cet embryon de guichet unique que sont les sites Vie Autonomes. Ces « sites » ont pour but de définir les aides techniques nécessaires en fonction du besoin de la personne et de ses conditions de vie, et d’accéder plus rapidement aux différents financements possibles. Un fonds complémentaire, abondé par l’Etat, est également disponible. La volonté était de réduire l’aspect « parcours du combattant » que constitue encore le financement des aides techniques ou humaines nécessaires à la vie à domicile.

Une lente genèse. L’idée d’un guichet unique du handicap dans chaque département remonte au moins à 1989. René Teulade, alors Ministre des affaires sociales, proposait de créer dans chaque région ou département une équipe de réadaptation labellisée pour évaluer les besoins en aides techniques ou humaines ainsi qu’en accessibilité du cadre de vie. Huit ans plus tard, la Ministre de la Santé Simone Veil lance une expérimentation partielle en Isère, Loire, Morbihan et Saône et Loire. Son successeur, Bernard Kouchner, confie en 1997 à Maryvonne Lyazid une mission d’étude qui débouche sur un rapport qui fait encore référence : il définit un droit à compensation fonctionnelle du handicap et une politique de prise en charge sociale des matériels, aménagements et personnels nécessaires à la vie à domicile. Le premier ministre de l’époque, Lionel Jospin, reprend en partie les propositions du rapport Lyazid en annonçant le 25 janvier 2000 la généralisation, dans tous les départements français, du dispositif Vie Autonome d’ici à la fin de l’année 2003.

Acteurs et moyens. Peut-on dire que la charrue a été mise avant les boeufs? Ce qui est certain, c’est que les sites Vie Autonome ont été lancés avant d’être institués par la Loi: le gouvernement Jospin avait renvoyé la définition d’un cadre réglementaire au débat sur la réforme de la loi d’orientation du 30 juin 1975. Dans l’intervalle, les sites existant devaient se satisfaire de l’étiquette « action expérimentale » sous l’égide d’une circulaire ministérielle. Un autre gouvernement est actuellement en place: il a repris le dispositif à son compte et doit en parachever le déploiement d’ici à la fin de l’année 2003. Il a également renvoyé à une future loi la définition de la base légale des sites Vie Autonome.

En théorie, chaque site doit comporter un Comité technique de suivi (CTS), un « Pilote », une Equipe technique labellisée (ETEL), une commission des financeurs et une caisse pivot. Le CTS comporte un représentant de chaque administration, financeur, association, service de soins concernés par les personnes handicapées. Le Pilote est la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales, qui peut « sous- traiter » à une structure locale (association, Cicat, Mutualité, etc.). L’ETEL est composée de professionnels médico- technico- sociaux : c’est elle qui gère la demande de la personne handicapée, définit ses besoins, préconise des solutions techniques, propose un plan de financement à la Commission des Financeurs. Cette dernière doit regrouper l’ensemble des organismes pouvant contribuer : Etat, collectivités locales, assurance- maladie, Agefiph, etc. Elle gère une Caisse pivot abondée par l’Etat entre 76.000 et 228.000 euros annuels en fonction de la population du département concerné et les organismes financeurs (Conseil Général, CPAM, CCAS, Agefiph, etc.) qui contribue au financement des matériels et aménagements.

Des carences à compenser. Simplifier et financer les aides techniques et humaines était l’objectif : en pratique, les associations réunies le 30 janvier 2003 ont dressé un constat de carence. 28% des départements français disposaient, en novembre 2002, d’un dispositif Vie Autonome en fonctionnement. « La procédure de saisine du site Vie Autonome n’est pas claire, nous dit Jean- Claude Cunin de l’AFM; on ne sait pas ce que l’on trouve derrière quand on pousse la porte. Nous voulions un guichet unique, nous n’avons qu’un dispositif limité aux aides techniques et à l’aménagement du logement, sans réel financement, que ce soit pour les équipes techniques ou pour l’achat de matériels par les bénéficiaires ». En effet, dans l’attente d’une future loi, aucune disposition n’oblige les participants à la Commission des Financeurs à alimenter la Caisse pivot. De fortes disparités départementales ont été relevées : 26 commissions existent, mais seuls 6 départements ont mis en place une caisse pivot. De fait, les organismes financeurs veulent généralement conserver leurs prérogatives et décider souverainement de l’octroi de subsides aux personnes. Le dispositif Vie Autonome n’apporte donc que peu de moyens supplémentaires, le fonctionnement de chaque structure n’étant assuré par l’Etat qu’à hauteur de 152.000 euros. L’évaluation et la définition personnalisée des besoins risquent de prendre du temps, générant un délai administratif conséquent.

Les ETEL, pour effectuer une préconisation pertinente, ont besoin de s’adjoindre la compétence occasionnelle de spécialistes pouvant étudier des situations de handicap très spécifiques. Les différents acteurs doivent également apprendre à travailler ensemble en s’affranchissant de leurs habitudes et « culture » associative ou administrative: en Ardèche, par exemple, l’un des financeurs veut vérifier lui- même l’évaluation réalisée par l’ETEL; dans les Bouches- du- Rhône le dossier unique rassemble en fait la masse de l’ensemble des dossiers de chaque financeur; long délai entre la décision et le versement de l’aide dans les Hautes- Pyrénées…

Sur le papier, le dispositif Vie Autonome contribue à l’amélioration des conditions de vie à domicile des personnes handicapées. Confronté à la bureaucratie, aux réticences et aux égoïsmes, son développement et son efficacité nécessitent, pour ne pas être une formalité de plus, une législation contraignante et des moyens financiers conséquents. Figureront- ils dans la future réforme de la loi d’orientation ?

Laurent Lejard, février 2003


Note : Les départements dotés au 10/12/02 d’un site Vie autonome en fonctionnement sont le: 02, 04, 05, 07, 13, 14, 17, 19, 21, 22, 25, 26, 28, 30, 33, 34, 37, 38, 42, 43, 44, 46, 54, 56, 58, 59, 63, 65, 67, 70, 71, 72, 79, 80, 81, 83, 84, 89, 91, 92, 95 ainsi que la Guadeloupe et la Réunion (source: Secrétariat d’Etat aux Personnes Handicapées). Pour contacter le site Vie autonome de votre département, adressez- vous à la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales (DDASS).

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