Les personnes handicapées ont fait l’objet de nombreuses enquêtes et évaluations de caractère disparate et parcellaire : questionnaires, grilles d’analyse et interprétations varient d’une initiative à l’autre. Il n’existait pas de tableau précis des personnes handicapées en France jusqu’à la récente publication de l’enquête Handicap Invalidité Dépendance (HID) demandée à l’Insee (Institut National de la Statistique et des Études Économiques). Sa mission consiste à fournir des données de cadrage couvrant toute la population française (à l’exception notable des Départements d’Outre- Mer). Durant quatre années, ses enquêteurs ont interviewé 35.000 personnes handicapées, dont 15.000 vivent en institutions. Ces dernières ont fait l’objet d’une étude spécifique publiée en octobre 2000 dans Insee Première (document téléchargeable au format PDF) et dont nous avions présenté une synthèse dans un précédent Focus. Un volet consacré aux prisons a été publié en juin 2002 (Insee Première 854, document téléchargeable au format PDF).

Des besoins quantifiables.
 Ces données sont des résultats bruts provenant du recensement de la population française et de son enquête Vie quotidienne et santé (VQS) portant sur 400.000 personnes de laquelle a été extrait l’échantillon de population HID. La méthode suivie autorise un taux élevé de fiabilité dans l’interprétation des résultats qui demeurent un état statistique à un moment donné. Ils ont toutefois de multiples applications et une large portée. Ils permettent aux chercheurs de déterminer des populations précises et d’effectuer des croisements d’informations : par exemple, classer les revenus des ménages comportant au moins une personne handicapée par rapport à la catégorie socioprofessionnelle et à l’âge, comparer avec les ménages de valides, mesurer et interpréter les écarts afin de vérifier s’ils engendrent des inégalités. En clair, vérifier ce qui est affirmé par les individus : les personnes handicapées vivant seules ou en couple ont des revenus inférieurs à la norme du fait de leurs déficiences et des dépenses supplémentaires que ces dernières occasionnent. Les besoins en aides techniques sont également mieux cernables : plus de 195.000 personnes utilisent un fauteuil roulant manuel, les distributeurs peuvent quantifier les produits nécessaires au marché intérieur, la Sécurité Sociale et les autres organismes peuvent budgéter les prises en charge.

L’enquête HID a coûté plus de 9 millions d’euros, couverts aux deux- tiers par l’Insee. Le complément a été fourni par l’Etat, la Sécurité Sociale, des assurances et mutuelles, des caisses de retraite, l’Agefiph et l’Association des Paralysés de France. Un seul département, l’Hérault, a financé une extension de l’enquête. Les autres Conseils Généraux, sollicités par l’Insee, n’ont pas voulu financer l’étude qui aurait permis d’apprécier sur leur territoire l’ampleur des besoins, alors que la politique gouvernementale s’oriente vers une plus grande décentralisation. Les départements, qui financent déjà l’Allocation Compensatrice Tierce Personne et l’Allocation Personnalisée d’Autonomie, seront mis davantage à contribution pour couvrir le droit à compensation et la prise en charge des aides humaines et techniques, mais ils seront en grande difficulté d’évaluer les besoins.

Une population vaste et diverse. L’approche est analytique : elle consiste à déterminer les conséquences d’une situation précise. Elle part des maladies et traumatismes, qui engendrent des déficiences, qui génèrent des incapacités, qui occasionnent des désavantages (ou situations de handicap). Par exemple, une maladie virale fait perdre la vue ce qui empêche de distinguer les couleurs et rend impossible la pratique de la peinture figurative. Ou bien un accident entraîne une paralysie des jambes qui interdit de franchir un escalier et empêche de travailler dans un immeuble sans ascenseur. Ou encore une anomalie génétique génère une surdité de naissance qui entraîne une difficulté d’apprentissage du français et empêche d’accéder à l’enseignement. Les maladies et pathologies sont soignées, les déficiences sont traitées par des prothèses, les incapacités sont compensées par des aides techniques ou humaines, les désavantages par des adaptations sociales et des mises en accessibilité.

Près de douze millions de personnes vivent en France en subissant une ou plusieurs déficiences pouvant occasionner une gêne dans leurs activités quotidiennes : 3.398.126 déficients intellectuels ou mentaux, 3.085.944 handicapés moteurs, 2.321.288 troubles du métabolisme, 1.199.141 déficients auditifs, 855.796 déficients visuels, 195.175 troubles de la parole, 907.844 autres déficiences. Bien évidemment, une même personne peut cumuler plusieurs handicaps et les chiffres ci- dessus ne mentionnent que les individus qui n’en ont déclaré qu’un seul. Parmi cette population, 533.280 personnes ont besoin d’aide pour les actes élémentaires de la vie : 118.506 sont confinées au lit ou au fauteuil, 414.774 ne peuvent sans aide faire leur toilette ou s’habiller, 269.656 ne peuvent se servir à boire, 114.747 ne peuvent manger sans aide. Peut- on alors considérer que le besoin en aide humaine de ces personnes représente environ deux millions d’employés à domicile à raison de quatre salariés par personne handicapée dépendante ?

2.357.460 personnes ont obtenu une reconnaissance de leur handicap. Les personnes handicapées des deux jambes sont 1.073.974 et 68.918 à l’être des quatre membres. 51.688 sont complètement aveugles, 97.634 sont sourdes totales, 195.268 personnes se déplacent sur un fauteuil roulant manuel (la part du fauteuil électrique est inférieure à 10% de ce chiffre), 40.202 au moyen d’une canne blanche et 1.803.358 emploient des béquilles ou une canne.

Il convient toutefois de regarder certains résultats avec prudence : si 528.372 personnes déclarent connaître la Langue des Signes Française, elles sont 114.649 à la pratiquer. En fait, les répondants sont au nombre de 99 à déclarer « je connais la LSF » et 84 à dire « je comprends la LSF mais je ne l’utilise pas ». En ce qui concerne le Braille, 42 personnes l’ont appris, 18 le lisent, 20 l’écrivent. Ramenés à l’ensemble de la population française, ces réponses représentent 17.229 pratiquants du Braille. « Il ne faut pas faire dire à l’enquête HID ce qu’elle n’est pas » précise l’un de ses réalisateurs, Pierre Mormiche. « L’Insee n’est pas un spécialiste du handicap, notre enquête a permis d’établir une base de données et le travail sur le fichier servira à sortir des résultats : c’est la tâche des chercheurs ». La balle est désormais dans leur camp.

Laurent Lejard, octobre 2002


Les tableaux de résultats ont été publiés dans Insee Résultats n°6 de septembre 2002 (13,80 euros). Plus de renseignements sur le site Internet de l’Insee et sur celui du Réseau fédératif de recherche sur le Handicap.

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