En l’espace de quelques jours, trois faits ont scandalisé l’opinion. D’abord, en région parisienne, l’expulsion d’une dame de 94 ans de la maison de retraite pour personnes handicapées dépendantes où elle résidait. Confronté à un litige et une dette importante, le directeur de l’établissement a employé la manière forte pour contraindre les enfants de cette pensionnaire, qui n’acquittaient plus les frais élevés qui leur étaient facturés. Le directeur a commandé un transport sanitaire en ordonnant à l’ambulancier de laisser la vieille dame au domicile de l’un des fils ou, s’il n’y avait personne, de la déposer au plus proche hôpital. Un véritable coup fourré, monté pour liquider un conflit en se débarrassant, comme d’un rebut, de la personne qui en était l’otage et la victime.

Ensuite, dans le pays basque, une élève de cinq ans est retirée de la cantine scolaire par une agent de police municipale requise par le maire du bourg. Là encore, une dette est à l’origine d’un acte qui a traumatisé la fillette et ses camarades, qui se demandaient pourquoi on l’emmenait en prison ! L’impayé de 170€ de frais de cantine résulte de la mésentente des parents en instance de divorce. Pour régler l’affaire, un élu du peuple a sciemment décidé de frapper l’enfant, otage et victime de ce conflit.

Enfin, en Haute-Garonne (mais est-ce vraiment la fin de cette terrible série ?) une dame aveugle et malentendante âgée de 83 ans s’est retrouvée sans chauffage au début d’une vague de froid, le gaz ayant été coupé par un distributeur qui a recalculé la consommation et la facture d’un coup : 3.000m³ que l’abonnée ne peut évidemment payer. Un employé est néanmoins venu, le 8 janvier, exécuter cet ordre sans autre forme de procès.

L'(in)humain est au coeur de ces trois affaires, et conduit à s’interroger sur le tour violent que prend la société française. A chaque fois, les personnes les plus faibles et vulnérables sont attaquées par des « décideurs » forts de leur bon droit. Lesquels mandatent des exécutants qui font, sans sourciller et surtout sans réfléchir, ce qu’on leur demande, tels de bons petits soldats. Aucun refus d’obéir à un ordre inique, nulle rébellion : il faut que l’ordre règne et que les factures soient payées, fût-ce par la contrainte, un point c’est tout. Ces faits ne sont hélas pas inédits mais ils se sont produits en l’espace de moins d’une semaine. Et ils témoignent de la recrudescence d’une violence sociale extrême qui remet en mémoire les pages les plus sombres de l’Histoire de notre pays. Les forts écrasent les faibles en employant à cette fin des personnes qui peuvent, dans la relation privée, être de « braves gens » mais sont tellement pressurés professionnellement qu’ils en arrivent à perdre toute humanité, là même où ils devraient résister.

Laurent Lejard, janvier 2013.

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