La Fédération Française de l’Accessibilité (FFA) a récemment été sollicitée par Média’Pi au sujet de la lettre ouverte de la Fédération Nationale des Sourds de France (FNSF) et de l’Association française des interprètes et traducteurs en langue des signes (AFILS) concernant le développement du métier d’interprète français/Langue des Signes Française.
Question : En septembre 2022, vous avez été reçu au Comité interministériel du handicap. Est-ce dans le cadre de l’action « plan métier interprètes » ? Quelles sont vos inquiétudes ? Quelles sont vos propositions ?
FFA : La Fédération Française de l’Accessibilité a été reçue par plusieurs ministères, tous concernés par l’accessibilité téléphonique. L’objet de ces rendez-vous était de présenter la FFA, de partager notre diagnostic sur la situation actuelle de l’accessibilité téléphonique et nos propositions d’évolution. Une de nos propositions est le plan métiers des interprètes en langue des signes. Les membres de la FFA n’ont pas d’inquiétudes, le Gouvernement a fait une loi en 2016 entrée en application en 2018, cette loi a créé de nouveaux besoins d’interprétation et malheureusement aucune partie prenante au niveau du législateur ou des associations ne se sont interrogées sur les ressources nécessaires pour répondre à ces nouveaux besoins. La FFA créée début 2022 est une fédération professionnelle, à ce titre, comme toute fédération professionnelle (bâtiment, métallurgie, assurance…), il est de sa responsabilité de définir les formations adaptées aux besoins des bénéficiaires et du marché.
Question : Savez-vous que le Gouvernement souhaite abaisser le niveau d’études des interprètes ?
FFA : A notre connaissance, le Gouvernement n’a pas émis de proposition sur la formation des interprètes en langue des signes. En revanche, la FFA a rédigé un plan métier qui vise à augmenter structurellement le nombre d’interprètes en langue des signes diplômés tout en densifiant les programmes de formation, notamment au niveau de la visio-interprétation.
Question : Quel est votre avis sur l’abaissement de ce niveau d’études ?
FFA : Actuellement en France, le seul diplôme pour exercer en tant qu’interprète en langue des signes est le master interprète français/langue des signes française de conférence. Nous sommes le seul pays européen dans ce cas de figure. Même les USA, dont certains souhaitent s’inspirer, dispensent des formations équivalentes à un BTS ou une licence suivant les Etats. Aucune formation au métier d’interprète en langue des signes n’existe en France entre le bac et l’entrée en master. Nous avons trop peu de candidats à la formation et trop peu d’étudiants formés pour répondre aux besoins de communication des citoyens sourds et malentendants français. La FFA propose de créer une formation dès la sortie du bac, sur une durée de trois ans et de renforcer le master sur les prestations dites « spécialisées » (santé, justice, professionnels). C’est le choix fait par les pays européens à l’exception de la France, notamment depuis 30 ans en Angleterre où ils ont à ce jour 1.090 interprètes diplômés alors que nous en avons à peine 450. De cette manière, nous souhaitons renforcer le niveau de la formation afin que cela réponde aux besoins des entreprises et des personnes sourdes, l’idée étant de faire, comme en Angleterre, un niveau « médecin généraliste » et un niveau « médecin spécialiste », comme dans cet exemple les deux niveaux correspondent à de réelle expertises reconnues. Personne, à notre connaissance, ne souhaite donc abaisser le niveau d’étude contrairement à ce que certains véhiculent comme information, il s’agit de compléter le cursus pour enfin avoir une attractivité plus grande et une passerelle, inexistante aujourd’hui, entre le bac et le master.
Question : Quel est votre avis sur la lettre ouverte de la FNSF et l’AFLIS ?
FFA : La FFA n’a pas d’avis sur la lettre ouverte, nous sommes dans un processus qui engage les acteurs concernés, le Gouvernement, les universités et les écoles avec qui nous travaillons à l’élaboration du plan métier des interprètes en langue des signes. Sans animosité de notre part, la légitimité des signataires de la lettre, pourtant concernés, interroge puisque, sur ce sujet, aucun n’a contribué à améliorer la situation des personnes sourdes en France depuis plus de 20 ans. En conséquence, nous sommes le 29e pays européen en nombre d’interprètes par habitants, derrière l’Ukraine, et nous disposons de 5 fois moins d’interprètes par habitants que les USA ! En résumé, beaucoup souhaitent s’inspirer des Etats-Unis qu’ils considèrent comme un exemple à suivre, alors que le niveau de formation exigé pour les interprètes en langue des signes est BTS ou licence et qu’ils disposent de 5 fois plus d’interprètes par habitant. Notre organisation a comme seule ambition d’atteindre très rapidement, il y a urgence, le niveau d’accessibilité de nos voisins européens, puis de le dépasser pour tendre vers le niveau des Etats-Unis mais avec une formation des interprètes d’un niveau nettement supérieur.