Maman, je t’aime grand !, dans ce récit le médecin hospitalier Roselyne Baudoin, mère d’un enfant vivant avec des troubles autistiques, Andréa, relate le vécu familial et ses chamboulements quand les troubles du comportement du petit l’ont conduit à entrer dans un parcours diagnostique complexe. A force de consultations et prises en charge, Andréa qui est dans sa 8e année s’est socialisé, poursuit une scolarité à l’école primaire ordinaire et vit presque comme tous les autres enfants.

Question : Comme beaucoup de parents, vous avez dû patienter pour obtenir un diagnostic des troubles vécus par votre fils Andréa ?

Roselyne et Andrea

Roselyne Baudoin : Un an d’attente ! Ça fait peur. La période diagnostique est toujours compliquée, pour tous les parents. Cette pathologie est émergente, dans un contexte de retard français de sa connaissance par les médecins généralistes. Pour les parents, ce sont des alertes, des rendez-vous qui traînent, des mauvaises orientations, et parfois tout refaire. Aujourd’hui il y a un peu de mieux avec les Plateformes de coordination et d’orientation (PCO) locales pour orienter vers les centres de référence. Il y a encore les délais, mais ça va mieux ; dans les 6 mois les parents devraient maintenant avoir un diagnostic.

Question : Vous avez dû renoncer à travailler à temps-plein pour vous occuper d’Andréa…

Roselyne Baudoin : Je travaille actuellement à 80%, en consacrant deux après-midi par semaine pour les prises en charge. Il va mieux, avec moins de prises en charge. Il nous reste à travailler, entre autres, sur la relation frère-soeur. Sur ce sujet, beaucoup de choses sont faites à partir des 8 ans de l’enfant parce qu’ils peuvent comprendre, mais elle n’en a que 5 et elle est en difficulté. On n’a pas toujours le mode d’emploi pour éviter ou gérer une crise d’Andréa, qui survient pour des détails ou une interaction sociale. Ça restera notre lot, même s’il n’est plus déficitaire, est scolarisé, avec parfois des interactions sociales difficiles.

Question : Comment se passe la relation avec sa soeur ?

Roselyne Baudoin : Sa petite soeur avait deux ans quand il a été diagnostiqué. Il la laissait tranquille, et même si elle vivait dans les cris, la fratrie n’était pas un problème. Quand il a eu 4 ans, il a joué avec les jeux de sa soeur parce qu’ils les découvraient ensemble. Mais à 5 et 7 ans, ils sont censés jouer ensemble, mais cela reste difficile. Elle est un peu comme une petite maman pour lui, alors que lui n’a aucune empathie, il se défoule sur elle, et elle a peu de marge de manœuvre. Elle voit une psychologue familiale, qui l’aide, mais je pense qu’elle est trop petite pour intégrer un groupe.

Question : Andréa a évolué vers une ouverture aux autres et une socialisation; le quotidien familial s’est apaisé ?

Roselyne Baudoin : La lourdeur reste la même, parce que l’autisme en tant que trouble du neuro-développement touche à beaucoup de choses, la motricité, l’alimentation, les interactions sociales. Il faut éliminer d’autres diagnostics ou des pathologies associées : des troubles du sommeil, une surdité, etc. Les professionnels ne sont pas toujours d’accord. Les centres ressources autisme (CRA) apportent leur aide, mais ils sont souvent débordés et surtout réservés aux cas complexes

Question : Vous êtes médecin diabétologue en hôpital, pourtant vous exposez dans ce livre votre découverte d’une pathologie que vous ne connaissiez pas. Quel était votre état d’esprit ?

Roselyne Baudoin : J’étais désemparée. Dans la formation des six premières années d’études de médecine, on a peu d’heures consacrées à ces troubles, et après on se spécialise. Je ne fais que de l’endocrinologie et du diabète. Aujourd’hui, les généralistes doivent faire des formations parce qu’on évoquait peu l’autisme dans le cursus, et pour mon fils les troubles n’étaient pas très sévères. On pouvait penser à des séquelles de prématurité, qu’il était colérique, même avec ses troubles alimentaires. Parfois certains enfants prennent leurs temps, aussi. Et mon quotidien de travail est auprès d’adultes.

Question : Votre couple a résisté aux premières années de troubles; comment cela s’est-il passé ?

Couverture du livre Maman, je t'aime grand

Roselyne Baudoin : La vie de couple, c’est compliqué avec des enfants. C’est plus compliqué encore avec un enfant autiste. Dans notre cas, jusqu’à ses trois ans où toucher Andréa était difficile, on s’est encouragé à le faire, et en fait il est assez affectueux. On a eu trois années de colères incessantes, et pas de quatrième ! On s’est posé la question de savoir si on saurait l’aimer. Oui, il y a de l’amour, et parfois de l’électricité quand il nous mène à bout de patience. C’est fatigant de devoir gérer son fils, ses proches, le regard des gens dans la rue.

Question : C’est ce que vous avez voulu transmettre dans votre récit si détaillé ?

Roselyne Baudoin : Ce récit, je l’ai écrit parce qu’il manquait des livres optimistes. Ce qui nous a porté avec mon mari, c’est de partager notre histoire avec d’autres parents, et on a cherché des partages avec d’autres. Les livres étant sur des parcours anciens, les récits étaient plus rudes, ardus. C’était important de partager notre histoire, et de montrer que ça va mieux aujourd’hui. Mon fils reste mon fils, la relation reste, il est joyeux et a de l’humour. Ce qui nous manque, c’est le mode d’emploi universel.

Laurent Lejard, février 2022.

Maman, je t’aime grand !, Chroniques d’un enfant autiste, par Roselyne Baudoin, éditions Panthéon, 18,90€ chez l’éditeur et en librairies.

Partagez !