« On parle de plein de maladies mais pas de celle-là : 10p15.14« . Les parents ont vécu les plus grandes difficultés pour obtenir un diagnostic au terme de près de six années d’errance. « Clélia a été détectée pour la surdité à sa naissance, à trois mois on savait qu’elle était sourde et on l’a élevé comme une enfant sourde profonde. Puis en maternelle, des enseignants ont évoqué des réactions bizarres : elle a subi des tests pendant quatre ans, on lui a tout fait, neuropédiatre, tests de quotient intellectuel à 5 ans, puis de l’autisme, de l’épilepsie par encéphalogramme nocturne, prise de sang et analyse du génome, et découverte de la monosomie 10p l’an dernier. » Une errance diagnostique qui a succédé à des interventions sur les oreilles de Clélia avec multiples anesthésies, et un déficit en calcium rendant ses dents très fragiles occasionnant là encore une intervention en chirurgie dentaire avec anesthésie un mois avant une autre pour les oreilles. Avec ces six pathologies complexes, surdité, trouble neurodéveloppemental, retard de langage, déficit attentionnel, hyperactivité et kératocône, la vie de la fillette a conduit sa maman à crier : « pourquoi Clélia ? » Et elle l’a fait de la plus belle façon, en chantant ce cri sur une musique composée par son mari. Un clip à voir sur YouTube et qui préfigure un album sur lequel le couple travaille.

Tous deux sont musiciens professionnels, ils enseignent, animent des soirées privées sur un répertoire des années 30 à nos jours pour des mariages, des entreprises : « Ca préserve. Quand on a décidé de chanter notre fille, depuis 7 ans on avait rien créé du tout. Ca prend de jolies proportions, avec un premier reportage sur le web de France 3. On parle du handicap, mais ça reste tabou, je le vois quand je code avec ma fille. » C’est en effet avec le Langage Parlé Complété que les parents communiquent verbalement avec Clélia, ce qui peut étonner et perturber des gens qui ne le connaissent pas. « On a un grand qui a 11 ans, il a beaucoup de mal avec le regard des autres sur sa soeur. »

La famille vit dans le cadre agréable d’une maison avec un jardin. « Clélia est en vie, et normalement elle ne va pas mourir, elle est une enfant de 7 ans très vivante. On a eu de la chance, elle a été scolarisée dans une école privée pendant 3 ans à Toulouse. Mais on a acheté une maison dans un village, à Seysses [à une vingtaine de kilomètres au sud] et là, ça c’est mal passé, elle ne voulait plus y aller : il y avait 30 élèves dans la classe, une ATSEM et une AVS. Une inspectrice a proposé une classe Ulis proche, à Plaisance-du-Touch, avec 13 élèves, qui a plus ou moins bien fonctionné parce que Clélia a des difficultés avec les apprentissages abstraits : maths, histoire, etc. Elle ne comprend pas. Pourtant elle lit, compte en anglais, mais en photographiant, elle ne peut remettre en contexte ou expliquer. Son quotient intellectuel est normal, ce sont les liaisons cognitives qui ne fonctionnent pas. » Actuellement, la famille recherche un établissement sensoriel. « C’est une jungle administrative : j’ai reçu de la Maison Départementale des Personnes Handicapées, juste avant le confinement, un document demandant de fournir une preuve de surdité ! J’avais demandé une AVS individuelle pour l’Ulis, j’ai fait un recours gracieux avec convocation fin juillet dernier, on y est allé, notre fille a montré son plus beau visage, les assistantes sociales nous ont dit ‘c’est important de rencontrer les familles parce qu’en les voyant on comprend. » C’était la première fois que la famille était reçue par la Commission des Droits et de l’Autonomie de la MDPH.

Au lieu d’endurcir et enfermer la famille, le handicap de Clélia l’a davantage ouvert aux autres. « Avant ma fille, je côtoyais des gens sans savoir qu’ils avaient des soucis de santé, et depuis je l’ai découvert, ce qui crée des solidarités. On était à la fois entourés et très seuls, sans participer à un groupe de parole, on n’avait pas tellement envie. J’ai eu un déclic pendant des vacances par une amie qui ne parvenait plus à articuler, sa fille a une maladie neurodégénérative, j’ai fait appel à la psy du centre. Elle est toute seule. Alors on veut faire passer le message que beaucoup d’enfants et de parents sont dans la même situation. J’aimerais que les gens qui se sentent tout seuls sachent qu’ils ne le sont pas. »

Propos recueillis par Laurent Lejard, juin 2020.

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