Depuis juin dernier, Arnaud Bovin et Magali Hanot agissent publiquement pour que leur petite Juliette, née Infirme Motrice Cérébrale, puisse entrer normalement au Cours Préparatoire de l’école de Blangy-sur-Bresle, en Seine-Maritime. Echaudés par les péripéties qui ont ponctué les deux années d’école maternelle de leur enfant, ils ont pris les devants et ont finalement arraché, six jours avant la rentrée, que Juliette puisse faire « sa » rentrée comme les autres enfants, avec l’appui d’une AVS. Parce qu’ils ont mobilisé la presse locale, et que France 3 avait demandé à l’administration de l’Education Nationale l’autorisation de filmer la rentrée de Juliette dont la mère aurait servi d’AVS « de substitution ». Arnaud et Magali expliquaient tout cela récemment sur un blog du Huffington Post:

« Atteinte d’infirmité motrice cérébrale, Juliette aura-t-elle droit à une rentrée scolaire comme les autres? Depuis 2 ans, Juliette, petite fille en fauteuil roulant, est scolarisée en maternelle à Blangy-sur-Bresle, non sans difficultés administratives, mais vu son énergie, sa joie de vivre et son envie d’avancer, pas question de baisser les bras ! Le 1er septembre approche et toujours aucune certitude que Juliette aura à ses côtés l’AVS indispensable à sa scolarisation! »

« Le bilan de ces 2 années? Sur le plan de l’intégration, de l’apprentissage et de la sociabilisation : 10/10. En revanche, côté administratif, complications, tentatives de découragement et respect de la législation : 0/10. En 2 petites années de maternelle, nous avons déjà mené trop de combats, bien plus qu’en rencontreront les parents d’enfants ‘ordinaires’, qui feront un Bac+5! »

« Votre enfant va bien, vous souhaitez l’inscrire en maternelle, pas de problème. Pour Juliette c’est différent, il faut une AVS pour l’aider, alors pour commencer il faut une notification de la Maison Départementale des Personnes Handicapées pour que l’Education Nationale recrute une AVS, et là, première surprise ! La MDPH accorde 12 heures d’AVS ! Un mi-temps ! Pourquoi ? Parce qu’ils connaissent Juliette ? Et bien non, ils ne l’ont jamais vu, pas de concertation, ni d’échanges, c’est juste arbitraire ! Peut-être pense-t-on que c’est suffisant pour un enfant handicapé ? »

« Nous avons donc pris contact avec l’enseignante référente, en poste à ce moment-là, concernant le recrutement de l’AVS et nous avons rapidement compris que le recrutement aurait lieu après la rentrée scolaire ! Peut-être pense-t-on qu’il n’est pas important de faire la rentrée en même temps que les autres pour un enfant handicapé ? Nous nous sommes donc battus pour que l’AVS soit recrutée avant les vacances et qu’elle soit présente dès la rentrée. »

« Quelques mois après la rentrée, comme la scolarisation se passait très bien et que 12h ne suffisaient pas, l’ESS (Equipe de suivi de scolarisation) a décidé que Juliette devait aller à l’école à temps plein (24h), mais il fallait normalement attendre au minimum 4 mois pour que le dossier de Juliette soit étudié ! Concrètement, l’AVS était présente 20h/semaine (contrat CUI), sans avoir le droit de travailler plus de 12h avec Juliette ! Logique ! Et encore une bataille, où il a finalement fallu l’intervention de notre députée pour régler cette absurdité ! »

« Mais 20h, ce n’est pas 24h et pour les 4h restantes, après une multitude d’entretiens téléphoniques, nous avons dû écrire un courrier qui nous a valu une convocation de l’inspecteur de circonscription, qui nous a exposé que 20h d’AVS suffisaient et que les 4h restantes étaient pour apprendre l’autonomie ! Immobile dans un fauteuil roulant qu’elle ne peut pas déplacer seule, avec des bras et des mains qu’elle ne maitrise pas ! Peut-être pense-t-on qu’il faut apprendre la frustration dès le plus jeune âge à un enfant handicapé ? »

« Alors nous lui avons demandé comment il pouvait défendre cela, alors que TOUS les membres de l’ESS (directrice, institutrice, AVS, enseignante référente et nous) étions d’accord pour une scolarisation à temps plein, avec une AVS ? Il nous a répondu avec autorité que cela serait 20h point barre, ‘c’est pour tout le monde pareil !’ Sauf que la loi du 11 février 2005 ne prévoit pas les choses ainsi, et 24h c’est bien 24h ! Nous nous sommes quittés en fin de matinée en lui promettant une convocation devant le tribunal, et comme par magie, on nous rappelait l’après-midi même pour nous confirmer qu’une seconde AVS serait présente pour 4h. »

« Et pour finir la maternelle, vous apprenez que l’AVS qui travaille avec Juliette est en fin de contrat, et qu’elle ne peut pas continuer parce qu’elle n’a pas les formations nécessaires ! Alors que fait-elle là depuis 2 ans ? De qui se moque-t-on une nouvelle fois ? Je vous laisse deviner la réponse ? Et malgré nos nombreuses démarches, une nouvelle fois, la veille des grandes vacances, l’enseignante référente vous dit qu’elle n’a pas de nouvelles et que de toute façon elle ne peut recruter sans l’autorisation de l’Académie ! Et alors que fait-on ? Nous avons écrit à la directrice académique qui nous explique que l’AVS de Juliette n’a pas les formations demandées et que si elle souhaite continuer, elle doit postuler au poste d’AESH (Accompagnant des élèves en situation de handicap) et une commission la recevra pour voir si ces années en tant d’AVS peuvent valoir formation. Très bien, sauf que nous sommes à moins d’une semaine de la rentrée, et malgré nos demandes, pas l’ombre d’une commission ou d’une AESH formée à l’horizon ! »

« Nous avons également sollicité la Ministre chargée des personnes handicapées avec en retour une réponse équivalente sur la possibilité pour l’AVS de faire valoir ses 2 années pour continuer en tant d’AESH, et la ministre de l’Education Nationale qui nous fait une réponse équivalente mais ajoute qu’il faut croire au plein engagement du gouvernement et d’elle-même sur la situation des AVS/AESH, ainsi que sur la scolarisation des enfants en situation de handicap ! Donc 2 possibilités, soit le ministère n’a pas connaissance de la situation, soit le manque de volonté vient d’en haut ! »

« Bref, voilà où nous en sommes. En sachant que nous n’avons évoqué ici que quelques problèmes rencontrés quand votre enfant est en situation de Handicap, la liste est malheureusement si longue qu’il nous faudrait un journal tout entier pour tout évoquer, et Juliette n’a que 7 ans ! Le constat est que toutes les personnes qui ont travaillé autour de Juliette (directrices, institutrices, AVS, enseignante référente) sont de qualité et de très bonne volonté. Les difficultés viennent de ceux que vous ne voyez pas et qui décident sans connaître, bien souvent à l’encontre des décisions prisent par les personnes concernées. Alors pourquoi les décideurs ne se montrent pas et ne participent pas ? Ou tout simplement, pourquoi les personnes concernées n’ont pas le pouvoir de décision ? Ne serait-ce pas une façon de déshumaniser les décisions ? »

« Et la situation que nous vivons nous fait comprendre que le plus lourd à gérer, ce n’est pas le handicap, mais bien toutes ces complications et ces portes qu’il faut ouvrir voire défoncer. La philosophie n’est pas la bonne, et nous ne voyons pas aujourd’hui de réelle volonté de scolariser ces enfants et encore moins d’ambition pour eux ! Il faut que cela change et vite ! Nous rencontrons trop souvent des parents qui baissent les bras, découragés et humiliés par tous ces obstacles injustes et injustifiés ! De notre côté, la coupe est pleine et nous sommes déterminés à changer cela, en affrontant au grand jour ces difficultés et en encourageant les autres parents à en faire autant ! Certains en arrivent à tout casser pour qu’une loi ne soit pas votée ou pour qu’elle soit retirée ! Pour nous c’est l’inverse, les lois existent bien, mais elles ne sont pas ou mal appliquées ! Est-ce que maintenant, même pour qu’une loi soit appliquée il faut manifester ? »

« Les personnes en situation de handicap sont nombreuses dans notre pays, aussi posons-nous cette question : où sont-elles ? C’est malheureusement là le constat d’une intégration ratée qui, nous en sommes convaincus, devra naturellement passer par l’éducation ! »

Arnaud Bovin et Magali Hanot, parents de Juliette, août 2015.


La pétition en faveur du maintien d’un AVS pour Juliette est publiée sur MesOpinions.com, elle a déjà recueilli plus de 24.000 signatures.

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