« Attendre » : c’est la seule réponse actuellement formulée par les autorités aux parents du Cotentin qui voient grandir, sans solution éducative, leurs enfants et jeunes handicapés. « On voit qu’il y a des listes d’attente ! clame Chantal Lecoeur. Une cinquantaine d’enfants pour l’Institut Médico-Educatif La Glacerie près de Cherbourg, près d’une quarantaine pour celui de Saint-Lô… » Lassée des discours lénifiants des pouvoirs publics, Chantal Lecoeur a créé l’association Parents en colère avec une autre maman concernée, Catherine Gillette, et d’autres familles. « On estime à quatre ans le délai d’attente pour obtenir une place pour nos enfants, s’indigne Catherine Gillette. Les directeurs d’établissements médico-sociaux ne veulent pas communiquer sur leurs listes d’attente; on connaît celles de La Glacerie et de Saint-Lô parce que nos enfants sont directement concernés. »

Cette loi du silence s’accompagne également de propos positifs, tels ceux que le directeur de l’Agence Régionale de Santé et la Recteur de l’académie de Caen ont tenus dans La presse de la Manche le 14 octobre dernier : pour répondre à la pénurie de places en établissements d’éducation spécialisée ou ordinaire, ils ont annoncé la création d’une commission régionale dont la première tâche sera de réaliser… un guide à l’usage des familles ! « Avec 716 places en IME-Itep [Institut Educatif, Thérapeutique et Pédagogique] et 418 places en Sessad [Service d’éducation spéciale et de soins à domicile], la Manche présente un taux d’équipement supérieur à la moyenne nationale, lit-on dans cet article. Mais cela n’empêche pas l’existence de longues listes d’attente. Il faut parfois deux ans pour obtenir une place ! ». Toutes les classes et unités d’intégration scolaire (CLIS et ULIS) sont en sur-effectif, conteste Parents en colère; « 13, 14 enfants alors, que le quota maximum est de 12 enfants, dans ces classes. Par manque de places en ULIS ou en établissement, des enfants sont maintenus en CLIS. » Pour autant, ni l’ARS ni le Rectorat n’envisagent la moindre création de places ou le renforcement de l’intégration scolaire. Mais pendant ce temps, des enfants et des jeunes grandissent sans solution éducative adaptée, et même régressent.

Alors, Parents en colère dénonce : « Chaque administration a son propre schéma, le Conseil Général, la Sécurité Sociale, l’Agence Régionale de Santé. Leurs données sont différentes et ne se recoupent pas. Cela entraine des conflits entre administrations, avec d’importants aspects financiers. » La scolarisation en établissements ordinaires n’est pas mieux lotie : « Les Auxiliaires d’Intégration Scolaire ont été pratiquement tous remplacés par des Emplois Vie Scolaire sans formation, qui ont un contrat de six mois qui ne couvre pas l’année scolaire, déplore Chantal Lecoeur. Ils ne sont pas remplacés rapidement et les élèves handicapés sont sans accompagnement. Leur formation est effectuée sur le tas, par l’enseignant, en fonction de sa bonne volonté. »

« On prépare soigneusement les enfants valides à l’entrée au collège, poursuit Catherine Gillette. Ils sont conseillés, accompagnés lors de journées Portes ouvertes. Mais pour les jeunes handicapés, il n’y a rien. Logiquement, l’orientation est étudiée. Mais pour les jeunes handicapés, l’orientation se fait par défaut, pas en fonction de leurs aptitudes et de leurs souhaits, mais des places qui sont disponibles. Les Maisons Départementales des Personnes Handicapées bloquent, par manque de personnel, les orientations sont faites à la va-vite. »

Si Parents en colère évoque la situation d’autres départements, c’est parce que l’association entreprend avec ses faibles moyens de recenser les carences, étudier la réalité ailleurs en France. Tout en regardant le passé : « La situation actuelle n’est pas meilleure qu’à l’époque de la CDES [Commission Départementale de l’Éducation Spéciale, ancêtre de la MDPH], estime Chantal Lecoeur. Les moyens ne suivent pas en proportion de l’augmentation des difficultés de nos enfants. On est allé en Belgique, pour visiter six établissements qui accueillent des jeunes français. Chacun est pris en charge selon ses différences, les écoles sont à l’extérieur des lieux de vie avec coopération entre enseignants et éducateurs, les tarifs et les transports sont beaucoup moins chers, et là, la France paie. » Mais sur le territoire national, la rigueur budgétaire fait des ravages parmi des jeunes handicapés laissés pour compte et qui ne savent pas s’arrêter de grandir pour atteindre des jours meilleurs…

Laurent Lejard, octobre 2011.


Contact : Parents en colère, Place du Général-de-Gaulle 50700 Valognes. Pétition en ligne contre le manque de places : quel avenir pour nos enfants mineurs et majeurs handicapés ?

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