En France, des initiatives aussi diverses que les théories auxquelles elles se référaient ont fleuri, surtout dans les années 80. Dans la région de Lorient, la démarche était partenariale et inspirée d’un programme américain intitulé T.E.A.C.C.H. Tout a commencé en 1987 quand le trésorier de l’AIPSH (Association pour l’Insertion Professionnelle et Sociale des Handicapés) a évoqué le cas de son petit- fils autiste qui avait 16 ans et qui allait se retrouver face à un choix difficile : aller à l’hôpital psychiatrique ou rester chez ses parents. Alain Planson, directeur général de l’AIPSH, se souvient de la difficulté rencontrée à l’époque pour mettre en place une structure qui réponde au mieux à la volonté intégratrice de l’association. « Nous avons, sous la houlette de Michel Busnel Président de l’association, réuni toutes les grandes associations de handicapés. Mais toutes ont indiqué ne pas être en mesure de prendre en charge le problème de l’autisme. Il nous a fallu ensuite trouver une méthode éducative expérimentée avec succès. Nous avons retenu le concept appliqué en Belgique et en Caroline du Nord (USA) ». L’association a consulté les familles pour cerner leur demande et pour les associer au projet. Il fallait également convaincre les pouvoir publics. « Nous avons travaillé dès le début avec le CHS de Charcot (hôpital psychiatrique). Ce partenariat entre une association privée et un hôpital public est sans doute sans équivalent en France ».

Ker Héol, une première réalisation. En 1992 est inauguré un lieu d’accueil de jour. Ker Héol est située en ville à proximité de commerces et de lieux d’activités. Son directeur, André Richard, insiste sur l’importance de cette proximité. « Les jeunes adultes, dans le cadre de la sociabilisation, vont quotidiennement faire des achats. Patrice, le buraliste, s’inquiète s’il n’en voit pas un venir chercher les journaux. Une jeune fille aide tous les midis à mettre le couvert dans un restaurant scolaire. Plusieurs vont au centre social pour apprendre à faire la cuisine, c’est important dans la perspective d’une autonomie future ». Après neuf années de fonctionnement, la moitié de ceux qui sont accueillis à Ker Héol n’habitent plus chez leurs parents. « Il est réconfortant de constater que ceux qui ont usé de nombreux infirmiers psy sont aujourd’hui tranquillement installés chez eux ».

La villa Cosmao, un pas vers l’autonomie. En 1995, après la publication d’un livre blanc rédigé par des parents d’autistes, le gouvernement a décidé de financer la création de lieux de résidence pour les adultes autistes. En 1996, la villa Cosmao accueille ses premiers résidents. Cette bâtisse située dans un grand parc héberge 15 adultes. Pour faire fonctionner cette résidence 24 h sur 24 et 365 jours par an, Bernard Martin dirige une équipe pluridisciplinaire de 16 personnes. « Comme Ker Héol, nous appliquons les méthodes éducatives du programme TEACCH : structuration du temps et de l’espace grâce à des pictogrammes et d’autres outils qui fournissent à la personne autiste des repères dans l’espace et le temps. La visualisation nous permet de transmettre les informations et l’enseignement grâce aux photos, images et langage écrit ; la généralisation a pour finalité de permettre à la personne autiste d’utiliser un apprentissage dans des contextes différents et enfin la sociabilisation apprend à l’autiste le partage de temps de vie avec d’autres personnes ». Mais la liste d’attente pour être hébergé à la villa Cosmao est longue. « Notre capacité d’accueil est loin de répondre à la demande. Nous sommes assaillis d’appels comme celui de cette vieille dame qui a 80 ans, son mari 82 et qui me suppliait pour que j’accueille son fils de 40 ans ».

Le chalet, un programme d’insertion professionnelle. Ayant constaté que certains jeunes adultes avaient fait d’énormes progrès dans l’acquisition de leur autonomie, les responsables du réseau Lorientais ont décidé de mettre en place une structure d’insertion professionnelle. Le Chalet a commencé son activité en 1999. Cette expérience est financé à 98% par le programme exceptionnel de l’AGEFIPH, sept jeunes bénéficiant de cette action. Son responsable, Pierre Le Hunsec, énumère les quatre modules qui devront mener vers l’emploi : « la valorisation de la personne, la généralisation des acquis, l’évaluation et l’orientation professionnelle, l’insertion du jeune dans l’entreprise ». D’ores et déjà certains jeunes sont en stage dans des entreprises, « un est employé dans une laverie industrielle, une travaille dans une crêperie et un au parc zoologique. Par ailleurs, nous avons créé dans le Chalet une chocolaterie ». L’avenir de cette structure est incertain. « Nous cherchons activement des moyens financiers pour poursuivre notre mission pour que des jeunes autistes, et il y en a beaucoup, puissent acquérir aussi une certaine autonomie financière ».

Ici comme ailleurs le manque de moyens financiers risque de mettre en péril des structures qui semblent pourtant donner satisfaction aux autistes et à leurs familles. Les pouvoirs publics rencontrent aussi des difficultés pour mettre en place une politique cohérente. Il faudrait pour cela que les médecins et les chercheurs réussissent à mettre au point ensemble des protocoles cohérents pour proposer des programmes éducatifs et de soins aux autistes et à leurs familles.

Abder Ragui, avril 2001.

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