L’intégration scolaire des enfants aveugles et déficients visuels en milieu dit ordinaire est aujourd’hui en voie de généralisation même s’il subsiste de nombreux obstacles. Les Centres d’Etudes Sensorielles pour Déficients Visuels et Aveugles (CESDVA) ont été mis en place sur l’initiative d’acteurs locaux : associations de parents, collectivités territoriales, Commissions Départementales d’Education Spéciale (CDES), etc. Celui de Rennes existe depuis le 9 septembre 1985. Il a été créé à l’instigation de l’Association des Pupilles de l’Enseignement Public, soutenue par l’Inspection Académique et la CDES d’Ille- et- Vilaine, et accueille aujourd’hui 90 enfants âgés de 3 à 20 ans. Une équipe pluridisciplinaire d’une trentaine d’intervenants a comme objectif l’intégration scolaire en milieu ordinaire de ces enfants déficients visuels. Pour cela, des outils pédagogiques d’accompagnement spécifique ont été conçus et sont finalement aussi variés que les situations des enfants accueillis. Des instituteurs spécialisés, des psychologues, des instructeurs en locomotion, prennent en charge les enfants dans le cadre de trois services : un accompagnement des enfants scolarisés dans les établissements scolaires de Rennes, une section d’enfants scolarisés au CESDVA de la maternelle au CM2, un groupe d’une dizaine d’enfants atteints de handicaps associés qui restent dans l’établissement pour la totalité de leur parcours.

Des outils de travail adaptés. Nous avons rencontré des enfants, leurs enseignants et une des deux psychologues du Centre. Florian, Alexandre, Aurore, Marie, William et Laetitia sont les élèves de la classe de cycle 3, (CE2, CM1 et CM2). Ces élèves disposent d’outils spécifiques pour travailler : pupitres pour copier, grosses calculatrices, textes écrits en gros caractères. Ils suivent les programmes de l’Éducation Nationale et sont intégrés, dans la matière où ils sont le plus à l’aise, dans une classe de l’école publique située dans les mêmes locaux que le CESDVA. Charles- Édouard et Maxime sont scolarisés au collège Jean- Moulin à Rennes et viennent au Centre tous les jeudis pour s’initier à la dactylographie et à l’informatique. Compte tenu du caractère évolutif de son handicap, Charles- Édouard travaille soit en noir soit en Braille. Lorsqu’il rédige en braille, ses devoirs sont transcrits en noir par une traductrice. Maxime travaille en noir mais doit utiliser des monoculaires pour lire au tableau. Tous deux ont un emploi du temps plus chargé que leurs camarades de classe car chaque professeur leur accorde une heure de plus par matière pour les aider. Nathalie Abraham est une des deux psychologues de l’établissement.

Question : Comment travaillez-vous avec les familles?
Réponse : Je rencontre systématiquement les enfants une fois par trimestre. Je reçois les petits accompagnés de leurs parents. Les collégiens et lycéens viennent seuls; toutefois je fais en sorte de voir les parents une fois par an.
Q : Quels sont les problèmes que rencontrent les enfants au quotidien?
R : Il s’agit pour les jeunes enfants essentiellement de réflexions désagréables de leurs copains d’école (« serpent à lunettes », ou « choux- fleur » pour les albinos). Mon rôle est qu’ils le disent car bien souvent ils n’osent pas en parler aux parents. Pour les plus grands, il s’agit de difficultés rencontrées soit dans les relations avec un enseignant, soit avec d’autres élèves.

: Que faites-vous pour aider à résoudre ces problèmes ?
R : Étant la psychologue de l’enfant, je n’interviens pas directement dans l’établissement où il est scolarisé. Ce sont mes collègues enseignants, orthoptistes, etc. qui vont dans la classe et proposent une information qui comporte un jeu de rôles avec bandeau et port de lunettes pour une mise en situation. En général, ça suffit. Sinon, nous proposons soit un changement d’école, soit le retour provisoire de l’enfant au Centre. La décision finale est prise par les parents.
Q : Comment les parents vivent-ils le handicap de leur enfant ?
R : Ils ont deux types de réactions : le refus du handicap qui peut aller jusqu’à la mise en danger de l’enfant (le laisser traverser la rue tout seul, ne pas accepter les lunettes ou la canne) ou la surprotection qui génère une peur permanente de l’accident. Il n’est pas rare de voir des parents qui adoptent successivement l’une et l’autre de ces attitudes. Mais notre rôle ici est bien entendu de leur apporter l’aide nécessaire.

La quinzaine de CESDVA ainsi que les autres dispositifs mis en place dans les différents départements prouvent que la scolarisation des aveugles et déficients visuels en milieu ordinaire est tout à fait possible. Elle exige néanmoins des enfants et de leurs familles un engagement important pour affronter les contraintes de l’enseignement en milieu ordinaire.

Abder Ragui, janvier 2001.

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