La rentrée commence mal, les directeurs d’école sont en grève administrative : ils estiment notamment qu’à effectif pratiquement égal avec un collège, ils n’ont pas les mêmes moyens de gérer et d’administrer leur école : ni secrétariat, ni heures de décharge pour faire la classe, ni temps de réunions… La fonction de directeur d’école a toujours été ambiguë : simples instituteurs, la petite carotte de la prime de direction et l’absence d’une réelle responsabilité n’en font pas de vrais chefs d’établissements.

La situation des écoles avec des classes spécialisées d’intégration (CLIS) n’est pas plus claire. Faut-il être formé pour s’occuper de ces classes quand on est directeur d’école ? Et combien y en a- t-il en France ? La question, dûment posée au ministère de l’Education Nationale a nécessité trois mois de délai pour trouver une réponse. Quant à savoir si ces classes sont tenues par des enseignants pourvus du diplôme requis… nous entrons apparemment là dans des secrets d’Etat ou presque.

Le flou statistique flotte sur l’état des lieux : il est bien difficile de donner des chiffres concernant l’enfance handicapée. La seule estimation connue émane de l’UNAPEI (cahiers de l’UNAPEI, Repères n°2 , 2ème édition) et date de 1996 : un peu plus de 100.000 enfants relèveraient d’une scolarisation spécialisée. Selon le Ministère de l’Education Nationale, 24.000 élèves sont intégrés dans les écoles, à temps partiel ou complet. Les collèges et lycées accueillent 16.200 adolescents. 800 collégiens sont scolarisés en Unité Pédagogique d’Intégration. Au total, tous âges, et tous cycles confondus, secteur public et privé, il y aurait 47.000 élèves dans les CLIS.

Le plan d’action présenté par Ségolène Royal le 3 février 1999, alors secrétaire d’Etat à l’Intégration Scolaire, soulignait que la scolarisation de tous les enfants et adolescents est un droit fondamental. Il nous apprenait pourtant que « globalement, on peut estimer que seul un enfant ou adolescent handicapé sur trois est actuellement scolarisé en établissement scolaire, une majorité d’entre eux l’étant dans les secteurs médico- éducatif, socio- éducatif, ou hospitalier ».

Le souci de clarté affiché par le nouveau ministre de l’Education Nationale, Jack Lang, va- t-il se concrétiser autrement que par des déclarations d’intention ? Il ne suffit pas de décréter que TOUS les élèves handicapés ont droit à une éducation scolaire pour transformer l’école en un lieu de vie capable d’accueillir dans de bonnes conditions tous les enfants et de leur permettre de développer autant que possible leurs capacités. Sur le terrain, on constate que l’état de l’intégration scolaire est extrêmement variable d’une région à une autre. Il n’y a pas encore de groupe Handiscol dans chaque département français : les inspecteurs départementaux de l’Education Nationale ont tantôt privilégié les nouvelles mesures, tantôt adopté un point de vue différent.

Que dire de ces disparités locales ? Personnel formé ou pas, présence de structures d’aide, mise en place d’auxiliaires d’intégration scolaire, aucune situation ne ressemble à une autre : on a l’impression d’un très vaste chantier en construction.

Et ici ou là on peut remarquer l’enthousiasme des associations de terrain, souvent animées par des parents, et les témoignages de quelques intégrations réussies montrent sans doute ce que toutes les familles sont en droit d’attendre : « Mon fils est sourd et a des problèmes de comportement assez importants – associés ou non à la surdité, personne n’a pu nous le dire », raconte une mère de famille. « Les médecins que nous avons vus nous ont dit qu’il avait des réactions autistiques, avant ET après la découverte de la surdité. Les personnes de la CLIS m’ont semblé des ‘extraterrestres’ tellement leur discours était différent. Ils m’ont parlé des comportements de Nicolas, en donnant le plus souvent une ‘explication’ et il n’ont pas regardé mon fils comme une curiosité. Ils ont su voir, derrière ce comportement quelque fois affolant, les capacités de cet enfant. Mon Nicolas a fait des progrès énormes depuis. Il n’allait à la CLIS que deux matinées par semaine. Puis, le temps de prise en charge s’est étendu à une journée et demi. Et je viens d’apprendre que l’orthophoniste et la psychomotricienne veulent encore rallonger ce temps. Que demander de plus ? Sachant que c’est sa toute première année de scolarisation, je commence vraiment à croire que je peux espérer maintenant »…


Bernard Béville
, octobre 2000.

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