Psychothérapeute de profession, exerçant en hôpital psychiatrique, Maudy est engagée dans le milieu associatif pour faire entendre la voix des femmes. Elle anime le Forum des femmes déficientes visuelles, qui organise notamment chaque année un colloque réunissant professionnels et femmes aveugles ou malvoyantes. Pour débattre de leur place et de leur rôle dans la société, esquisser des avenirs, définir des propositions pour une amélioration des leurs conditions de vie.

Pour arriver à ce résultat, le parcours de Maudy a été douloureux. Une rétinite pigmentaire altère sa vue depuis l’enfance: à huit ans, on lui diagnostiquait une forte myopie tout en mettant sur le compte d’une trop grande distraction enfantine et d’un manque d’attention ses troubles connexes de la vue. C’est à l’âge de 17 ans que la rétinite pigmentaire est identifiée. Son handicap visuel a été mal vécu par sa famille. C’est une maladie génétique que son père, médecin, perçoit comme une tare. Maudy n’aura de cesse de nier son handicap, en le masquant avec ruse et intelligence, en prenant des risques insensés sur son vélo ou sur des skis, en s’engageant dans des études d’infirmière, ne pouvant entamer la médecine du fait de sa vue. « Je refuse d’être aveugle à trente ans! » affirme- t- elle. Las, elle ne peut pas piquer des veines qu’elle a grand peine à voir. Et les gens lui demandent pourquoi elle se cogne partout !

Un passage vers la kinésithérapie la conduit à s’intéresser à la psychanalyse, par passion. Elle en fera son métier, s’orientant vers la psychothérapie. Elle entreprend des études qui la conduiront jusqu’au DEA de psychanalyse. Et là, tout change : à trente ans, elle prend mari, suit une analyse, fait face à sa déficience visuelle pour l’accepter. Son adhésion à Rétina France lui permet de confronter sa vie et son expérience à celles d’autres personnes, dont des femmes. Elle se retrouve, en compagnie de son époux, sur un plateau de télévision (Bas les masques, Mireille Dumas) pour débattre de la déficience visuelle avec des personnalités, dont le chanteur Gilbert Montagné. Les lettres et témoignages affluent, toutes ses inhibitions tombent, ancrant davantage l’action militante de Maudy.

Elle entre dans le milieu associatif de la cécité, un monde difficile, régenté par des hommes, peu progressistes, plutôt âgés. Parmi eux, les « perdants la vue » ont du mal à se faire entendre. Et lorsque l’on est une femme, la difficulté est plus grande encore. Maudy estime que plus il y aura d’initiative pour ses « soeurs en malvoyance », mieux ce sera, même si elle s’efforce de niveler « par le haut », de donner à réfléchir, de stimuler la pensée. Même si pour cela elle doit un peu pousser quelques hommes pour faire de la place à la cause des femmes déficientes visuelles…

Jacques Vernes, mai 2002.

PS : Maudy Piot est décédée le 25 décembre 2017, à l’âge de 76 ans.

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