A la suite de la présentation de ses collections au public lyonnais (lire le Top que nous consacrons à ce défilé), la créatrice Lucie Carrasco nous raconte son parcours et tout d’abord pourquoi elle n’a pas appris son métier dans une école…

« …Pour des raisons très « bateau » : des locaux pas accessibles; des raisons un petit peu inventées parfois. Un exemple concret : pour une école de Lyon, on m’a dit qu’il n’y avait pas d’accès, il y avait quelques marches avant l’ascenseur. Et on a vérifié : effectivement il y avait des marches mais aussi un accès par le garage et les gens étaient prêts à me porter ou à faire une rampe amovible, et une fois qu’ils se furent concertés, tout ça n’existait plus. Parce qu’ils avaient décidé de ne pas me prendre. Et je me suis retrouvé à faire confiance à des professionnels, à attendre des réponses qui tardaient à venir et qui en fait ont été négatives ».

« J’étais en classe de troisième à ce moment- là; j’avais trois ans de retard à cause de l’hospitalisation. Je suis arrivée en troisième à l’âge de 18 ans et je ne voulais pas partir dans une voie classique : seconde, première, terminale parce que je savais exactement ce que je voulais faire, je n’avais pas de temps à perdre à chercher ma voie, donc je me suis orientée directement vers la mode. Je voulais faire une formation en alternance. Dans la mode. Parce que c’est comme ça, c’est en moi, c’est ce que j’aime. J’ai commencé à dessiner lorsque j’étais hospitalisée, immobilisée, que je ne pouvais pas m’habiller comme je le voulais. J’ai commencé à dessiner tout ce que je voudrais porter en sortant. Et j’ai découvert qu’en fait ce n’était pas seulement pour m’amuser et que c’était vraiment une passion. J’ai continué, j’aime ça, j’aime rendre les femmes belles ».

« Je fais de la robe de soirée. Des modèles presque uniques : chacun a sa petite touche personnelle. J’aime ce qui est sexy, très féminin, très près du corps, la soie, le satin, l’organza, la mousseline, les matières comme ça. Je trouve qu’une femme avec des formes c’est très beau. On a des formes, il faut s’en servir ! »

« Je ne suis pas pour les mannequins complètement plates et « anorexiques ». Je trouve que des femmes avec des formes c’est beaucoup plus beau. Peut être parce que moi je n’ai pas assez de formes, parce que je fais un complexe parce que du fait de ma maladie je ne suis pas super-costaud, on va dire ! C’est peut-être ça, ou autre chose, je ne sais pas, mais je trouve que c’est beaucoup plus joli une femme pulpeuse ».

« Je ne fais pas de mode spéciale pour handicapés. Je n’adhère pas à ce concept- là. Je préfère m’adapter aux choses plutôt qu’on m’adapte des choses. Quand un vêtement est trop ample, vu que ce n’est pas beau lorsque l’on est en fauteuil roulant, eh bien je recoupe, je fais un ourlet. C’est ce que je fais pour les vêtements que je porte. Je n’ai pas encore créé pour des personnes handicapées mais ce sera selon leurs mesures. Si la personne a des déformations, j’en tiendrai compte. Mais c’est pas du « spécial handicap », c’est du sur- mesures ».

« Je travaille avec une femme qui s’appelle Fabienne Riot, qui est styliste- créatrice, qui a réalisé toute ma collection en respectant bien sûr mes idées et qui est une très grande professionnelle. Sans elle aujourd’hui il n’y aurait rien, c’est clair. Pour elle rien n’est impossible : si je lui dis telle personne veut tel vêtement, Fabienne le fait. Mais pour l’instant je n’ai encore jamais créé pour une personne handicapée, donc je m’avance peut-être un petit peu… »

« Je sais dessiner mais je mets malheureusement parfois beaucoup de temps à faire un dessin. Je dessine à la main, ça j’y tiens. Parfois je fais une silhouette, un mouvement : je me comprends mais tout le monde ne peut pas me comprendre. Fabienne me comprend tout de suite. Mais quand j’ai, par exemple, besoin de présenter un dossier dans l’urgence, je demande à une amie qui dessine à merveille de m’aider : ombres, plis… Moi, au bout d’un moment, ma main fatigue ».

Propos recueillis par Laurent Lejard, décembre 2000.

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