Élu en mars 2020 maire de ce village du Calvados après 15 années de conseiller municipal, il s’était engagé dans une période critique pour Saint-Martin-aux-Chartrains (lire sa Chronique citoyenne d’octobre 2021.) Son premier mandat de maire sera également le dernier, il a décidé de ne pas se représenter au conseil municipal lors des élections de mars 2026, d’une part pour retrouver du temps pour lui et sa famille, et pour dautres raisons qu’il expose.

Question : Comment s’est déroulé ce mandat de maire ?

Cérémonie en Mairie des noces de diamant d’un couple d’administrés en décembre 2022

Thierry De Koninck : J’ai assuré mon rôle de maire. Il y a eu beaucoup de chantiers sur la commune, qui se poursuivent. On avait un carrefour dangereux, un cabinet d’études a préconisé des travaux assez importants, on en est à peu près au quart du chantier, il sera achevé pendant le prochain mandat si le nouveau maire poursuit les travaux. Parmi la majorité de la population, je n’ai jamais eu trop de remontrances sur des choses qui ont été faites, dans l’ensemble elles ont dû convenir à peu près à tout le monde. J’ai des regrets de ne pas avoir pu faire tout ce que je souhaitais, notamment rétablir la continuité d’un chemin de randonnée qui a été accaparé par des agriculteurs, ça s’est fait beaucoup à une époque, je n’ai pas pu aller jusqu’au bout parce que le temps passe trop vite.

Question : Donc six années c’est trop court ?

Thierry De Koninck : Oui, on se rend compte que, lorsqu’on veut faire des choses assez importantes, il faut demander plusieurs devis pour comparer, ça traîne avant d’avoir des réponses. Par exemple, pour le gros chantier de sécurisation du carrefour de la commune, on doit mettre les entrepreneurs en concurrence, chacun présente ses dossiers, ses devis, il y a des délais à respecter et quand on a choisi, il faut que l’entreprise fasse son travail alors qu’elle est déjà engagée ailleurs. La moindre chose prend des mois.

Question : Ça fait partie de ce qui vous incite à quitter totalement la vie municipale ?

Inauguration d'une borne de recharge électrique en juin 2025

Thierry De Koninck : Je ne serai pas candidat, tout simplement je me suis aperçu que je n’avais pas assez délégué. Je me disais : « Je vais le faire moi-même, c’est aussi simple », mais tout ça prend du temps et j’ai mis pas mal d’activités personnelles de côté. Et puis j’ai fais mon autocritique : quand on est nouveau maire, on a plein de projets, tout feu tout flamme, et au bout de 4, 5, 6 ans l’énergie n’est plus la même qu’au début, on se fatigue. Par exemple, rappeler une entreprise dont le patron met des mois à signer son devis en disant « oui, je vous oublie pas », il faut constamment relancer, c’est usant.

Question : C’est un contexte où chacun conduit son activité sans se préoccuper de l’intérêt collectif ?

Thierry De Koninck : Une petite partie de la population croit que le maire a tous les pouvoirs, et elle se trompe vraiment. Le président du Sénat, Gérard Larcher, dit « Il faut toujours qu’il y ait un maire à portée d’engueulade », je crois que c’est un peu ça. Je ne me suis pas trop fait engueuler, sinon je pense que les trois quarts des gens vont dans le sens de la commune pour que ça tourne bien. Le dernier quart, ce sont ceux qu’on ne connaît pas, qu’on ne voit pas lors des événements, à la fête des voisins, ils vivent dans leur coin. Ce n’est pas propre à Saint-Martin, c’est pareil ailleurs. On s’aperçoit que faire bouger les gens est de plus en plus dur. On va faire l’arbre de Noël en association avec deux autres communes voisines, il faut faire du porte-à-porte pour dire « vous venez avec vos enfants, il y a des cadeaux, etc. »

Question : La commune a également été touchée par un double meurtre en janvier dernier, c’est un drame rare dans une petite commune…

Matinée de tri de bouchons pour Les Bouchons d’Amour dont Thierry De Koninck était Point Collecte

Thierry De Koninck : Ce double homicide est toujours en cours d’instruction, sur fond de trafic de drogue. Le meurtrier présumé à été arrêté après 3 jours de recherches, et la jeune femme à ses côtés n’était pas là au bon moment. On n’imagine pas que ça puisse arriver dans une petite commune comme la nôtre, ça secoue. On a réalisé qu’on n’est plus à l’abri, le trafic de drogue touche nos campagnes.

Question : On parle beaucoup de la désaffection des maires, 28% des sortants ne se représenteraient pas aux prochaines municipales. Comment comprenez-vous cela à la lumière de votre expérience ?

Thierry De Koninck : Pour beaucoup de choses, on a l’impression d’être des boîtes aux lettres. Quand ça ne tourne pas rond, on vient nous demander des comptes. Il faut avoir un ou une bonne secrétaire de mairie, ça devient de plus en plus technique, géré par informatique. On s’aperçoit qu’on a de moins en moins de pouvoir de décision, c’est décidé en haut-lieu avant. On fait appel à nous pour gérer les conflits de voisinage, les dépôts sauvages, là on se rappelle que le maire existe, ce n’est pas le meilleur côté de la fonction.

Question : Qu’est ce que vous diriez vous à des citoyens handicapés tentés de candidater aux prochaines élections municipales ?

Cérémonie de commémoration de l’armistice du 11 novembre avec remise de décorations en 2021

Thierry De Koninck : Être conseiller municipal, pourquoi pas ? Il n’y a pas plus de précautions que pour les autres. Un maire confiera à un conseiller en fauteuil roulant des tâches qu’il est capable physiquement de faire. Pour être maire, il faut se mettre d’accord avec les colistiers parce qu’il y a des choses qu’ils devront faire à sa place. Dans mon rôle de maire, je n’ai jamais été coincé par le fauteuil roulant. Quand il fallait crapahuter, ce sont d’autres élus qui me remplaçaient. Pour les réunions, heureusement l’accessibilité des bâtiments s’améliore.

Question : Pour conclure, quels enseignements tirez-vous de votre expérience de maire ?

Thierry De Koninck : C’est très enrichissant, même dans un contexte un peu spécial puisque le prédécesseur ne m’a pas transmis le flambeau. On découvre plein de choses, on comprend certains fonctionnements, on est aidé par les services de la préfecture, on suit des formations sur l’urbanisme, l’état-civil, etc. L’autre point positif, c’est la relation avec la population, à part une personne : peu après mon élection, un homme est venu en mairie voir Monsieur le Maire : « Vous l’avez en face de vous, ai-je répondu, c’est moi. – Mais vous êtes handicapé ! » je suis resté sans voix. Sinon, je n’ai jamais perçu le moindre préjugé, la moindre réflexion sur mon handicap. Au contraire, j’ai même ressenti une certaine fierté en surprenant une conversation où quelqu’un disait « Vous savez, il est maire de Saint-Martin-aux-Chartrains ! »

Propos recueillis par Laurent Lejard, décembre 2025.

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