Si Thierry De Koninck s’est engagé dans la vie publique de son village de naissance, Saint-Martin-aux-Chartrains dans le Calvados, à un quart d’heure de route de Deauville, il n’en est devenu maire que l’an dernier. « J’avais été sollicité pour devenir conseiller municipal en 95, j’ai dit OK parce que je suis un enfant de la commune. Je vis dans la maison où je suis né, à domicile. Une maison normande à colombages, aménagée dans les anciennes écuries et le logement du gardien. Elle fait 100 mètres carrés au sol, avec un étage ; j’ai fait installer en 1983 un ascenseur à manivelle, avec un contrepoids équilibré à mon poids. » Il a pu ainsi installer sa chambre à l’étage, et profiter du grenier du garage desservi par un autre ascenseur à manivelle qu’il a construit avec des poutres et un contre-poids. Marié et grand-père, son épouse l’aide au quotidien.

L'ascenseur à manivelle de la maison de Thierry De Koninck

Né en 1956, il avait étudié au lycée agricole de Saint-Pierre-sur-Dives jusqu’à ce qu’un accident de moto le rende paraplégique. Cela l’a conduit à un reclassement professionnel en électronique au CRP de Sablé-sur-Sarthe, puis il a été embauché par Moulinex comme électronicien pour ensuite dévier vers l’informatique en 1976 ; il travaillait alors près de Caen jusqu’en 2001 et la liquidation de la société du fait de sa mauvaise gestion. Thierry De Koninck a fait partie des salariés repris par SEB : « J’y ai travaillé pendant dix ans, une société bien plus rigoureuse. Je me suis toujours demandé pourquoi ils m’avaient repris : pour mes capacités ou le quota handicapé ? J’ai travaillé dans le service informatique pour tout ce qui était micro-ordinateurs : maintenance et évolution du parc. J’ai d’ailleurs évolué à la même vitesse que l’informatique, et l’arrivée d’Internet, en suivant des formations régulières pour me maintenir à niveau et progresser. » À la retraite depuis 2011, il profite de sa maison normande.

La vie locale le remet en selle

Thierry De Koninck en fauteuil roulant

Alors qu’il envisageait de raccrocher, les péripéties de la vie publique locale l’ont conduit à se représenter en 2020 : « J’étais conseiller municipal pendant plusieurs mandats, et en 2014 adjoint au maire. Aux dernières élections, le maire sortant était en désaccord avec 9 des 10 autres conseillers. Une liste dissidente est passée haut la main. Comment je me suis retrouvé maire ? Contraint et forcé pour ne pas laisser la place au maire précédent, qui venait de la Creuse et avait vendu en 2019 sa maison en estimant pouvoir gérer notre commune à distance. Il a été dégagé par la voix du peuple. Lors des derniers mois de son mandat, c’était la zizanie, il prenait les décisions lui-même contre l’avis du conseil, certains se demandaient s’il avait perdu la tête ! Il était irascible au conseil communautaire, c’est comme ça qu’on s’est dit qu’il fallait faire quelque chose. J’y suis allé alors que j’envisageais d’abandonner. » Dans ses fonctions, il est aidé par les adjoints et les conseillers : « Ils connaissent mes capacités, et je ne vais crapahuter dans les champs. »

Si Saint-Martin-aux-Chartrains est une commune rurale de 425 habitants, elle a conservé un hôtel de vacances, deux restaurants (les seuls commerces sur la commune) et quelques artisans. « Un habitant de la commune avait voulu faire construire une maison de retraite mais ses affaires étaient un peu louches. La construction est devenue un hôtel Mercure, récupéré depuis par Vacances Bleues. Il est accessible à des clients handicapés mais le propriétaire devait faire des travaux pour rester dans la franchise Mercure, dont un deuxième ascenseur et d’autres gros travaux. » Cet hôtel n’emploie toutefois aucun habitant de la commune.

Un retraité très occupé

Thierry De Koninck avec son écharpe de maire

« Je trouve que j’avais plus de temps pour des activités personnelles quand je travaillais que depuis la retraite. Et le fait d’être maire est chronophage ; hier soir, par exemple, je suis rentré à 21h, après une après-midi à la mairie. Pendant les six ans de mandat, il va falloir que je bosse ! » Son accession au mandat de maire ne semble pas avoir changé le regard porté sur lui et son handicap moteur : « Quand j’étais conseiller, je participais aux réunions, sans plus. Puis j’ai commencé à participer à des réunions techniques au syndicat intercommunal d’électrification, j’ai découvert les salles du Conseil Départemental en passant par les portes de service, puis leur mise en accessibilité. J’étais connu au niveau de l’intercommunalité, sans souci d’intégration avec les autres élus. Je n’ai pas été confronté à des situations difficiles, avec la part de maladresse des gens qui invitent à la maison alors qu’il y a cinq marches pour entrer… Je sens bien qu’on me parle en tant que maire, le fauteuil roulant disparaît presque. Même s’il y a des choses que je peux pas faire, dont la visite d’un bâtiment que la commune veut vendre et dont l’entrée est bloquée par un tas de terre pour empêcher l’intrusion. Les animaux en divagation, ce n’est pas moi qui vais courir après les vaches ! »

Thierry De Koninck n’affiche pas d’opinions partisanes dans le cadre de la gestion communale : « Dans les petites communes, on a tous notre orientation politique mais ça n’influe pas sur la gestion municipale. Le côté politique émerge dès l’intercommunalité et avec le Conseil départemental. On sent bien que beaucoup de choses sont faites au niveau du département pour suivre ses orientations politiques. Au niveau intercommunal, ça reste une gestion de bon père de famille. »

Laurent Lejard, octobre 2021.

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