En dépit de son importance dans l’histoire de la culture sourde, on sait au final peu de choses sur la vie de Ferdinand Berthier. Il est né sourd le 30 septembre 1803 à Louhans (Saône- et- Loire), d’un père chirurgien. L’enfant, d’abord placé en nourrice comme tout bébé de sa classe sociale à l’époque, est ensuite gardé dans sa famille où son père tente avec plus ou moins de succès de lui inculquer la lecture. Mais le petit Ferdinand parvient toutefois ainsi à communiquer avec son entourage. A l’âge de 8 ans, son père lui fait quitter la Bourgogne natale pour le confier à l’Institut National Saint- Jacques, fondé à Paris par l’Abbé de l’Epée. Il y réussit brillamment et y devient répétiteur, puis professeur. Avec Alphonse Lenoir, c’est la première fois en France que des sourds occupent ce poste.

En 1834, Ferdinand Berthier fonde la Société Centrale des Sourds- Muets de Paris, une autre première, destinée à informer cette population sur ses droits et ses devoirs. Il institue chaque année un banquet à la mémoire de l’Abbé de l’Epée auquel il ne cessera de rendre les honneurs tout au long de sa vie, lui érigeant des monuments à Paris et Versailles. Berthier agit également en faveur des droits des sourds- muets, afin d’améliorer les règles juridiques qui leur étaient alors appliquées. Ses actions de terrain en faveur des sourds et de leur langue lui valent la reconnaissance de son siècle : Louis- Philippe, Napoléon III et Victor Hugo lui rendent hommage.

Ce dernier lui écrit, en 1845, cette pensée fameuse : « qu’importe la surdité de l’oreille quand l’esprit entend ? La seule surdité, la vraie surdité, la surdité incurable, c’est celle de l’intelligence ». Ferdinand Berthier sera le premier sourd de naissance à être fait Chevalier de la Légion d’Honneur, en 1849. Bien que membre de la Société des Etudes Historiques et de la Société des Gens de Lettres, le titre de Censeur des études lui est refusé… pour cause de surdité : il se retire alors de l’enseignement en 1865. Son surnom de « Napoléon des sourds- muets » lui est donné à partir de 1868 pour avoir rendu accessible aux sourds le fameux Code Napoléon. Ferdinand Berthier meurt le 13 juillet 1886. Il est inhumé à Sagy, près de Louhans.

Durant la 5e conférence internationale sur l’histoire des sourds qui se tiendra à Paris, un hommage sera rendu à Ferdinand Berthier par Armand Pelletier. Sourd, fondateur à Louhans de l’association Culture et Langue des Signes Ferdinand Berthier, il travaille notamment au projet de réalisation d’un musée d’histoire et de culture des sourds. Installé au sein de l’Hôtel Dieu de Louhans, actuellement en cours de rénovation, ce musée ouvrira probablement en 2005. « Il était de notre devoir de réhabiliter ces lieux et de tirer la mémoire de cet homme de l’injuste oubli dans lequel elle s’était perdue », affirme Armand Pelletier. Conçu en hommage à Ferdinand Berthier, ce futur musée devrait y contribuer pleinement.

Jacques Vernes, juin 2003.

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