Le sous-titrage à l’intention des sourds et des malentendants concerne environ 10% des programmes des chaînes hertziennes de télévision. Celles- ci ont pourtant une obligation légale en la matière, inscrite dans la loi du 1er août 2000. La franco- allemande Arte, n’étant pas soumise à cette obligation, n’a pas de politique de sous- titrage spécifique : elle se contente de traduire des documentaires ou des films diffusés en version originale. Il ressort d’une enquête menée par Marc Renard pour la revue La Caravelle (juin 2001) que chaque chaîne a son domaine de prédilection : sur TF1 les programmes jeunesse et les fictions, pour France 2 les informations. Canal Plus propose le plus grand nombre de films sous- titrés si l’on cumule celui des traductions de version originale en langues étrangères et celui qui est spécialement conçu pour les malentendants. Paradoxalement, La Cinquième, « chaîne du savoir », ne sous- titre qu’une seule émission : l’Oeil et la main, une thématique qui évoque la vie… des sourds et malentendants.

Face à ces lacunes et à leur (lent) comblement, l’arrivée d’une chaîne de télévision dont tous les programmes seront sous- titrés apparaît comme une embellie et une incitation à la concurrence. Au pays de la sacro- sainte part de marché, gageons que les « majors », même si elles sont partenaires de TVST, en surveilleront l’évolution. Jacques- Philippe Broux, son président, estime qu’il est « plus simple [de travailler] avec les chaînes privées qu’avec les publiques. Mais beaucoup de chaînes nous aident en nous donnant parfois leurs programmes gratuitement ». Car TVST est surtout un rediffuseur de programmes produits par d’autres, avec comme avantage particulier sur ce canal d’être « lus » par ceux qui entendent mal ou pas du tout. Ses promoteurs souhaitent faire progresser la qualité du sous- titrage en employant des pictogrammes représentant des sons standards (coup de feu, téléphone, sirène de police, etc.); c’est le public qui dira si ce qu’on lui propose lui convient. Pour commencer, le texte sera incrusté dans l’image, permettant d’enregistrer le sous- titrage avec un magnétoscope traditionnel.

La chaîne produira deux magazines : l’un, « Héloïse », sera consacré au monde des sourds et présenté par une journaliste sourde en Langue des Signes Française. L’autre, hebdomadaire, sera plus axé sur des questions de vie pratique ou de société : santé, vie sociale, formation, emploi et loisirs. Lui aussi sera disponible en LSF, de même que le journal télévisé « récupéré » sur une chaîne non précisée à ce jour, et une demi- heure hebdomadaire de contes pour enfants. Ces émissions seront multidiffusées pour que vous ne puissiez pas les manquer. Une boutique de télé- achat est annoncée pour janvier prochain. On note aussi le retour remarqué des célèbres « Histoires sans paroles », ces films muets courts qui servaient jadis de bouche- trous à la télé publique. Coté curiosités, un magazine « people » et un autre consacré à la sexologie, un démarrage matinal des programmes par cinq minutes de gymnastique, les mags belges et suisses dédiés aux sourds… et même une soirée érotique chaque vendredi soir!

Un équilibre économique à trouver. Le seuil de survie, celui à partir duquel l’aventure vaut d’être continuée, est évalué entre 30 et 40.000 abonnés d’ici une quinzaine de mois. Le premier hébergeur, Canal Satellite, estime que le public intéressé par le sous- titrage des programmes est sur- représenté parmi ses abonnés. Selon Noos, qui est l’opérateur du câble sur Paris, environ 10.000 de ses clients seraient prêts à s’abonner immédiatement à TVST : des négociations sont en cours avec cet hébergeur qui semble vouloir vendre cher ce potentiel. La publicité – sous- titrée elle aussi – sera présente entre les émissions, notamment pour des produits ciblant la clientèle des sourds et malentendants. Première source de revenus, l’abonnement, obligatoire : il en coûtera 135 francs par mois, location du décodeur satellite incluse. TVST percevra la moitié du montant de l’abonnement à la chaîne soit 45 francs. Le budget étant de 15 millions de francs pour la première année, il faudrait que près de 28.000 personnes s’abonnent pour que l’équilibre financier soit assuré sans recours à la publicité. La clientèle potentielle étant estimée à 500.000 personnes malentendantes qui ne peuvent entendre la télévision même avec des aides auditives, ce sont elles qui rendront viable cette nouvelle chaîne. Le marché publicitaire, plutôt morose ces temps- ci, ne semble être que la cerise sur le gâteau : faute de ressources autres, de nombreuses chaînes du câble et du satellite sont promises à disparaître dans les prochains mois.

Visiblement, le lancement de TVST à incité les autres chaînes de télévision à diffuser des programmes sous- titrés : La Cinquième va présenter à partir du 17 novembre deux documentaire sous- titrés chaque jour. France Télévision a une obligation de présenter ainsi 1.000 heures de programmes chaque année. Le volume d’heures de sous- titrage imposé à M6 est le même, mais dans cinq ans, à atteindre par paliers : 200 heures l’an prochain, 400 en 2003, etc. Seront sous- titrés en mode Télétexte, dans un premier temps, les fictions et les dessins animés. Il n’en reste pas moins que tous les sourds et malentendants financent la télévision dite de service public à travers les impôts directs ou indirects : en retour, ils bénéficient royalement d’un dixième de télévision. Il était bien temps que ça change !

Laurent Lejard, novembre 2001

La grille des programmes de TVST et toutes les informations pratiques sont sur son site Internet : www.tvst.fr. Pour recevoir les émissions, il est nécessaire de faire installer une antenne parabolique permettant de recevoir Canal Satellite, de prendre un abonnement auprès de ce service (TVST peut être souscrite isolément), d’acquitter des frais d’entrée et de caution du décodeur. L’abonnement à TVST coûte 1.080 francs pour un an. Nous adressons tous nos remerciements à Marc Renard, de l’Association pour la Réadaptation et la Défense des Devenus Sourds et malentendants pour son aimable collaboration à la rédaction de cet article.

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