La prometteuse carrière de pâtissier de Wilfried Panatier a été fauchée en 2008 alors qu’il avait vingt ans, à cause d’un accident de plage : une grosse vague au mauvais moment… Il travaillait alors depuis deux ans dans un hôtel de luxe à Saint-Barthélemy, dans les Antilles françaises. Désormais tétraplégique, il s’est reconverti dans l’infographie, qu’il exerce à Bordeaux pour la société Grafik works qu’il a créée. Et c’est dans le cadre de la formation qu’il a suivie dans une école d’infographie qu’il a eu l’idée de créer un magazine handicap fun et décalé, Pratikable. Rapidement, la publication papier a été écartée du fait de son coût afin de créer un support Internet, avec des vidéos, des portraits, des présentations sportives ainsi que leur actualité. « Je veux mettre des exploits en avant, précise-t-il. En décomplexant le handicap. »

Son goût pour ces sports est ancré dans les activités de glisse qu’il pratiquait avant l’accident : « Je voulais parler de quelque chose qui relègue le handicap au second plan, y compris graphiquement, avec des images magnifiques, des vidéos spectaculaires. Et je me suis aperçu qu’en France on n’en parlait pas. J’espère être au début de l’histoire. J’ai des projets pour faire évoluer Pratikable avec de l’événementiel, en faire une référence sur le Web en termes d’actualité, de relais sur les riders, le matériel. » Quand il le peut, Wilfried Panatier s’essaie lui-même à certains de ses sports qu’il ne peut plus pratiquer qu’en tandem avec un pilote valide, tel le parapente.

Il exerce son activité d’infographiste sur un rythme de travail assez irrégulier, comme beaucoup de travailleurs indépendants, estimant que sa tétraplégique n’ajoute ni n’enlève rien à cette condition : « Avec l’outil informatique, je peux être complètement autonome et aussi performant qu’un autre. » S’il rencontre parfois des difficultés de déplacement, il pense que son handicap ne change pas grand-chose quand il reçoit des clients : « Je n’ai pas constaté de rejet depuis que je travaille à mon compte. Mais quand je cherchais du travail comme salarié, je n’ai eu qu’un seul entretien en huit mois de recherche d’emploi… »

Natif de Versailles (Yvelines), ses parents se sont installés à Bordeaux dès sa prime enfance, dans laquelle il est revenu après son accident pour sa rééducation et retrouver une vie normale. « La ville a pas mal changé ces quinze dernières années, apprécie-t-il. Elle est mieux accessible grâce au tramway, mais il reste des problèmes dans la vieille ville et certains quartiers. » Au quotidien, il vit avec l’allocation aux adultes handicapés minorée du montant de ses revenus professionnels, et perçoit une prestation de compensation du handicap pour ses aides humaines à domicile : « Le plus compliqué, c’est de trouver un prestataire qui me demande un tarif horaire correspondant à celui de la PCH. » Il a en effet constaté que certaines entreprises ou associations faisaient payer leurs services plus chers que le tarif pris en charge.

Son autre cheval de bataille, c’est le respect des places de stationnement réservé. Il a employé ses talents de graphiste pour créer et éditer un autocollant au message plutôt direct : « Etre abruti n’est pas un handicap, dégage de ma place ! ». « J’en ai ras-le-bol que le stationnement sauvage se soit banalisé. Alors on a diffusé les autocollants, les médias en ont parlé, j’ai constaté que les gens étaient demandeurs d’actions concrètes, j’ai reçu une cinquantaine de demandes d’autocollant. Je me rends compte qu’il y a des comportements banalisés, que des gens prennent ça pour acquis, on se fait même engueuler quand on fait une remarque. Je n’accepte pas ça. »

Propos recueillis par Laurent Lejard, janvier 2015.

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