Question : Vous présentez au festival d’Avignon Off 2014 votre premier spectacle, le one man show « En roue libre« …

Gérard Lefort : C’est mon premier spectacle, et ici c’est la première fois que je le joue en entier, 50 minutes. Au départ, j’ai fait des premières parties de comédiens célèbres en Guadeloupe.

Question : Pourquoi avoir voulu monter sur les planches ?

Gérard Lefort : J’ai fait longtemps du théâtre en amateur et j’ai, en fin de compte, créé le Groupement des Acteurs de Guadeloupe pour fédérer les comédiens amateurs et professionnels. C’est là que j’ai rencontré Bruno Messy qui allait devenir mon manager, c’est lui qui m’a poussé à monter sur les planches. Parce qu’il m’a dit « tu as tout pour réussir, t’es noir, t’es vieux, t’es handicapé » !

Question : Vieux ?

Gérard Lefort : Eh, 58 ans, je suis à la retraite ! J’ai demandé à partir en retraite de l’Education Nationale à compter du 1er septembre 2013, pour pouvoir être comédien à temps plein.

Question : Comment se passe ce premier spectacle?

Gérard Lefort : Bien, je suis très content d’être là! J’ai eu des soucis d’escarres, j’ai été hospitalisé du 15 janvier au 12 mai, quatre mois de retard par rapport à la préparation du spectacle ce qui fait que je ne l’avais jamais joué en entier avant la première du 5 juillet dernier pour démarrer Avignon!

Question : Avignon Off, c’est facile, c’est dur, comment le ressentez-vous?

Gérard Lefort : C’est un marathon. Il faut jouer tous les jours, distribuer des flyers; c’est un festival qui demande une endurance physique, et donc savoir se reposer. Je suis concentré, depuis que je suis là je ne suis quasiment au courant de rien de ce qui se passe à l’extérieur!

Question : Votre autre casquette, c’est la Fédération Internationale des Droits de la Personne Handicapée (FIDPH)…

Gérard Lefort : J’ai été président de cette fédération, qui a été créée à Montréal par des Canadiens à partir d’une cause Facebook. Elle avait pour but de faire en sorte que la convention de l’ONU soit mise en oeuvre le plus rapidement possible. Il y avait 17.000 personnes qui suivaient cette cause, et les Canadiens sont passés du virtuel au réel en créant la fédération. La première présidente est restée huit mois, puis j’ai été élu président. Au bureau, on était cinq, moi j’habitais en Guadeloupe, le secrétaire général était à Yaoundé au Cameroun, la trésorière à Montréal, un conseiller technique sourd en Belgique et le professeur d’université lyonnais Charles Gardou.

Question : Vous avez quitté la Guadeloupe pour la Métropole depuis quelques mois…

Gérard Lefort : J’ai quitté la Guadeloupe fin juillet 2013. Je suis né à Nogent-le-Rotrou en Eure-et-Loir, en fin de compte je suis percheron (rires)! Je suis arrivé en Guadeloupe à l’âge de 33 ans; à 40 ans je suis revenu dans l’Hexagone, j’ai eu l’accident à 47 ans, divorce, et après je suis retourné en Guadeloupe quand j’avais 52 ans…

Question : Le plaisir de la moto, c’était avant et après l’accident qui vous a rendu paraplégique ?

Gérard Lefort : J’ai eu un accident de moto avec ma 25e bécane…

Question :
 Vous avez planté les 24 autres ?

Gérard Lefort : Non, je les ai vendues avant d’avoir l’accident (rires) ! J’ai eu un seul accident, et voilà. Avant, j’ai fait des courses de côtes, d’endurance, j’étais vraiment branché. Après l’accident en 2003, j’ai acheté une voiture et en 2005 un side-car. Quand j’ai eu ma mutation pour la Guadeloupe en 2008, j’ai vendu la voiture et je me suis déplacé uniquement avec le side-car.

Question : C’est facile de vivre avec une paraplégie en Guadeloupe ?

Gérard Lefort : La difficulté, ce sont les problèmes sanitaires. Au niveau des hôpitaux, ce n’est pas terrible, je suis aussi rentré pour ça. Mais j’ai bien vécu, il y avait des fauteuils pour se baigner, c’était très bien. Et j’avais une vie associative très dense en Guadeloupe.

Question : Vos projets, c’est de poursuivre sur ce spectacle, le peaufiner, l’étoffer, l’améliorer ?

Gérard Lefort : Bien sûr ! Mais j’ai deux projets artistiques : finaliser le spectacle et jouer avec Jacques Boudet, qui est un comédien très connu, dans une pièce du dramaturge anglais Terry Johnson, Amabel. On sera trois sur scène : une saxophoniste, Jacques Boudet et moi. Ce que j’apprécie dans cette pièce, c’est que j’aurai une casquette d’humoriste et une casquette France Culture.

Question : France Culture ?

Gérard Lefort : Parce que c’est la rencontre entre Degas et Toulouse-Lautrec, la rencontre de ces deux peintres et leur vision de la vie et de l’art. Il y a de l’humour dedans, mais pas la casquette du one-man-show. C’est une chance incroyable, j’avais rencontré le metteur en scène lors d’une master class sur la comedia del arte en Guadeloupe, il a pensé à moi pour jouer avec Jacques Boudet. On jouera les 19 et 20 septembre prochains, au Château d’Auvers dans le Val-d’Oise, et on reprendra ce spectacle les 2 et 3 juin 2015, toujours dans le Val d’Oise, au Théâtre 95.

Propos recueillis par Laurent Lejard, juillet 2014.

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