À 59 ans, Didier Fontana a effectué toute sa carrière professionnelle au sein de l’administration des finances : « Je suis devenu paraplégique à 23 ans, en avril 1972, à cause d’un accident automobile. Je préparais alors un doctorat tout en travaillant comme inspecteur des impôts; à l’époque, l’État finançait les études des jeunes gens qui s’engageait par contrat à travailler à son service. Mon objectif était d’intégrer l’École Nationale d’Administration, mais il fallait que je paye mes études ». Au bout de 18 mois d’arrêt maladie, il a demandé au Comité médical à reprendre son service, et a été nommé fondé de pouvoir en octobre 1974 à la Recette principale de Saint-Ouen, la plus importante de Seine-Saint-Denis :

« En m’accueillant, le directeur des Services Fiscaux du département m’avait dit très gentiment, et ce n’était pas de l’humour, ‘Monsieur Fontana, rassurez-vous, on va vous donner un poste où vous n’aurez rien à faire !’. C’était la conception de l’insertion à l’époque, mais bon, déjà on m’acceptait. J’ai fait comprendre que si je venais travailler, ce n’était pas pour rien faire. J’ai donné des cours de formation dans des domaines pour lesquels j’avais des lacunes, ce qui impliquait un investissement préalable. A 30 ans, j’ai réussi le concours d’inspecteur principal des impôts et été nommé inspecteur principal des services. Ce fut le début de quelques années de galère : professionnellement, ça s’est très bien passé, mais je vous laisse penser à ce qu’était l’accessibilité des bureaux de Paris Centre et Est à l’époque : le système D en permanence, avec des plans inclinés de fortune, un cartable lesté de documents inutiles que je gardais sur mes genoux comme contrepoids pour éviter de basculer en arrière, des toilettes dans un coin de cour gelée, etc. Après quelques années, j’ai été muté aux Domaines et c’est alors qu’un ami aveugle, Roger Jalade, qui travaillait au tout nouveau Ministère des finances à Bercy, m’a appelé pour que l’on créé un service dédié à l’insertion professionnelle des personnes handicapées dans cette administration. En 1991, on a créé ensemble la Cellule de recrutement et d’insertion des personnes handicapées (CRIPH), que je dirige seul depuis le départ à la retraite de Roger Jalade, il y a neuf ans. Il y avait tout à faire. On a balayé la problématique du handicap dans tous ses aspects : accessibilité des transports, des immeubles, des postes de travail, déroulement classique des parcours professionnels grâce à des formations adaptées, par exemple pour ne pas rester standardiste pendant 40 ans parce qu’aveugle on a été recruté comme standardiste »…

« On s’est attaché à ce que les écoles professionnelles soient accessibles à tous les travailleurs handicapés, avec des services adaptés : résidences, transports, auxiliaires de vie, etc. A Bercy, on met à disposition un interprète en langue des signes pour un agent sourd. Après 16 ans de travail, tous les aspects du handicap sont pris en compte dans l’administration des Finances. Je dirai que c’est presque parfait, parce qu’il reste un écueil, la connaissance des difficultés rencontrées par les gens : on a encore des remontées d’informations d’agents qui n’étaient pas informés de telle disposition ou opportunité. Les relais se font mal, par les médecins de prévention ou les assistants sociaux, on les a tous informés. J’estime à 40% le nombre d’agents mal informés, c’est un point sur lequel je bute encore ».

Ancien syndicaliste, Didier Fontana a été élu en décembre 2007 au titre du collège employeurs à la présidence du Fonds d’Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique (F.I.P.H.F.P) à l’unanimité des organisations syndicales. Et s’il ne compte plus le nombre de ministres qu’il a vu passer, il constate une permanence dans leur sensibilité à l’emploi des personnes handicapées : « On ne m’a jamais empêché d’agir, quelle que soit la couleur politique des ministres qui se sont succédés ». Actuellement, le Ministère des finances et du budget recrute annuellement 6% de travailleurs handicapés par la voie contractuelle et sur concours. Un budget spécifique finance les matériels et prestations nécessaires (aménagements automobiles, fauteuils roulants, auxiliaires de vie sur le lieu de travail, prothèses auditives, postes adaptés de travail), l’ensemble faisant des Finances un ministère pilote en matière d’insertion professionnelle. Et un exemple que Didier Fontana aimerait voir être suivi par d’autres ministères, les collectivités territoriales et les grandes villes.

Laurent Lejard, février 2008.

Partagez !