A priori, on plaindrait difficilement Philippe Streiff. Tétraplégique depuis un accident survenu lors d’une compétition de Formule 1 à Rio de Janeiro, il a récupéré ce qu’il pouvait de ses fonctions motrices, après une très longue rééducation consécutive à une médiocre médicalisation au Brésil. Il s’est reconverti, dirige la société qu’il a créé, fourmille d’idées et d’initiatives. Il est resté célèbre, la presse s’intéresse à lui. Un véhicule automobile (Renault Espace) a été spécialement aménagé à son intention, qu’il peut conduire au moyen d’un joystick, avec homologation et permis de conduire : on murmure que le véhicule serait revenu au total à 230.000 euros… Et pourtant, la vie de Philippe Streiff pourrait basculer. Son choix de vivre de manière indépendante, d’être actif et productif, se heurte à la prise en charge, par notre système de santé et de Solidarité Nationale, des personnes handicapées dépendantes.

Philippe doit financer sur ses revenus les aides humaines dont il a besoin: « j’ai eu les moyens pendant un temps, grâce aux revenus de mon ancien métier, aux collègues de travail, aux sponsors, à la famille ». Afin de rester actif, il a besoin de personnel, notamment pour être sondé plusieurs fois par jour. Ces soins ne sont pas pris en charge en dehors de l’hôpital. « Des personnes tétraplégiques indépendantes, il n’y a en a pas beaucoup, on est tous dépendants d’une tierce personne. Si on veut vivre en dehors d’un centre, d’un foyer ou d’un institut hospitalier, ce n’est pas facile ». Malgré l’aide de l’Agefiph, qui prend en charge un assistant sur son lieu de travail, le personnel qui l’aide dans les actes quotidiens de la vie lui coûte 60.000 euros par an, et ses revenus ne lui permettront bientôt plus de les payer. Même en recourrant, comme d’autres de ses amis « en tétraplégie », à l’emploi non déclaré de travailleurs étrangers, pour réduire un peu une charge financière qui ni la Sécurité Sociale ni le système d’allocations ne couvrent. Apparemment, la seule proposition que les services sociaux ont faite à Philippe Streiff, c’est d’intégrer un foyer spécialisé !

« J’ai une vie de famille, une vie professionnelle. Je trouve d’autant plus anormal d’être obligé d’aller dans un foyer que j’ai prouvé pendant 10 ans qu’on pouvait faire autrement ». En outre, cette « solution » n’aurait rien d’économique pour la Sécurité Sociale. Alors, Philippe Streiff tempête, menace à la radio de rendre sa Légion d’honneur à l’occasion du prochain bicentenaire de son institution, participe à des émissions de télévision, demande à être reçu par la ministre de tutelle. Il a obtenu un rendez- vous auprès de Ségolène Royal, envisage d’y aller « en nombre pour prouver que je ne suis pas un cas isolé ». Sera- t- il un bon porte- parole des handicapés moteurs dépendants ?

Laurent Lejard, février 2002


Pour en savoir plus sur Philippe Streiff : www.phstreiff.com. S’il fallait une confirmation de ce que la situation de Philippe Streiff est loin d’être un cas isolé, voici, parmi de nombreux courriers reçus récemment sur le problème, une lettre ouverte de Mireille Stickel à Élisabeth Guigou, ministre de l’Emploi et de la Solidarité.

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