Istanbul s’étend sur près de cent kilomètres le long de la rive asiatique et d’une quarantaine sur le littoral européen. Cette métropole orientale est très… occidentale: à l’exception des mosquées, on se croirait dans n’importe quelle ville du sud de l’Europe. On ne sait pas précisément combien la ville compte d’habitants ; plus de douze millions selon certaines sources, quinze à dix- huit pour d’autres ! Il n’y a pas d’urbanisme concerté, les immeubles sont plutôt bas, l’entretien de la voirie et des trottoirs est aléatoire. Quand à la périphérie, c’est une accumulation d’immeubles plus ou moins terminés.

Notre visite commence par Dolmabahçe Sarayi, le dernier palais des sultans, situé sur la rive européenne du Bosphore. Il est inaccessible en fauteuil roulant (il faut gravir un perron d’une vingtaine de marches pour accéder au rez-de-chaussée, mais après avoir traversé un hall immense la visite se poursuit à l’étage – Prix d’entrée prohibitif). Bien que les sols soient couverts de tapis « au kilomètre », les visiteurs doivent tous revêtir des protège chaussures en plastique bleu particulièrement seyants ! La visite se fait par groupe d’une cinquantaine de personnes, en turc, anglais ou français ; pour s’assurer que personne ne traîne, un « chiourme » ferme la marche. C’est dans le Harem de ce palais que Mustapha Kémal Atatürk est mort le 10 novembre 1938. Sa chambre est un haut-lieu de pèlerinage : son lit est couvert d’une courtepointe ornée du drapeau turc et l’horloge est arrêtée à l’instant de son trépas, neuf heures cinq. Dolmabahçe fut inauguré en 1856 par le Sultan Abdülmecit Ier. Il est aussi froid que luxueux ; les lustres du Palais sont en cristal de Baccarat (celui de la salle du trône est gigantesque) ainsi que la rampe du grand escalier, le hammam est en albâtre avec des robinets en argent massif, il y a des pianos un peu partout, des meubles anciens ou en bois précieux, etc. Il sert occasionnellement pour les réceptions de Chefs d’État. Kitch !

Ancien palais des Grands Turcs, Topkapi (prononcez « topkapeu ») est à visiter absolument. Il fut construit par le sultan Mehmet II, après sa prise de Constantinople en 1453. Bâti sur la Pointe du Sérail, face à la mer de Marmara et l’Asie, il offre aussi un magnifique point de vue sur la Corne d’Or. Le Palais s’étend sur quatre cours. La plupart des salles sont accessibles en fauteuil à condition d’être aidé, un parcours fléché vous dirige vers des rampes métalliques amovibles; faites très attention aux seuils en marbre, très relevés et larges. Les kiosques de la quatrième cour ne sont pas accessibles, ainsi que le restaurant et la cafétéria.

Sur la droite de la deuxième cour, vous devez aller admirer, dans les anciennes cuisines, une merveilleuse collection de porcelaines chinoises couvrant toutes les époques, avec des pièces uniques de Céladons (XIIIe siècle, dans un état de conservation exceptionnel) dont la technique est aujourd’hui perdue.

Avant d’entrer au Harem, vous verrez le Divan, lieu de prise des décisions politiques.

Dans la cour suivante, visitez le Trésor : vous tomberez à la renverse devant le fameux poignard, les émeraudes de la taille du poing, le « Diamant du marchand de cuiller » qui pèse 86 carats, les tonnes de bijoux, les trônes immenses recouverts d’or et de pierres précieuses ou en bois précieux incrusté de nacre, les chandeliers faits de 49 kilos d’or massif.

Tout près, un autre trésor, les reliques du Prophète : cheveux, poils de barbe (d’où l’expression « par la barbe du Prophète » ?), empreinte de pied (plutôt grande) ; dans cette salle, un religieux psalmodie en permanence des versets du Coran.

En sortant de Topkapi, vous faites face à Sainte- Sophie (Haghia Sofia), Sophie pour Sagesse. Cette basilique byzantine construite au VIe siècle, transformée en mosquée après la conquête de Constantinople, est maintenant un musée. L’accès à la travée est facile en fauteuil roulant, avec aide (toujours ces seuils monumentaux), mais visiter la tribune semble impossible (escalier puis rampe en pavés grossiers) ; c’est malheureusement là que se trouvent des mosaïques du XIIe siècle, très bien conservées.

Les voûtes étaient entièrement couvertes de ces mosaïques à fond d’or ou d’argent. Un enduit peint les masque presque totalement mais des sondages ont permis de mettre au jour quelques fragments. Les parois sont revêtues de marbres rares, qu’ils soient blancs, roses, verts, jaunes ; les plaques furent découpées et placées de telle manière qu’elles forment des motifs symétriques parfaits qui évoquent immanquablement nos modernes fractales ! Rien d’étonnant à ce que sa construction faillît ruiner l’Empire Romain d’Orient.

La Turquie est un pays laïque. Pour le touriste, l’une des conséquences est la possibilité de visiter les mosquées, en dehors des heures de prière. Vous devrez ôter vos chaussures, que vous laisserez dehors ou que vous poserez sur des clayettes prévues à cet effet à l’intérieur ; parfois, un gardien vous distribue un sac pour les garder avec vous.

Voici la Mosquée Bleue (Sultanahmet Camii). Elle est située sur la même esplanade que Sainte- Sophie. Elle doit son nom aux carreaux de faïence d’Iznik qui en tapissent le dôme principal, renvoyant une lumière bleutée. Surprise : elle est décorée de vitraux. L’entrée « touristique » est fléchée et gratuite, avec un escalier d’une dizaines de marches ; la sortie se fait à l’opposé, par la cour. Si cette visite vous donne envie d’acheter des faïences d’Iznik, la galerie artisanale qui est au pied de la mosquée vous en propose de splendides… et très chères !

Entre Sainte-Sophie et la Mosquée Bleue on trouve le Milliaire d’Or ; c’est la borne à partir de laquelle étaient calculées les distances dans l’Empire Romain d’Orient. A l’époque de Justinien (VIe siècle), l’Empire s’étendait en Europe de l’Italie à la Mer Noire, englobait le littoral de l’Afrique du nord ainsi que l’Égypte et les pays du Proche Orient jusqu’aux frontières actuelles de la Turquie. Si Rome tomba au Ve siècle aux mains des « Barbares », Constantinople fut une « Nouvelle Rome » qui survécut à 1.000 ans de guerres civiles, querelles religieuses, sièges… On dit d’Istanbul qu’elle « court à la catastrophe depuis des millénaires » !

A quelques pas de là, la Citerne de Yerebatan (Yerebatan Sarnici) est un exemple du génie bâtisseur des Byzantins ; pour affronter les assiégeants, ils construisirent de nombreux réservoirs souterrains d’eau potable en utilisant des colonnes et des pierres de théâtres, palestres et monuments démantelés. Dans celle- ci, on peut ainsi voir deux têtes renversées de Méduse. Ce lieu ensorceleur vous le connaissez probablement, il a servi de décor à une scène d’un James Bond : « Bon baisers de Russie ». Elle est inaccessible en fauteuil roulant. Le sol est très glissant du fait de l’humidité ambiante.

Terminons notre promenade terrestre par un pélerinage aux sources de cette cité unique. C’est grâce au port naturel formé par la Corne d’Or que le grec Byzas y implanta une colonie, Byzantion. Ces remparts ont été assiégés par les Avars, les Arabes, les Omeyyades, les Croisés et pour finir les Ottomans. Peut-on encore imaginer, en descendant cette autoroute, que des milliers d’hommes se sont battus à mort pour posséder cette Sublime Porte de l’Orient ?

Istanbul est la seule ville au monde à s’étendre sur deux continents, séparés par le Bosphore. Continuons notre visite au fil de l’eau, entre Europe et Asie

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