Peu de festivals de cinéma documentaire sont attentifs à l’accueil des spectateurs sourds et malentendants : l’initiative de l’association brestoise Canal Ti Zef mérite d’être saluée. Pour la seconde année consécutive, le Festival Intergalactique de l’Image Alternative, qui se déroulera sur le thème de l’Irlande du 6 au 12 octobre dans quatre lieux de Brest (Finistère), va en effet proposer des films en sous-titrage sourds et malentendants, complétant ceux qui sont en sous-titrage classique VOST, ainsi que des rencontres-débats avec interprètes en Langue des Signes Française, des ciné-concerts, des spectacles pour enfants, et un atelier Kino-cabaret de création vidéo intégrant tous les publics.

« Nous avons déjà cinq Sourds inscrits au Kino », apprécie Camille Niccolini, porteuse du projet d’accueil des sourds et malentendants. Ancienne salariée du Festival de cinéma de Douarnenez, et sous-titreuse professionnelle au sein de la société Le Joli Mai, elle a apporté aux Brestois l’expérience qu’elle a acquise : « J’ai travaillé pour le festival de Douarnenez à l’accessibilité des spectateurs sourds ou malentendants et sur la culture sourde. J’ai appris la langue des signes, je me suis impliquée, ça m’a passionné. Les rencontres à Douarnenez étaient super intéressantes, avec la découverte d’une minorité par les entendants, et pour les sourds celle du cinéma auquel ils n’avaient pas accès. En débutant une collaboration avec le festival de Brest, j’ai apporté l’idée. »

« Lors de l’édition du Festival en 2012, ajoute Eric Le Lan, coordinateur de Canal Ti Zef, nous avons cherché à favoriser l’accessibilité aux personnes sourdes et malentendantes. Nous avons à ce titre entamé une collaboration avec des structures telles que l’URAPEDA ou LSF29. Des interprètes professionnels ont ainsi traduit en Langue des Signes Française les débats-discussions faisant suite aux films proposés lors du Festival. Un lexique français-breton-allemand-LSF a été mis à la disposition des festivaliers. Des personnes sourdes ou malentendantes ont participé à l’événement en tant que bénévoles et d’autres ont réalisé un film lors du Kino-cabaret. Enfin, pour conclure cette liste non exhaustive, la société Le Joli Mai a sous-titré la quasi-totalité des films projetés pendant la semaine ainsi que tous les films réalisés dans le cadre du Kino-cabaret. »

Ce sera l’un des attraits de l’Intergalactique: en trois jours, les participants travailleront en petits groupes à l’écriture d’un sujet, son tournage, au montage et à la diffusion avec sous-titrage Sourds et Malentendants, un véritable défi. « Les ateliers sont pour tout le monde y compris les sourds, ajoute Christophe Le Gall, Sourd militant et bénévole pour le festival. Le Kino Cabaret est un moment convivial ouvert à tous et toutes avec ou sans connaissance audiovisuelle. Les 3 jours sont encadrés par des personnes qui sont là pour aider à la réalisation du film. Une encadrante parle la Langue des Signes Française et un interprète en LSF sera présent aux réflexions en groupe et lors de la diffusion publique. Aussi, les entendants sont curieux d’apprendre quelques mots, c’est un vrai moment convivial. »

Le festival assure également le sous-titrage Sourds et Malentendants de cinq films inédits en France: « Le sous-titrage spécifique n’est jamais fourni, précise Camille Niccolini. Il n’existe pas tant qu’un festival ne le réalise pas. » Un budget approchant les 1.500€ a été dégagé pour ce travail. De leur côté, les rencontres promettent d’être animées, évoquer l’Irlande, ou plutôt les Irlande et leurs problématiques politiques, sociales et humaines peut entraîner des débats agités. Et une confrontation des langues des signes, puisque des Sourds britanniques et irlandais sont attendus.

« Pour moi, ajoute Christophe Le Gall, les sourds ou les entendants peuvent aller ou pas aux débats du festival, même si les sourds connaissent mal l’art ou le cinéma à cause de l’illettrisme. Je dirais que cette position politique n’est pas liée au fait d’être sourd ou pas, ou que le festival propose des films avec des propositions indépendantes, quelle que soit la langue et le « statut », il n’y a pas de liens. L’idée est d’utiliser l’image comme moyen d’expression avec ou sans les mots. » Et il tire de ce festival un fort sentiment d’appartenance à son pays breton : « Je suis fier du Finistère car la culture accessible aux sourds se développe vite par rapport aux autres départements. En plus, je conseille des festivals qui doivent penser aux sourds, Vannes par exemple va préparer un festival pour tout le monde, y compris les sourds. » La Bretagne montre l’exemple, à qui le tour ?

Laurent Lejard, septembre 2013.

Partagez !